Des agents en civil interpellent un soutien de Wang Quanzhang à Tianjin, Chine, le 26 décembre 2018. / Mark Schiefelbein / AP

Le célèbre avocat et défenseur chinois des droits humains Wang Quanzhang était détenu au secret depuis trois ans. Mercredi 26 décembre, son procès s’est ouvert sous la surveillance d’une cinquantaine de policiers, déployés autour du tribunal de Tianjin, dans le nord-est du pays. Annoncée l’avant-veille par son épouse, Li Wenzu, qui anime les efforts de soutien à M. Wang, la tenue de ce procès fermé au public n’avait dans un premier temps pas été confirmée officiellement par les autorités chinoises. « L’affaire comportant des secrets d’Etat, la cour a décidé de ne pas ouvrir le procès au public », a fait savoir le tribunal.

C’est de « subversion de l’autorité de l’Etat » qu’est accusé l’avocat chinois. A 42 ans, Wang Quanzhang a été actif tout au long de sa carrière sur des dossiers particulièrement sensibles du point de vue du pouvoir en place à Pékin. Jeune étudiant en droit, il a fourni au début des années 2000 une assistance juridique aux adeptes du mouvement religieux du Falun Gong, persécutés par la République populaire. Il a aussi soutenu, en tant qu’avocat, des paysans dépossédés de leurs terres et en quête de justice.

Le 7 juillet 2015, une vaste opération menée par les autorités chinoises se traduit par l’arrestation de 200 défenseurs des droits humains dans le pays. Quelques jours plus tard, M. Wang disparaît. Il se cache. L’avocat finit cependant par se faire arrêter le mois suivant dans sa province natale du Shandong, avant d’être « placé en résidence surveillée dans un endroit désigné » pour six mois, une mesure qui formalise la pratique des disparitions forcées, un des outils usuels de la police politique chinoise. Mis en examen pour subversion en 2016, il est depuis détenu au secret.

« Mascarade cruelle »

Parmi les défenseurs des droits humains arrêtés en juillet 2015, Wang Quanzhang est le dernier à n’avoir été ni jugé ni libéré. Des sept personnes condamnées après le coup de filet de juillet 2015, le plus lourdement sanctionné a écopé de huit ans de prison il y a tout juste un an, le 26 décembre 2017. Selon l’organisation de défense des droits humains Amnesty International, qui a dénoncé une « mascarade cruelle » et un « faux procès », M. Wang risque la prison à vie. « Wang Quanzhang est persécuté pour avoir pacifiquement défendu les droits humains », a déclaré Doriane Lau, d’Amnesty International, dans un communiqué, en rappelant qu’il a déjà été « détenu plus de trois ans sans que sa famille sache jusqu’à récemment s’il était vivant ».

Les soutiens de Wang Quanzhang subissent eux aussi la répression systématique des autorités chinoises. A Tianjin, devant les journalistes tenus à l’écart du palais de justice, un homme a dénoncé d’une voix forte les poursuites contre M. Wang, avant d’être poussé dans une voiture par des policiers en civil. « Vous avez arrêté un érudit que les gens n’ont même pas le droit de voir. C’est du fascisme », a lancé l’homme, qui a dit s’appeler Yang Chunlin, avant son interpellation.

« Les Chinois ne doivent plus vivre dans la peur, nous devons lutter contre l’oppression et faire preuve de courage », a-t-il crié. Yang Chunlin est un contestataire qui avait été condamné à de la prison en 2008 pour avoir fait circuler une pétition contre l’organisation des Jeux olympiques de Pékin la même année. Plus tôt, un manifestant porteur d’une pancarte « Libérez l’innocent Wang Quanzhang » avait également été interpellé, a déclaré un témoin à l’Agence France-Presse.

Manifestation à Hongkong

L’épouse de Wang Quanzhang, Li Wenzu, qui s’était rasé la tête la semaine dernière pour dénoncer la détention prolongée et sans jugement de son mari, a annoncé mardi que plus de vingt membres des forces de l’ordre stationnaient en bas de son domicile pékinois en début d’après-midi, l’empêchant de se rendre à Tianjin, une ville distante de plus de 100 kilomètres de la capitale.

A Hongkong, où il reste possible de manifester, une cinquantaine de personnes ont protesté dans la matinée devant le bureau de liaison du gouvernement chinois, avec des pancartes réclamant la libération de M. Wang. « Wang Quanzhang est aujourd’hui en détention depuis mille deux cent soixante jours, et c’est un jour de honte extrême pour la Chine », a déclaré le député prodémocratie Kwok Ka-ki. « Après trois années de détention, il est à présent en procès à huis clos. Seul l’Etat nazi au siècle dernier aurait pu avoir recours à de telles méthodes contre son propre peuple », a-t-il tonné.

En mai dernier, l’épouse de Wang Quanzhang, Mme Li, avait été reçue par Angela Merkel lors d’une visite de la chancelière allemande à Pékin. Les Etats-Unis et l’Union européenne s’étaient également émus du sort de l’avocat, qui n’a pas été autorisé à choisir ses propres défenseurs ni à rencontrer des proches en plus de trois années de détention. Le régime communiste a pris l’habitude de faire condamner des opposants politiques en fin d’année, lorsque l’attention des pays occidentaux tend à se relâcher.