L’agriculture en mal de vocations
L’agriculture en mal de vocations
Le Monde.fr avec AFP
Afin de multiplier les vocations chez les jeunes, les ministres de l’éducation nationale et de l’agriculture ont signé une convention qui doit permettre la diffusion dès le collège d’une « meilleure information sur l’enseignement agricole »
Salon de l'Agriculture, porte de Versailles, à Paris, le 24 février 2018 / GERARD JULIEN / AFP
Image écornée par les crises, formations et métiers méconnus... Si l’agriculture regorge d’occasions de carrière de tout niveau, elle peine souvent à recruter, malgré l’aspiration grandissante à une montée en gamme de la production. « 12 000 emplois de salariés agricoles restent vacants chaque année » : le constat dressé cette semaine au salon de l’Agriculture par Gilles Duquet, secrétaire général de l’Association nationale emploi-formation en agriculture (Anefa) et agriculteur dans le Jura, était déjà le même lors de l’édition 2017 du salon.
Du côté des cadres, le diagnostic est similaire. Cette année, le nombre d’offres proposées a augmenté et le nombre de candidats a diminué sur le site de l’Apecita (Association pour l’emploi des cadres, ingénieurs, et techniciens de l’agriculture et de l’agroalimentaire). Avec 14 235 offres et 17 000 candidats potentiels, les courbes menacent même de se croiser. Au premier rang des facteurs de désaffection figure « l’image de l’agriculture », selon Mylène Gabaret, directrice de l’Apecita : le public est d’abord confronté à « la détresse » de paysans touchés par les crises qui secouent le monde rural.
Améliorer l’information sur l’enseignement agricole
Mais cette réalité-là ne concerne pas tous les paysans. « Il y a deux, trois ans, on a fait un sondage : 95 % des personnes interrogées ne savaient pas qu’il y avait des salariés en agriculture », déplore Mme Gabaret. « Le salarié agricole fait 35 heures par semaine », souligne M. Duquet, à l’Anefa. L’une des raisons de cette ignorance tient dans la séparation entre l’enseignement agricole, qui dépend du ministère de l’agriculture, et l’éducation nationale. « Un jeune qui est en filière générale, on ne va pas lui parler de la filière agricole, regrette Mme Gabaret. C’est très cloisonné. »
Mais cela pourrait changer. Cette semaine, les ministres de l’éducation nationale et de l’agriculture ont signé une convention qui doit notamment permettre la diffusion dès le collège d’une « meilleure information sur l’enseignement agricole », dans le cadre des dispositifs d’orientation.
Le salon de l’Agriculture, qui espère cette année encore plus de 600 000 visiteurs, a également apporté son écot à la cause de l’emploi agricole en créant cette année un espace « Agri’Recrute ». Il regroupe sous une même bannière les treize acteurs de l’emploi et de la formation présents porte de Versailles à Paris, dont l’Anefa et l’Apecita.
Un domaine « porteur de valeurs et de valeur ajoutée »
Autre motif d’espoir, la montée en gamme de l’agriculture française, appelée de ses vœux par Emmanuel Macron dans le cadre des États généraux de l’alimentation. Dans cette optique, l’Anefa a organisé au salon une table ronde : « L’emploi est dans l’assiette », « avec des chefs, des boulangers, des vignerons, des producteurs de fromages AOP, afin d’encourager des jeunes à se lancer dans un domaine porteur de valeurs et de valeur ajoutée », décrit M. Duquet. Certes, admet-il, « il y a des productions en crise » mais il y a aussi « plein de filières qui s’en sortent et qui sont créatrices de valeur ».
Les envies de retour à la terre, la volonté de manger mieux peuvent également favoriser l’arrivée de nouveaux postulants. Mais gare aux « fausses idées », prévient Mme Gabaret. Tout en voulant croire que l’évolution des métiers « va se développer dans le bon sens », elle pondère : l’agriculture, « ce n’est pas cui-cui, les petits oiseaux, il faut être présent, se lever tôt ». Comme le dit M. Duquet, « le grand air ne suffit pas ».