Le président du directoire du groupe PSA Carlos Tavares a présenté jeudi 1er mars des résultats 2017 record, à Rueil-Malmaison, près de Paris. / Thibault Camus / AP

Un boulet Opel ? Pas assez pesant en tout cas pour entraver la marche en avant de PSA. Les résultats du groupe français et de ses cinq marques (Peugeot, Citroën, DS, Opel, Vauxhall), publiés jeudi 1er mars, ont battu de nouveaux records, un an presque jour pour jour après l’annonce de l’achat à General Motors de la marque allemande par le constructeur tricolore, pour 2,2 milliards d’euros, et sept mois après son intégration effective dans PSA, le 1er août dernier.

Le groupe automobile a ainsi publié des « résultats historiques », pour reprendre les termes du communiqué, hissant son chiffre d’affaires à 65 milliards d’euros – une hausse de plus de 20 % par à rapport à 2016 – auxquels le nouveau venu, Opel-Vauxhall, a contribué pour 7,8 milliards d’euros (soit cinq mois de ventes). Les ventes sont en hausse de 15,4 % avec 3,63 millions de véhicules vendus.

La perte opérationnelle de l’entreprise allemande de 179 millions d’euros n’a guère affecté les bénéfices opérationnels courants de 4 milliards, qui ont fait un bond de plus de 760 millions d’euros par rapport à 2016, ni le profit final record du groupe, qui a atteint 1,9 milliard d’euros, en hausse de 11,5 %.

Une marge opérationnelle rare dans l’industrie auto

Finalement, seule la marge opérationnelle courante – soit le résultat opérationnel courant comparé au chiffre d’affaires – a fait du surplace (6,1 % contre 6 % l’an dernier et 5,9 % pour la division automobile). Si on enlève Opel-Vauxhall du calcul de cet indice de la profitabilité de l’activité, la marge opérationnelle atteint un niveau record, et rare dans l’industrie auto, de 7 % et même de 7,3 % pour la division automobile.

« Nos résultats sont en progression pour la quatrième année consécutive, s’est félicité Carlos Tavares, le président du directoire du groupe PSA, lors de la présentation des résultats. Nous faisons la preuve de notre capacité à générer une croissance rentable et pérenne. C’est la conséquence de l’application de nos plans stratégiques et surtout de sa mise en œuvre par nos collaborateurs. »

Non seulement le travail de fond porte ses fruits, mais le groupe français profite depuis deux ans d’un marché automobile européen en pleine forme, son terrain de chasse historique. « PSA, qui n’avait pas de nouveaux modèles sur le marché jusqu’à la fin 2016, a réussi à passer cette période difficile en partie grâce aux bévues de Volkswagen, explique Gaëtan Toulemonde, analyste du secteur automobile chez Deutsche Bank. Ensuite, le plan produits a pris le relais. »

Les immatriculations de Peugeot font des étincelles

Et de quelle manière ! Les immatriculations de Peugeot, en particulier, font des étincelles. En France, sur les six derniers mois, la hausse des ventes de Peugeot neuves, par rapport aux mêmes mois de l’année passée, dépasse les 12 % en moyenne, avec des pointes remarquables de + 25 % en octobre 2017 ou de + 19 % pour le mois de février 2018.

On peut voir dans cette dernière statistique un indice que le premier semestre 2018 s’annonce du même tonneau. Signe qui ne trompe pas : presque toutes les usines européennes du groupe sont en train de se doter d’équipes supplémentaires (de nuit ou de week-end) pour augmenter les capacités des usines sur le Vieux Continent. Et, pour couronner le tout, cette hausse des volumes est aussi associée à une hausse des ventes rentables. Les clients achètent des modèles à haut niveau de finition pour lesquels les marges sont plus élevées.

Reste le cas Opel, qui, même s’il handicape peu l’ensemble du groupe, assombrit ce tableau. Les 179 millions d’euros de pertes intégrés dans les comptes peuvent être vus comme un moindre mal, surtout comparés aux – 460 millions enregistrés au premier semestre. Mais ces pertes sont minimisées par le passage aux normes comptables européennes et si on les extrapole à l’ensemble de l’année, elles se sont considérablement creusées par rapport à 2016.

« La transformation d’Opel n’est pas facile »

Comment transformer ce foyer de pertes en source de profits ? D’abord par l’assainissement des ventes. Aujourd’hui, 40 % des ventes d’Opel se font sur des canaux non rentables (loueurs de courte durée, ventes aux concessionnaires). La moyenne dans l’industrie est de 20 %. Atteindre ce niveau permettrait à Opel de générer, à volume égal, jusqu’à 700 millions d’euros de bénéfices opérationnels, disent certains experts.

Les synergies industrielles sont aussi un vecteur d’amélioration. « Le plan de redressement d’Opel Vauxhall, présenté le 9 novembre, donne ses premiers résultats concrets, affirme PSA, tels qu’une organisation commune des achats, des accords sociaux et des réductions de coûts ». L’utilisation de plates-formes techniques communes et d’organes communs est l’une des réponses clés. Le nouveau SUV d’Opel, le Grandland, par exemple, est assemblé sur la base de la plate-forme utilisée pour la Peugeot 3008, le best-seller de Peugeot.

Ensuite, et c’est là que cela se complique sérieusement, le coût du travail dans l’entreprise germano-britannique est nettement plus élevé que dans le reste du groupe. « Les frais de personnel représentent 16 % du chiffre d’affaires chez Opel, contre 10,3 % chez PSA », assure M. Toulemonde. Les surcapacités industrielles sont élevées, en particulier dans l’immense usine de Rüsselsheim, siège d’Opel. Par ailleurs, selon un consultant contacté par Le Monde et qui a requis l’anonymat, le maintien de deux usines en Grande-Bretagne ne paraît pas viable.

« La transformation d’Opel n’est pas facile, a expliqué le président de PSA. Ce n’est pas facile d’arriver devant les salariés d’Opel et de dire que les coûts de production sont deux fois plus élevés que dans les usines françaises qui ne sont pourtant pas les meilleures de PSA. » Et M. Tavares de conclure « les leadeurs impopulaires d’aujourd’hui seront les héros de demain. »