« Versus Fighting Story » : premier round gagnant pour le manga français d’e-sport
« Versus Fighting Story » : premier round gagnant pour le manga français d’e-sport
Par William Audureau
Raconter l’histoire de joueurs de « Street Fighter » tout en respectant les codes de mangas de football ou de basket, c’est le pari réussi du trio français Izu, Kalon et Mado.
« Versus Fighting Story »
Le monde se divise en deux catégories : il y a ceux et celles qui appellent pierre-feuille-ciseaux shifumi, et celles qui connaissent son véritable nom japonais, jankenpon. Les trois auteurs français de Versus Fighting Story, premier manga consacré à l’e-sport, appartiennent à l’évidence à la seconde école, celle des puristes.
Tout au long des aventures de Maxime Volta, jeune surdoué du jeu de combat Street Fighter V trop imbu de sa personne et obligé de tout réapprendre après une défaite en tournoi, le manga témoigne d’une volonté d’authenticité obsédante. De la restitution fidèle de l’esthétique du titre de Capcom aux onomatopées en katakana, un syllabaire japonais, en passant par les personnages directement inspirés de célébrités réelles de la scène e-sport, comme le commentateur Ken Bogard, Versus Fighting Story transpire l’amour pour son sujet. Une approche sans concession qui fait autant sa limite – malgré les explications, certains enchaînements sont difficiles à saisir pour un profane – que sa force – cette œuvre exigeante restitue avec soin la richesse et l’histoire insoupçonnée de la scène e-sport, autant que sa dimension hautement psychologique.
« Versus Fighting Story » / Capcom USA / Editions Glénat
Dans ses plus belles pages, Versus Fighting Story dit même quelque chose de notre époque, de cet emballement médiatique autour des compétitions de jeu vidéo et de l’avènement de l’e-sport-business, comme il y a eu le foot-business dans les années 1990. Et laisse poindre une certaine nostalgie des tournois d’antan, confidentiels, artisanaux, conviviaux. Tout autant qu’il salue avec affection la culture traditionnelle japonaise, les vieilles boutiques de jeu d’import du boulevard Voltaire à Paris, ou encore les stick arcade et la Dreamcast, non sans s’amuser parfois de son propre snobisme.
« Versus Fighting Story » / Capcom USA / Editions Glénat
D’une manière générale, ce shonen exigeant et foisonnant ne cache pas sa double fascination pour le Japon et les années 1990. Au-delà d’une œuvre sur une scène électronique extrêmement technique et pointue, c’est aussi une déclaration d’amour à la culture des trentenaires d’aujourd’hui. A l’image de la caution humoristique de ce premier tome, le personnage déjanté de John-Claude Lafleur, qui évoque autant l’acteur Jean-Claude Van Damme, qui jouait Guile dans le film Street Fighter, que Rock Lee dans Naruto. Le trio livre une œuvre de référence sur l’e-sport, tout en restant un shonen vivant et à la passion communicative.
« Versus Fighting Story » / Capcom USA / Editions Glénat
On aimerait parfois que Versus Fighting Story prenne un peu plus de temps pour exposer son importante galerie de personnages, qui ne déparailleraient pas dans un casting de jeu de combat. Mais difficile d’en tenir rigueur à ce manga hautement otaku, plein d’autodérision aussi pour cette figure, et qui restera comme un instantané précieux d’une nouvelle ère pour l’e-sport. Shoryuken !
Versus Fighting Story, de Izu, Kalon et Madd, tome 1 paru le 7 mars, éditions Glénat, 192 pages, 7,60 euros. Tome 2 le 4 juillet 2018, série en cours