Un premier point sur le retour de Neymar à la compétition sera fait dans six semaines. / THIBAULT CAMUS / AP

Au bord du précipice, les joueurs et dirigeants du Paris-Saint-Germain se prêtent à un exercice alambiqué : donner l’illusion que l’absence de Neymar, victime d’une « fissure du cinquième métatarsien droit », n’est pas préjudiciable dans la perspective de la rencontre avec le Real Madrid, mardi 6 mars, en huitièmes de finale retour de Ligue des champions. « Ce n’est pas un cauchemar, s’est épanché, dans les colonnes de L’Equipe, Antero Henrique, le directeur sportif du club. On préfère jouer avec le meilleur joueur du monde que sans, c’est logique. Il n’est pas là mais il est là. Neymar est le leadeur de l’équipe mais ses partenaires vont tout donner pour lui, pour le club. »

Envoyé en première ligne pour déminer le terrain médiatique avant la réception au Parc des Princes des Merengue, vainqueurs (3-1) à l’aller, le Portugais a expliqué que le joueur le plus cher du monde, recruté 222 millions d’euros en août 2017, pouvait « aider » le PSG « de l’extérieur ». « Par son esprit, sa relation avec les autres joueurs, le staff, les supporteurs, l’entourage du club », a développé M. Henrique, insistant sur le rôle d’ambassadeur du Brésilien, opéré à Belo Horizonte samedi 3 mars.

S’il en appelle à l’union sacrée, le Lusitanien ne s’est en revanche pas risqué à pointer la dimension symbolique que revêt cette absence prolongée – la date de reprise de la star sera fixée dans six semaines. Vitrine commerciale du club parisien et porte-drapeau des visées européennes de son propriétaire, Qatar Sports Investments (QSI), Neymar est l’homme qui devait permettre au PSG d’oublier l’humiliante « remontada » du FC Barcelone (6-1), en mars 2017, en huitièmes de finale de Ligue des champions, ainsi que les quatre éliminations consécutives en quarts du tournoi.

Les statistiques flatteuses du Brésilien

« Neymar a l’obligation de briller à l’occasion de la double confrontation contre le Real, voire au-delà, car justement il a été recruté pour être le joueur qui ferait basculer le PSG dans une nouvelle dimension, ce que n’était pas Zlatan Ibrahimovic, estimait, avant la blessure du prodige, Christophe Lepetit, économiste au Centre de droit et d’économie du sport de Limoges. Il y a donc une très forte pression sur lui pour tirer le PSG vers le haut et être ce fameux marquee player [footballeur star mais aussi décisif] que QSI attend depuis 2012. »

Neymar, le 4 mars, à Belo Horizonte. / PAULO WHITAKER / REUTERS

Au-delà des atermoiements autour du diagnostic médical et des dissonances entre la communication du PSG et celle du clan Neymar, cette absence hypothèque-t-elle les chances du club de la capitale de renverser le Real Madrid, double tenant du titre ? Les statistiques flatteuses du Brésilien (19 buts et 13 passes décisives en Ligue 1, 6 buts en 7 matchs de Ligue des champions) témoignent de son emprise sur le jeu parisien, sa tendance à vampiriser le ballon. Son expérience des joutes continentales et son palmarès à rallonge constituent également des atouts d’envergure.

Si elle s’amuse sur les pelouses françaises, la star n’a toutefois pas donné la pleine mesure de son talent sur la scène européenne cette saison. Son apport fut insuffisant lors de la défaite (3-1) contre le Bayern Munich, en décembre, et surtout lors de la manche aller face au Real Madrid. Au stade Santiago-Bernabeu, le Brésilien s’est régulièrement enferré dans des dribbles inutiles, multipliant les raids solitaires et manquant d’efficacité.

« Cela nous donne une autre opportunité de jeu »

Depuis sa blessure, les regards se focalisent sur le « joker de luxe » Angel Di Maria, flamboyant depuis la reprise de janvier malgré son statut de remplaçant. « Il aura les crocs », a prévenu l’entraîneur parisien Unai Emery, sur la corde raide.

Désireux d’en découdre avec le Real, où il a sévi de 2010 à 2014, l’ailier argentin sera associé au buteur uruguayen Edinson Cavani et au Français Kylian Mbappé, 19 ans, dont les courses folles et la vitesse d’exécution ont régulièrement gêné la défense madrilène lors du premier acte. Rarement aligné depuis le début de saison, le trident offensif a brillé, le 28 février, lors du large succès (3-0) face à l’Olympique de Marseille, en Coupe de France.

A Troyes (victoire 2-0), où Cavani et Mbappé ont été préservés, le défenseur Thomas Meunier s’est ingénié à rappeler aux journalistes les atouts du PSG. Sans filtre, le Belge a même assuré, samedi 3 mars, que l’absence de Neymar n’aurait « aucun impact ».

« Neymar est exceptionnel, il faut dire ce qui est. Mais on n’a pas d’excuse quand on a un groupe comme le nôtre. Avec ou sans Neymar, on se doit de montrer à l’Europe entière que le PSG est sur la carte. »

L’arrière droit a même invité ses partenaires à « voir les choses positivement », laissant entendre que le salut de son équipe, contrainte de revoir son schéma de jeu, passerait par un sursaut collectif. « Cela nous donne une autre opportunité de jeu, a-t-il avancé. Plus de combinaisons, moins d’exploits individuels, mettre plus l’accent sur le collectif. Parfois, on donne la balle à Neymar et on attend un exploit de sa part. Il y a toujours une solution à tout. »

Le Parisien le plus proche de Neymar, son compatriote et coéquipier de Barcelone Daniel Alves, a résumé avec des accents guerriers : « Soit on s’assoit et on pleure, soit on y va. J’insiste pour la deuxième option. »

Le camp madrilène a accueilli avec retenue le forfait du numéro 10 parisien, bourreau attitré des Galactiques lorsqu’il évoluait au FC Barcelone (2013-2017). Pas question de fanfaronner ni de considérer la blessure du prodige comme une aubaine. En position de force, Zinédine Zidane a donc préféré « banaliser » l’absence du Brésilien.

« Le joueur qui va remplacer ce joueur-là sera très bon, sans aucun doute. Nous ne pensons pas que le match va être facile », a prudemment déclaré l’entraîneur du Real, qui pourra compter au Parc sur ses milieux Luka Modric et Toni Kroos, de retour de l’infirmerie. « Il n’y a pas plus de méfiance, il y a simplement de la méfiance, comme toujours », a balayé Zidane, sans doute soulagé au fond de lui de ne pas croiser la route de Neymar.