Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, a promulgué, vendredi 9 mars, le nouveau Code minier. Celui-ci doit multiplier par cinq la taxe sur le cobalt pour, officiellement, rapporter davantage de ressources fiscales au pays.

En échange, le chef de l’Etat congolais qui s’accroche au pouvoir depuis la fin officielle de son second mandat le 19 décembre 2016, très critiqué par l’opposition, l’église et la société civile, a promis une « concertation » dans l’application de la loi pour calmer les inquiétudes des entreprises du secteur.

Le taux de la redevance sur le cobalt, dont la RDC a fourni les deux tiers de la demande mondiale en 2017, va passer de 2 % à 10 % si un décret du premier ministre classe ce minerai rare indispensable aux batteries nouvelle génération des voitures électriques parmi les « substances stratégiques » – ce dont personne ne doute.

Juste avant la promulgation, le prix du cobalt a battu un nouveau record à la Bourse des métaux de Londres, à 84 000 dollars (68 132 euros) la tonne, vendredi, en clôture.

Campagne de lobbying

« Une valeur d’environ 10 milliards de dollars de cuivre et de cobalt est exportée chaque année de la RDC et un effort sans précédent de lobbying est attendu de la part du secteur minier pour tenter de faire changer d’avis le président Kabila », prédisait le courtier britannique Darton Commodities dans son rapport annuel en février.

Cette bataille de lobbying a connu son point culminant jeudi, quand le président Kabila a reçu pendant plusieurs heures sept entreprises minières, parmi lesquelles Glencore, Rangold et Ivanhoé.

Outre la taxe sur le cobalt, ces entreprises qui exploitent les richesses du sous-sol congolais sous le régime très libéral du Code minier de 2002, redoutent d’autres nouvelles dispositions : une taxe sur les super-profits et la fin d’une clause de stabilité des contrats de dix ans.

Au terme de cette campagne de lobbying aussi intense que discrète et opaque, les miniers n’ont pas obtenu le réexamen du texte qu’ils souhaitaient, juste un « dialogue constructif avec le gouvernement autour des mesures d’application de la présente loi », selon le communiqué présidentiel.

Face aux pressions, le président Kabila a reçu le soutien sans faille d’un des hommes forts du régime, le patron de la société minière publique Générale des carrières et des mines (Gécamines), Albert Yuma.

Des miniers avaient espéré en vain que le ministre des mines, Martin Kwabelulu, obtienne une nouvelle lecture du texte au Parlement.

Le nouveau code doit « rapporter à l’Etat des recettes substantielles pour son développement économique et social », proclame le communiqué de la présidence.

Des revendications fiscales somme toutes légitimes : deuxième plus grand pays d’Afrique avec 2,3 millions de km2 et 70 à 90 millions d’habitants, la RDC dispose pour 2018 d’un budget d’à peine 5 milliards de dollars pour ses besoins titanesques : éducation, santé, infrastructures, sécurité, sans parler du coût des élections prévues le 23 décembre.

La RDC est pourtant souvent qualifiée de « scandale géologique » avec le cuivre et le cobalt du Katanga, le coltan du Kivu, les diamants du Kasaï…

Adopté en pleine guerre, le précédent code avait pour mission principale d’attirer et de rassurer les investisseurs, avec des facilités dans l’octroi des droits et le régime fiscal.

Prédation des ressources minières

La promulgation du nouveau code est présentée comme une victoire patriotique et politique par les partisans du président Kabila, dont le deuxième et dernier mandat a pris fin en décembre 2016.

« Le président exprime la volonté et l’intérêt du peuple congolais », écrit sur Twitter un conseiller du président, Jean-Claude Mwewa, qui ironise sur le « lourd silence » des opposants.

D’autres doutent que le code n’allège vraiment la souffrance de millions de Congolais : « Un nouveau Code minier (…) ne mettra pas fin à la prédation de nos ressources minières. Les multinationales et le régime Kabila se disputent chacun leurs intérêts, pas ceux du peuple congolais. Deux camps prédateurs se disputant le butin du Congo ! », a dénoncé sur son compte Twitter le mouvement citoyen Lucha.

En juillet 2017, l’ONG britannique Global Witness avait qualifié le secteur minier congolais de « distributeur automatique de billets » pour le régime de Joseph Kabila. Début novembre, une ONG américaine, le Centre Carter, avait estimé que 750 millions de dollars n’avaient pu être retracés de « manière fiable » dans la comptabilité de la société d’Etat Gécamines. « Une idiotie, un mensonge », avait réagi son PDG, M. Yuma.