A Mayotte, la délinquance et la violence ont pris des proportions dramatiques
A Mayotte, la délinquance et la violence ont pris des proportions dramatiques
Par Patrick Roger (Mayotte, envoyé spécial)
Le mouvement a éclaté le 20 février après de violents affrontements entre bandes rivales au lycée de Kahani. La ministre des outre-mer, Annick Girardin, est arrivée à Mayotte lundi matin.
C’est d’abord l’insécurité qui est à l’origine de ce mouvement, qui a débuté, le 20 février, après que de violents affrontements entre bandes rivales eurent éclaté au lycée de Kahani, provoquant le droit de retrait des enseignants et des chauffeurs de bus scolaire. La délinquance et la violence ont pris, ces dernières années à Mayotte, des proportions dramatiques. En 2015, 23,5 logements sur 1 000 ont ainsi été cambriolés à Mayotte (7 sur 1 000 en métropole). Les vols avec violence se multiplient et ce phénomène touche tout le territoire, sans exception.
Tous les jours, la presse mahoraise se fait l’écho de ces faits divers violents. De nouveau, samedi 10 mars, un enseignant qui allait rendre visite à un ami à Mtsapéré, au sud de Mamoudzou, la préfecture, a pris un coup de chombo (couteau) dans le dos et s’est fait dépouiller. Le même jour, un jeune s’est également fait taillader la jambe à coups de machette. Se déplacer la nuit tombée est périlleux. Les « coupeurs de route », ces jeunes délinquants qui dressent des barrages sauvages sur les axes routiers pour racketter, parfois violemment, les automobilistes, font régner la terreur.
« Quand je me lève le matin, je regarde d’abord si les fenêtres sont encore fermées, raconte cette mère de famille de Chiconi, membre de l’association Les Mamans vigilantes. Mes enfants dorment avec moi, alors qu’ils ont leur chambre. L’aîné accroche son vélo au pied du lit de peur de se le faire voler. » « Dès qu’on entend un lézard, on a peur à Mayotte », résume-t-elle. Les Mahorais se terrent dans des logements transformés en bunker.
Systèmes débordés
Et ce sont deux mondes qui se font face : d’un côté ces habitations hérissées de barbelés et équipées de télésurveillance, de l’autre ces banga (cabanes) de tôle, qui s’entassent à flanc de colline, sur des terrains privés ou appartenant à la communauté, où logent sans droits les immigrés clandestins venus pour la plupart des Comores à partir de l’île d’Anjouan, distante de 70 kilomètres des côtes mahoraises. Comme à Hamouro, un ancien village de pêcheurs dans le sud de la Grande-Terre. Dans la partie haute vivent les Mahorais. La partie basse, de l’autre côté de la route, sur la zone côtière théoriquement inconstructible, est couverte de banga.
Des dizaines de milliers de Comoriens clandestins accostent chaque année à Mayotte, à bord de frêles embarcations, les kwassa-kwassa, parfois au péril de leur vie. Même si les reconduites à la frontière opérées à Mayotte représentent la moitié du total effectué par la France, une dizaine de milliers de clandestins demeurent chaque année, générant un très fort déséquilibre démographique. Les systèmes éducatifs et sanitaires sont débordés. Des milliers d’enfants abandonnés traînent dans les rues. L’économie formelle a été submergée par l’économie informelle.
Mayotte, de tradition accueillante et multiculturelle, est devenue « le déversoir des problèmes comoriens », comme le notaient des parlementaires mahorais dans une adresse au président de la République, François Hollande, en 2016. C’est à l’ensemble de ces défis, d’une ampleur inouïe, que l’Etat doit apporter des réponses urgentes et de long terme.