Cinq questions sur la situation à Mayotte
Cinq questions sur la situation à Mayotte
Mardi, la ministre des outre-mer, Annick Girardin, a annoncé une prochaine « conférence pour l’avenir » de l’île.
Manifestation à Mamoudzou, le 20 février. / ORNELLA LAMBERTI / AFP
Alors que Mayotte entre dans sa troisième semaine de grève générale, la ministre des outre-mer, Annick Girardin, a annoncé, mardi 6 mars, que le gouvernement proposerait aux élus de du département et de la région l’ouverture d’une « conférence pour l’avenir » de l’île.
Cette conférence se tiendra après « les résultats des assises des outre-mer », au printemps, « et après avoir rétabli la sécurité, parce qu’il faut travailler avec du calme », a insisté Mme Girardin, qui était interpellée à l’Assemblée nationale sur la situation de l’île.
Depuis le 20 février, Mayotte, 101e département français, est paralysée par une grève générale. Au centre des revendications des Mahorais, l’insécurité et les conditions de vie.
Qu’est-ce qui a déclenché ce mouvement ?
Depuis le début de l’année, une série de violences a eu lieu aux abords et à l’intérieur d’établissements scolaires de l’île. Des dizaines de jeunes armés de barres de fer ont notamment assailli un lycée professionnel, le 19 janvier, blessant des élèves. Vingt et un élèves ont été exclus définitivement, selon le vice-rectorat.
Le personnel de trois lycées a exercé son droit de retrait, et la grande majorité des chauffeurs de transport scolaire, dont les véhicules sont régulièrement caillassés, a fait de même.
Quelles sont les formes de la contestation ?
Dans le nord et dans le centre de l’île, les axes clés de circulation sont coupés par des barrages tenus par plusieurs dizaines de manifestants. Des opérations escargot ont également lieu. Les manifestations sont régulières dans les rues du chef-lieu, Mamoudzou. Des opérations « île morte » ont par ailleurs eu lieu, la dernière mardi. En plus des manifestations, une grande majorité des entreprises de Mamoudzou avaient été fermées toute la journée. La liaison maritime entre Grande-Terre et Petite-Terre, les deux îles principales, a été bloquée.
Le mouvement s’est encore durci, lundi 5 mars, avec la mobilisation des maires réunis dans une coordination des élus. Les dix-sept élus de l’île ont décidé unanimement de fermer les portes de l’ensemble des mairies à l’issue d’une réunion avec le préfet. Et ce, « de manière illimitée ». Ils prévoient de se rapprocher de la coordination syndicale qui a lancé le mouvement.
Sur quoi les revendications portent-elles ?
Les manifestants expriment un sentiment d’abandon de la part de l’Etat et réclament, outre plus de sécurité, des fonds. Le comité de coordination des maires a présenté un « plan de convergence » sur dix ans, chiffré à environ 1,8 milliard d’euros. Pour Saïd Omar Oili, le président de l’association des maires, c’est le prix que doit payer l’Etat s’il veut « mettre en place les conditions de tranquillité des Mahorais ».
Ces besoins ont été chiffrés :
- 40 millions d’euros seraient dévolus à des équipements sportifs et culturels ;
- 500 millions à l’habitat ;
- 480 millions à l’eau potable et à l’assainissement ;
- 238 millions aux routes et transports ;
- 480 millions aux constructions scolaires.
Les Mahorais se disent déterminés à poursuivre le mouvement tant que le président de la République ou le ministre de l’intérieur ne se déplace pas pour les rencontrer.
Quel est le contexte ?
Mayotte, devenue département français le 1er janvier 2014, est l’un des territoires les plus pauvres de France et connaît un taux de chômage de 26 % (le taux national est de 9,2 %). L’île est aussi la destination de très nombreux migrants venant des îles voisines des Comores, dont la plus proche n’est qu’à soixante-dix kilomètres de ses côtes. Les chiffres des reconduites à la frontière en témoignent (ils datent de 2015) :
- 19 000 personnes à Mayotte seule ;
- 20 000 sur tout le territoire métropolitain.
Une partie des manifestants estime que la délinquance est liée à la forte immigration clandestine.
Que répond le gouvernement ?
Annick Girardin a promis, la semaine dernière, des renforts policiers et a appelé à « dessiner une nouvelle vision pour Mayotte », avec « des priorités clairement établies : la sécurité et la lutte contre l’immigration clandestine, bien entendu, mais aussi la santé, le logement et les transports, qui font votre vie de tous les jours ».
Mardi, devant les députés, promettant de « sécuriser la rentrée [scolaire], la semaine prochaine », elle a assuré que « d’autres types de mesures » seraient annoncés « dans les prochaines heures » avec le ministère de l’intérieur. Le gouvernement a aussi annoncé la création d’une zone de sécurité prioritaire (ZSP), augmentant les moyens des forces de l’ordre. Mais cela n’a pas suffi à calmer la contestation.
Mme Girardin devrait se rendre sur place après les élections législatives partielles qui se tiendront les 18 et 25 mars :
« Le gouvernement ne laissera pas un territoire de la République s’enfoncer dans la violence et ses citoyens penser qu’on ne s’occupe pas d’eux. »
Un choix contesté par le député européen de La France insoumise Younous Omarjee, qui a twitté que l’Etat était « absent » à Mayotte, mais aussi par la droite. Dans un communiqué, le député de l’Essonne Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) a déploré « le mépris de l’Etat pour l’outre-mer ».
A #Mayotte , « L’Etat absent ». https://t.co/F4marQqgLD
— younousomarjee (@younous omarjee)
Le président des Républicains, Laurent Wauquiez, qui s’est rendu sur place lundi 5 mars, a, lui, dit assister à la « capitulation de la République à Mayotte » :
« Je ne comprends pas que le président Macron tourne le dos ainsi et abandonne l’île de Mayotte. »
Mardi, Annick Girardin, tout en invitant l’ensemble des députés à participer à « ce grand débat sur l’avenir de Mayotte », a insisté : c’est un « échec collectif que nous avons à partager ».