Le port de Thessalonique a été privatisé en 2017, dans le cadre du troisième plan d’aide international à la Grèce, qui se finit en août. / SAKIS MITROLIDIS / AFP

C’est une première depuis l’éclatement de la crise de la dette en 2010. Selon des données de l’Autorité grecque des statistiques (Elstat) publiées lundi 5 mars, la Grèce a renoué avec la croissance en 2017, avec une progression de son produit intérieur brut (PIB) de 1,4 % et quatre trimestres consécutifs de hausse. Comment expliquer ce rebond de l’économie grecque ? S’annonce-t-il durable ? Entretien avec Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas.

Quelles sont les causes de ce retour à la croissance en 2017 ?

Les principaux moteurs de l’activité ont été les exportations de biens, les revenus du secteur des services – ce qui inclut le tourisme – et le rebond des dépenses d’investissement. La consommation des ménages dans leur ensemble s’est seulement stabilisée (+ 0,1 %), ce qui est en soi un soutien à la croissance.

Les causes profondes de ce retour à la croissance sont liées à un environnement favorable, car la zone euro connaît sa plus forte croissance depuis 2007, et à une atténuation de l’effort budgétaire. Aujourd’hui, la Grèce dégage un excédent budgétaire primaire [le solde entre les recettes et les dépenses avant le paiement des intérêts de la dette] d’environ 2 % du PIB et elle a beaucoup moins d’efforts de réduction des dépenses budgétaires à faire que par le passé.

Un autre facteur est le mouvement général de renforcement de la confiance des agents économiques et des investisseurs à l’égard de la Grèce. Le programme de financement et d’ajustement s’achève [le troisième plan d’aide international à la Grèce se finit en août] et il s’est bien passé.

Ce retour à la croissance vous paraît-il durable alors qu’en 2014, par exemple, le pays avait connu une brève période de croissance avant de retomber en récession ?

La reprise avait alors été interrompue par les craintes liées à l’arrivée au pouvoir de Syriza, coalition de la gauche radicale, après les élections du 26 janvier 2015, et à sa stratégie initiale d’utiliser la menace du défaut de paiement et de la sortie de la zone euro dans les négociations avec les créanciers. Cela avait inquiété tous les agents économiques et les banques avaient commencé à enregistrer une baisse des dépôts dès la fin de 2014.

Aujourd’hui, il n’y a pas de raison de penser que la reprise ne va pas se poursuivre, à moins d’un choc d’ampleur, intérieur ou international, que l’on n’a pas de raison d’anticiper.
Toute la question est en revanche de savoir à quel rythme elle va se poursuivre. Rappelons que l’économie s’est appauvrie d’environ 25 % depuis le début de la crise au début de 2008. A court terme, les effets de rattrapage vont jouer et stimuler l’activité.

Au-delà, on n’a pas vraiment de moyens d’évaluer à quel point les réformes d’organisation de la sphère publique et des marchés de biens et services menées ces dernières années, ainsi que le programme de privatisations en cours, ont et vont renforcer la croissance potentielle. Dans le même temps, la dépression économique a détruit des capacités : elle a écarté durablement des personnes du marché du travail, elle a conduit à de nombreuses fermetures d’usines et d’entreprises…

C’est une incertitude importante, alors que la question est cruciale pour les ménages et les entreprises grecques bien sûr, mais aussi pour la soutenabilité de la dette publique, c’est-à-dire la capacité de la Grèce à rembourser sa dette ou à emprunter. En attendant de voir comment s’en sort la Grèce dans les années à venir, les services de la Commission européenne font l’hypothèse d’une croissance réelle moyenne de 1,25 % par an à long terme.

Quels sont les principaux freins à la croissance et les principaux problèmes structurels qui demeurent ?

Pour l’instant, les deux principaux points de fragilité concernent le système bancaire et la dette publique. Après une telle récession, la part des prêts dits « non performants » détenus par les banques – pour lesquels le service des intérêts ou le remboursement pose problème – a atteint un niveau extrêmement élevé : 46 % de l’ensemble des prêts, contre 4 % en moyenne dans l’Union européenne. Cela freine énormément leur capacité à accompagner et financer la reprise.

L’autre point d’attention est évidemment l’ampleur de la dette publique de l’Etat central, évaluée à 328 milliards d’euros à la fin de 2017. La dette plus générale au sens de Maastricht, qui comprend les dettes de l’ensemble des administrations (Etat, collectivités locales, Sécurité sociale) est plus élevée : elle atteint 180 % du produit intérieur brut (PIB). Le PIB grec était de 187,1 milliards d’euros en 2017, selon Elstat.