Auchan peine à récolter les fruits de sa transformation
Auchan peine à récolter les fruits de sa transformation
Par Cécile Prudhomme
Le distributeur a annoncé, vendredi, un bénéfice net – part du groupe – en baisse de plus de 53,4 % en 2017, à 275 millions d’euros. En cause, ses mauvais résultats en France, en Italie et en Russie.
A Toulouse. / REMY GABALDA / AFP
L’hypothèse d’une alliance entre Amazon et Système U, qui permettrait à ce dernier de devenir fournisseur de produit de grande consommation du géant américain en France, inquiète-t-elle Auchan ? Absolument pas, si l’on en croit Wilhelm Hubner, le directeur général d’Auchan Retail, la branche commerce du groupe : « ce n’est pas possible sans notre accord. C’est marqué dans les contrats ». Car Système U et le groupe nordiste achètent leurs produits de grande marque en commun afin d’obtenir de meilleures conditions de prix. « Vous imaginez si on négocie les conditions d’achats et qu’on retrouve ces produits sur Amazon ? Serge [Papin, le PDG de Système U] aurait du mieux lire les contrats avant de faire des effets d’annonce », a indiqué au Monde M. Hubner, en marge de la présentation des résultats annuels de l’enseigne, vendredi 9 mars. La plupart des distributeurs sont d’ailleurs liés entre eux par des alliances à l’achat. Une situation qui complique la tâche du géant américain pour s’associer à l’un d’eux sur l’approvisionnement.
Dans l’immédiat Auchan a un autre chantier à mener : redresser la barre dans les pays qui plombent sa situation financière. En 2017, le bénéfice net – part du groupe – d’Auchan Holding a été réduit de plus de la moitié, à 275 millions d’euros. Le chiffre d’affaires hors taxes de sa division commerce, Auchan Retail, n’a progressé que de 0,5 % à changes courants, à 52 milliards d’euros.
Baisse du pouvoir d’achat en Russie
Le groupe a été pénalisé par la baisse du pouvoir d’achat en Russie et, en Italie, du retard pris dans son programme de convergence de marque. En France, où son chiffre d’affaires a reculé de 0,6 %, Auchan souffre de son positionnement sur les hypermarchés, un format en difficulté dans le monde de la distribution. Le groupe possède en France 137 hypermarchés et 350 magasins de proximité, dont une quarantaine d’ultra-proximité. L’enseigne a aussi été pénalisée par la multiplication des opérations de promotion de ses concurrents. « En France, nous avons baissé un peu fortement le poids de la promotion, concède M. Hubner. A mon avis un peu trop. Cela a affecté l’activité de nos hypermarchés. Il faut le faire par palier ».
Depuis plusieurs années, le marché français pèse sur les résultats de l’enseigne, malgré ses nombreuses transformations. En 2015, l’entreprise a été réorganisée sous forme de holding avec trois entités Auchan Retail, pour les activités de distribution, Immochan, pour l’immobilier, et Oney, pour les services financiers. Les responsables des pays ont été remplacés et le groupe a pris le virage du numérique. Fin septembre 2016, une stratégie de « convergence des marques » a été annoncée, juste avant la mise en place début 2017 du plan stratégique « Vision 2025 », centré sur l’alimentaire et le numérique. « En France, à fin juin 100 % du parc de magasins Simply Market aura basculé sous l’enseigne Auchan Supermarché », a indiqué vendredi M. Hubner, précisant que fin 2019 l’ensemble des magasins de proximité dans le monde devra avoir pris le nom Auchan.
Des « espaces cuisine » testés dans certains magasins
Malgré ses efforts de réorganisation (l’état-major a récemment été renouvelé) et ses nombreux projets (en 2017, le groupe annonçait un investissement de 1,3 milliard d’euros sur trois ans pour moderniser ses magasins), le groupe tarde à récolter les fruits de cette stratégie. Il s’est fait distancer sur les produits de grande consommation et les produits frais. Auchan se place en cinquième position, avec seulement 10,7 % du marché au dernier trimestre selon les données de Kantar Worldpanel. Là où d’autres comme Leclerc (21 % du marché), Intermarché (14,8 %), ou Lidl (5,4 %) continuent de progresser.
Si Auchan n’envisage pas, comme certains de ses concurrents de réduire les surfaces de ses hypermarchés, il poursuit actuellement une autre piste. « Notre offre n’est plus suffisamment en ligne avec ce que les clients attendent », constate M. Hubner. L’enseigne teste par exemple des « espaces cuisine » dans une douzaine de ses magasins, où des professionnels de la restauration préparent des petits plats. Sans entrer dans le détail de ses projets, M. Hubner a déclaré, vendredi, que ces tests sont plutôt « satisfaisants. Nous accélérons les projets internes de la révolution de l’hypermarché. Mais nous en sommes encore au même niveau que les concepts car dans l’automobile ».