Le milieu du FC Metz, Mathieu Dossevi, à la lutte avec le Toulousain François Moubandje, le 3 mars. / PATRICK HERTZOG / AFP

Le championnat va accoucher d’une nouvelle affiche : le « déprimos ». Un choc de dépressifs. Il oppose le PSG version « le Real m’a tué » au FC Metz « Continuez sans nous ». Quatre jours après la débâcle de Madrid, la lanterne rouge de L1 (huit points de retard sur le premier non relégable) vient défier un PSG en choc post-traumatique depuis le 6 mars et la ruine de ses ambitions européennes. Sur le papier, pas de quoi se marrer. Quoique. « Le Real Madrid a su gagner à Paris, il n’y a pas de raison que Metz n’y parvienne pas », ironise un supporteur messin sur le Forum du club. « Ils sont en crise, on va les pulvériser », s’amuse un autre.

Gagner au Parc. Le double champion d’Europe l’a fait, d’ici à imaginer que c’est à la portée de tous les crampons. Avant la débâcle de Madrid, Verratti et ses collègues restaient sur une invincibilité de plus de deux ans à domicile, 51 matchs toutes compétitions confondues. « De toute façon, dans notre situation, il ne nous reste que des exploits à faire », enfonce l’attaquant messin Nolan Roux. Bref, foutu pour foutu, autant tout gagner, telle est la tactique adoptée par le FC Metz. Et pas sûr que cela suffira avec un tel retard à combler. « C’est extrêmement compliqué, mais il reste encore dix matchs et des instants de vie à prendre », veut croire l’entraîneur Frédéric Hantz après le match nul à domicile (1-1) de ses protégés face à Toulouse.

« Vous êtes là pour nous regarder mourir ? »

L’opération « instant de vie » est lancée. Pourquoi pas. Plus poétique que les missions commando souvent décrétées dans de telles situations. La formule est même plutôt bien choisie et adaptée pour un club en état critique depuis si longtemps. Mais attention, il ne s’agit pas de tuer le dernier espoir. Et en Lorraine, on les voit arriver les journalistes avec leurs gros sabots et leurs tronches d’enterrement. « Vous êtes là pour nous regarder mourir ? », apostrophe un supporteur sexagénaire dans le froid glacial d’une séance matinale d’entraînement à Saint-Symphorien. La supplique fait son effet. Cet habitué a pu l’éprouver depuis quelques mois. Pour cause, son club se morfond à la dernière place du championnat depuis la 4e journée. On a craint le pire après onze défaites lors des douze premiers matchs. Allaient-ils passer l’hiver ? Au soir de la 12e journée, le FC Metz totalise 3 points, à 14 longueurs du premier non relégable. « Quelque chose qui n’arrive jamais, souligne Philippe Gaillot, le directeur sportif du club, il a donc fallu changer d’idée. »

Donc d’entraîneur. Exit Philippe Hinschberger, qui avait pourtant sauvé le club de la relégation l’année passée, place à Frédéric Hantz, nommé la veille de la Toussaint. Fred Hantz, un samaritain version foot, qui s’est fait une spécialité, bien malgré lui, de sauver les clubs en détresse (Le Mans en 2006, Bastia en 2013 ou Montpellier en 2015). « Mais là, c’est de loin le challenge le plus difficile qu’on ait accepté avec Fred », souligne Arnaud Cormier, son fidèle adjoint. Son porte-parole aussi un peu car le boss se livre peu ou au gré de ses humeurs, a priori changeantes. L’homme a du tempérament. « Il a une autorité naturelle, sait ce qu’il veut et se donne les moyens d’y arriver grâce au travail », résume Cormier. « Il a des coups de speed, mais c’est le bon coach au bon moment. Si on peut se sauver, c’est avec lui. Je vous jure, je le connais, c’est le gars de la situation », plaide sans retenue le tempétueux défenseur Julian Palmieri, recruté fin novembre par Hantz, qui l’a connu à Bastia. « Si j’ai accepté ce challenge, c’est que j’y crois. Je n’ai pas envie de passer pour un guignol », ajoute le Corse, viré de Lille par Marcelo Bielsa en début de saison.

