Aux Jeux paralympiques, la présence de la Corée du Nord plus réduite mais pas moins symbolique
Aux Jeux paralympiques, la présence de la Corée du Nord plus réduite mais pas moins symbolique
Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
Pyongyang a refusé le défilé commun avec le Sud et aucun dirigeant n’a accompagné les deux uniques athlètes. Mais leur présence surprend, compte tenu du statut des handicapés au Nord.
Kim Jong-hyon, porte-drapeau de la Corée du Nord lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques. / Lee Jin-man / AP
Ils n’ont guère d’espoir de médailles mais, assurément, Kim Jong-hyon et Ma Yu-chol, donneront leur maximum, mercredi 14 mars, lors du sprint de 1,1 km de para-ski de fond assis. Le 11 mars, les deux uniques représentants nord-coréens aux Jeux paralympiques (JP) de Pyeongchang ont terminé 26e et 27e du 15 km.
Leur présence à ces Jeux est symbolique à plus d’un titre. C’est la première fois que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, nom officiel de la Corée du Nord) participe aux compétitions paralympiques d’hiver. Elle avait déjà envoyé des athlètes aux JP d’été de Londres et de Rio de Janeiro.
Tous deux victimes d’accidents de la route quand ils étaient enfants, MM. Kim et Ma, qui n’ont pas 20 ans, sont aujourd’hui étudiants respectivement de l’université Kim Il-Sung, la plus prestigieuse de Corée du Nord, et de l’université d’éducation physique de Pyongyang. Le régime a adopté en 2003 une législation prévoyant la « protection des personnes souffrant d’un handicap », mais leur situation reste plus que fragile : l’ONU a, en 2006, dénoncé les discriminations dont seraient victimes les handicapés dans ce pays.
La participation des deux adolescents s’inscrit aussi dans la dynamique de rapprochement intercoréen amorcée en janvier 2017 après le discours du Nouvel An du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, et les efforts du président sud-coréen, Moon Jae-in, ayant abouti à la venue de la Corée du Nord à Pyeongchang.
Pas de défilé commun pour une question de drapeau
L’effort est toutefois moins spectaculaire qu’aux Jeux olympiques : la délégation ne réunit que 24 personnes contre 473 pour les JO. Dirigée par Jong Hyon, vice-président de la commission centrale de la Fédération coréenne pour la protection des personnes handicapées, elle est venue sans les pom-pom girls qui ont ébaubi le public des JO, ni figure du régime comme Kim Yo-jong, la sœur cadette du leader Kim Jong-un.
Si le fondeur Ma Yu-chol, qui voit dans le sport « un moyen de surmonter les épreuves et gagner en confiance et en courage », a allumé la flamme paralympique avec le Sud-Coréen Choi Bogue, les deux Corées n’ont pas défilé ensemble sous la bannière unifiée comme aux JO.
Raison officielle : sur le drapeau de la Corée unifiée ne figuraient pas les îlots Dokdo, au cœur d’un contentieux territorial entre la Corée du Sud et le Japon où ils sont appelés Takeshima. La RPDC voulait qu’ils y figurent. Séoul, invoquant les exigences du comité paralympique international de ne pas véhiculer de message politique, a refusé. Le problème était déjà survenu lors des Jeux olympiques mais n’avait pas été de nature, à l’époque, à provoquer un changement de pied de Pyongyang.
Le réfugié qui fait le bonheur du Sud
Une autre raison pourrait être la présence dans l’équipe sud-coréenne de para-hockey sur glace de Choi Kwang-hyouk, un réfugié du Nord au parcours tragique.
Choi Kwang-hyouk, ici face à la République tchèque, porte les couleurs sud-coréennes où il a trouvé refuge à 14 ans. / Ng Han Guan / AP
Né en 1987, confié à sa grand-mère après le divorce de ses parents, il se retrouve seul à 8 ans quand son aïeule décède, au moment de la dramatique famine de la fin des années 1990 en Corée du Nord.
Le natif de la province du Hamgyong du Nord (nord-est de la RPDC) mène une vie de vagabond et vit d’expédients jusqu’à son amputation en dessous du genou, à 13 ans, après qu’une roue de train lui a roulé sur le pied.
En 2001, un oncle réussit à le faire passer en Corée du Sud. Après des années difficiles entre orphelinat et centre pour réfugiés nord-coréens, il découvre en 2014 le para-hockey. Aujourd’hui attaquant de l’équipe nationale sud-coréenne, qui a gagné deux de ses trois premiers matchs – dont le premier face au Japon –, il rêve d’une médaille. Il serait heureux de rencontrer la délégation de son pays de naissance mais, dit-il au Guardian, « je ne crois pas qu’ils seraient contents de me voir. Ils penseront que je suis un traître. »