En Colombie la droite anti accord de paix l’emporte
En Colombie la droite anti accord de paix l’emporte
Le Monde.fr avec AFP
Un scrutin historique dans lequel les anciens rebelles Farc participaient avait lieu ce dimanche. Le sort de l’accord de paix signé en 2016 reste incertain.
Les Colombiens étaient appelés aux urnes pour élire leur Parlement, le 11 mars. / LUIS ROBAYO / AFP
La droite opposée à l’accord de paix avec l’ex-guérilla Farc est arrivée en tête des législatives de dimanche 11 mars en Colombie, lors d’un scrutin historique auquel les anciens rebelles ont participé pour la première fois et à l’issue duquel ils ont fait leur entrée au Parlement.
Bien qu’elle n’ait pas réussi à rafler la majorité, la victoire de la droite suscite l’incertitude quant à la suite de la mise en œuvre de l’accord, signé en 2016 avec ce qui était alors la rébellion la plus ancienne et la plus puissante d’Amérique.
Pour la première fois en plus d’un demi-siècle de conflit armé, les Colombiens ont pu cependant voter sans la menace des guérillas. Le président Juan Manuel Santos a salué « les élections les plus sûres, les plus transparentes (...) de l’histoire récente du pays ».
En tête de la coalition de droite, c’est le Centre démocratique du sénateur et ex-président Alvaro Uribe, farouche adversaire de l’accord avec les Farc, qui a recueilli le plus de voix, obtenant 19 sièges au Sénat et 33 à la chambre des députés.
L’accord avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) garantit 10 des 280 sièges du nouveau Parlement à l’ancienne guérilla marxiste, devenue la Force alternative révolutionnaire commune, sous le même acronyme.
Ex-guérilleros au Parlement
Si la Farc obtenait seulement 0,35 % au Sénat et 0,22 % à la Chambre, le centre et les autres partis de gauche ont fait une avancée, selon des résultats officiels portant sur plus de 90 % des suffrages. Mais selon les analystes les grands équilibres se maintiennent. « Les lignes ont très peu bougé (...) Ce sont plutôt des ajustements », a déclaré à l’AFP Frédéric Massé, expert en conflit armé et processus de paix à l’université Externado.
Les ex-rebelles, qui ont quitté la lutte armée dans la jungle des Andes pour l’arène politique, étaient visiblement émus dimanche. « Je vote pour la première fois de ma vie et je le fais pour la paix », a assuré l’ex-commandant rebelle et futur sénateur Pablo Catatumbo, 64 ans, en se rendant aux urnes sous la protection de gardes du corps. « C’est la première fois, en plus d’un demi-siècle, que les Farc, au lieu de saboter les élections, y participent », s’est félicité M. Santos, ajoutant que l’Armée de libération nationale (ELN, guévariste), dernière guérilla active, avait « respecté » le cessez-le-feu unilatéral annoncé pour l’occasion.
Meetings annulés
Plus de 36 millions d’électeurs étaient appelés à voter, à l’issue d’une campagne marquée par des violences contre la Farc, qui a annulé tout meeting public et a attribué ces « actes de sabotage » à « ceux qui n’ont pu accepter que la guerre est terminée ».
Et le nouveau parti à la rose rouge s’est retiré de la course à la présidence : son chef et candidat Rodrigo Londoño, alias Timochenko, 59 ans, a subi un pontage coronarien mercredi après un infarctus. Il a annoncé dimanche sur Twitter qu’il était sorti de la clinique pour se reposer dans un lieu non précisé.
La droite devrait maintenant peser sur la présidentielle, prévue les 27 mai et 17 juin.
Elle pourra toutefois difficilement jeter aux orties l’accord de paix qui a polarisé la quatrième économie d’Amérique latine, mais dont le point majeur, le désarmement des 7 000 guérilleros des Farc, est effectif.
Mais, avec des alliances au Congrès, elle sera en mesure de bloquer la mise en œuvre du reste du pacte, dont la réforme agraire et la justice spéciale de paix. Les ex-rebelles doivent avouer leurs crimes, dédommager les victimes et pourront bénéficier de peines alternatives à la prison, ce qu’elle rejette.
Primaires pour la présidentielle
Ce dimanche, avaient aussi lieu les primaires pour désigner les candidats à la présidence des deux principales tendances.
A droite, c’est le sénateur Ivan Duque (CD) qui l’a emporté, à gauche, Gustavo Petro, ancien maire de Bogota et ex-guérillero du M-19 dissout. Avec le centriste Sergio Fajardo, ancien maire de Medellin, deuxième ville du pays, ils sont en tête des sondages.
Si Ivan Duque remporte la présidence, les pourparlers avec l’ELN pourraient aussi être retardés. Ils ont été gelés en février par le gouvernement après des attentats meurtriers de cette guérilla d’environ 1 500 combattants.
M. Santos, au pouvoir depuis 2010 et qui le quittera le 7 août, entendait signer avec l’ELN un accord similaire à celui conclu avec les Farc et parvenir ainsi à une « paix complète » en Colombie, où le plus ancien conflit armé du continent a fait plus de huit millions de victimes entre morts, disparus et déplacés.