Soigner les têtes

Le coach pose ses bagages, diagnostique et ne promet rien si ce n’est d’y croire. « On a plus de chance de se maintenir en Ligue 1 que de gagner à l’Euromillions », lance-t-il lors de sa première conférence de presse. Hantz, père la rigueur, laisse peu de place au hasard. Son credo, c’est le boulot. « Nous sommes arrivés avec la conviction qu’on pouvait inverser la tendance, il a fallu convaincre tout le monde car le moral était bien touché », raconte Arnaud Cormier. Un peu de sang neuf (quatre recrues au mercato d’hiver), des séances d’entraînement musclées vont finir par nettoyer les têtes et redonner des jambes aux Messins. « On a beaucoup bossé, des séances plus intenses, plus dures, confirme le défenseur Jonathan Rivierez, mais on a retrouvé de la fraîcheur, on se sentait mieux. » Déjà ça de pris, faute de résultats immédiats. Le déclic arrive plus tard. Lors de la 18e journée, les Grenats enregistrent leur deuxième victoire de la saison à Montpellier (1-3).

Va suivre une série de cinq matchs sans défaite, dont deux victoires probantes face à Strasbourg et Saint-Etienne (3-0). De quoi soulever des montagnes, rêver d’une renaissance et d’une incroyable remontée au classement. « C’est la metztada », s’amuse un supporteur toujours convaincu que c’est encore possible. Sauf que depuis le club a rechuté et reste, avant d’affronter le PSG, sur cinq matchs sans victoire (trois défaites et deux nuls). « On vit l’instant présent », rappelle à son tour l’attaquant Nolan Roux. A chaque match suffit sa peine. Toutefois, l’ancien international espoir s’essaie à une prédiction. « On doit, on va être récompensés. Il y a des signes. Avant, le vestiaire était traumatisé, chacun dans son petit coin, là on est ensemble, soudés, tout le monde bosse. Il n’y a pas de tricheurs. »

Reste désormais dix matchs, 30 points de récompense et ce challenge de dingue. « De toute façon, on sait qu’on ne verra la lumière qu’en mai », avance Arnaud Cormier. Celle au bout du tunnel. Celle d’un maintien inédit car jamais dans l’histoire de l’élite, aucune équipe aussi mal embarquée dès le début du championnat n’a réussi à se maintenir*. A contrario, il y a bien la jurisprudence Pascal Dupraz en 2016, quand le Savoyard avait sauvé le Toulouse FC de la L2 au prix d’un sprint final ahurissant. A la veille de la 29e journée, les Violets comptaient 10 points de retard sur le premier non relégable. Deux de moins que le FC Metz…

Vice-champion de France il y a vingt ans

« On doit dépasser les pensées négatives, chasser le stress lié à notre place », répète à l’envie Frédéric Hantz. Dépasser aussi les ego et les gestions de carrière d’un sport en perpétuel mercato. « Si vous passez pour des pipes tous les week-ends, le mercato, c’est vite réglé », souligne Nolan Roux. Pourtant, à 30 ans, paradoxalement, l’ancien Stéphanois et Lillois vit l’une de ses saisons les plus accomplies et, avec 11 buts, et a déjà pulvérisé son record en L1 (9 réalisations). « Pas question de se cacher, dit pour sa part Julian Palmieri, moi je veux me donner à fond, gueuler, soulever des joueurs, mettre des coups ; je ne me calmerai que quand on gagnera. » Le carton rouge reçu lors du dernier match contre Toulouse après un tacle assassin devrait surtout l’aider à gagner en zénitude.

Bref, à Metz, on joue un peu la dispersion avec un fatalisme de circonstance. Mais l’espoir subsiste. « Le challenge est excitant », glisse Philippe Gaillot. Après, quoi qu’il arrive, il n’y a pas péril en la demeure. Le club a même une certaine expérience à faire valoir, habitué qu’il est à emprunter l’ascenseur entre les deux divisions. Le destin d’un petit budget (33 millions d’euros) dont on parle davantage au passé qu’au futur. « Notre histoire parle aux gens et à ceux qui aiment le foot », souligne Gaillot, ex-défenseur de devoir des Grenats (423 matchs en L1). Le FC Metz, 60 saisons en L1, vice-champion de France 1998, deux Coupe de France 1984 et 1988, une Coupe de la Ligue 1996, a frôlé la catastrophe en 2012 après une relégation en National. Mais c’est une autre histoire. « Là, il y aurait un beau truc à écrire », confie Julian Palmieri. En attendant, premier instant de vie au Parc. Et pourquoi pas un bel exploit au Parc. Le Real a bien montré l’exemple.

* Avant Metz, trois équipes avaient compté 3 points ou moins après 12 journées en D1. Il s’agit de Strasbourg (3 points en 1951-1952), Brest (2 en 1979-1980) et Grenoble (0 en 2009-2010). Ces trois équipes ont terminé la saison à la dernière place.