Bruxelles réclame 2,7 milliards d’euros à Londres pour avoir mal protégé les frontières de l’Union
Bruxelles réclame 2,7 milliards d’euros à Londres pour avoir mal protégé les frontières de l’Union
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
Jeudi 8 mars, la Commission a lancé une procédure d’infraction à l’encontre du Royaume-Uni accusé d’avoir laissé entrer en Europe des produits chinois sous-taxés.
Des procédures d’infraction au droit de l’Union européenne (UE), la Commission européenne en prononce tous les mois, parfois plus d’une dizaine à la fois. Mais celle que l’institution communautaire a rendue publique jeudi 8 mars, prend un relief particulier, en pleine négociation sur le Brexit.
Elle réclame au Royaume-Uni la somme considérable de 2,7 milliards d’euros, correspondant aux droits de douane destinés au budget européen que le pays aurait dû percevoir s’il n’avait pas, par négligence, laissé entrer en Europe des produits chinois largement sous-taxés.
« Bien que le Royaume-Uni ait été informé des risques de fraude liés à l’importation de textiles et de chaussures originaires de la République populaire de Chine dès 2007 et qu’il lui ait été demandé de prendre des mesures de contrôle des risques appropriées, il a négligé d’intervenir pour empêcher la fraude », explique la Commission dans un communiqué.
C’est un rapport de l’OLAF (l’Office européen de lutte antifraude) de 2017, révélé initialement par le site Politico, qui avait mis le doigt sur le problème. Selon ce rapport, des importateurs chinois ont falsifié des factures, affichant de fausses déclarations de valeur aux douanes britanniques. Le Royaume-Uni avait été alerté dès 2007 mais n’a pas pris les mesures adéquates pour mettre fin à ces fraudes organisées.
Les négociateurs du Brexit sont intransigeants avec Londres
« Le Royaume-Uni doit assumer les conséquences financières de ses violations de la réglementation de l’Union », insiste la Commission. Cette affaire de douanes un peu trop perméables aux chaussures et aux vêtements chinois, explique en partie la raison pour laquelle, à Bruxelles, les négociateurs du Brexit sont si intransigeants avec Londres. Le gouvernement britannique a exprimé sa volonté de quitter le marché intérieur et l’Union douanière, une fois le divorce prononcé, le 30 mars 2019.
La conséquence directe serait le retour d’une frontière terrestre entre la République d’Irlande (toujours dans l’UE, évidemment) et l’Irlande du Nord. Au début des discussions entre Européens et Britanniques, ces derniers ont suggéré que le retour de postes frontières, et de douaniers sur ces 360 kilomètres séparant l’île d’Irlande en deux, ne serait pas nécessaire. Ce qui aurait pour énorme avantage de préserver le « Good friday agreement » de 1998, ayant mis fin à trente ans de troubles en Irlande du Nord.
L’absence de toute démarquation visible à la frontière est en effet au cœur de cet accord de paix. Mais les Européens ont refusé : dès lors que le Royaume-Uni quitte l’Union douanière, de nouveaux tarifs doivent s’appliquer à l’entrée des denrées en République d’Irlande, et en provenance du Royaume-Uni.
Pas question que cette frontière virtuelle sillonnant la verte campagne irlandaise, serve de cheval de Troie aux contrebandiers du monde entier. Si les douaniers britanniques avaient montré plus de zèle, peut-être que les négociateurs européens auraient été plus souples. Pour préserver l’accord de paix, les Européens proposent plutôt la solution, politiquement explosive, de contrôles aux frontières s’opérant avant d’arriver sur l’île d’Irlande. Une réunification de fait par le commerce…
« Nous réfutons les allégations de la commission concernant les pertes de droits de douane. Nous prenons la surveillance douanière très au sérieux et continuerons à faire évoluer notre contrôle en fonction de l’émergence de nouvelles menaces » a répliqué un porte-parole du gouvernement britannique, jeudi.
La procédure bruxelloise constitue à ce stade une « lettre de mise en demeure ». Si Londres n’envoie pas son chèque au budget de l’Union (les droits de douane constituent une de ses sources non négligeables de revenu), la Commission pourrait assigner le pays devant la Cour de justice de l’UE. Cette Cour dont les « Brexiters » tiennent tant à se débarrasser.