L’« Amoco-Cadiz » : la pire marée noire survenue en Europe
L’« Amoco-Cadiz » : la pire marée noire survenue en Europe
Par Martine Valo
La catastrophe a conduit les autorités à se doter des moyens de prévenir les accidents grâce à la surveillance des navires et de s’équiper pour pouvoir réagir en urgence.
L’« Amoco Cadiz », près de Portsall, le 16 mars 1978. / JEAN-PIERRE PREVEL / AFP
Le 16 mars 1978, à 21 h 39, l’Amoco-Cadiz touchait le fond à moins de deux milles des côtes du Finistère. En perdition depuis des heures, privé de gouvernail et d’ancre, le pétrolier battant pavillon du Liberia mais armé par la compagnie américaine Standard Oil, avait déjà heurté les récifs devant la plage de Portsall quelques minutes plus tôt. Il n’allait pas tarder à relâcher les 227 000 tonnes de brut et de fioul qu’il transportait, engendrant la pire marée noire survenue en Europe au XXe siècle.
Des dizaines de milliers d’oiseaux de mer vont périr ; 30 % de la faune et 5 % de la flore marines vont être détruits sur une surface de 1 300 km2, selon les décomptes de l’association Bretagne vivante ; plus de 360 km de littoral seront souillés. Le choc est immense et laisse des images indélébiles : une foule de volontaires au ciré jaune maculé de noir, des goélands englués dans une mer opaque et lourde, un mat qui a mis des mois à disparaître à l’horizon. Et plus tard, une inédite délégation de maires de communes bretonnes ceints de leur écharpe tricolore dans les rues de Chicago, en route – contre l’avis du gouvernement de l’époque – vers la cour fédérale de l’Illinois, qui allait leur accorder réparation. La maison mère du pétrolier, la Standard Oil, est condamnée. Elle versera 220 millions de francs (33,5 millions d’euros) aux collectivités bretonnes et 160 millions d’euros à l’Etat français. Une première dans l’histoire du droit de l’environnement, même si la procédure traîne pendant quatorze ans.
Les leçons de la catastrophe
Le naufrage de l’Amoco-Cadiz, survenu après une série d’autres au large des côtes de la région dans les années 1960 et 1970, secoue les pouvoirs publics. Ces derniers décident de se doter des moyens de prévenir les accidents grâce à la surveillance des navires et de s’équiper pour pouvoir réagir en urgence. Le Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux est créé dans la foulée, à Brest. Son laboratoire est capable de déterminer l’« ADN » d’une boulette de pétrole, autrement dit de savoir de quel navire elle provient. En outre, une commission voit le jour qui débouchera sur la mise en place du Centre d’expertises pratiques de lutte antipollution, expert en techniques et matériels de lutte contre les marées noires. Mais on sait que dans une mer déchaînée, qu’on les disperse ou qu’on tente de les contenir par des barrages, les nappes de pétrole réagissent rarement selon les prévisions.
A l’occasion des vingt ans du naufrage de l’Amoco-Cadiz, en 1998, les pouvoirs publics se félicitaient des leçons tirées de la catastrophe. Peu après, le 12 décembre 1999, l’Erika chargé de 30 000 tonnes de fioul lourd se brisait à son tour au large des côtes du Finistère, à Penmarc’h. Alors à Portsall, l’ancre de l’Amoco-Cadiz trône sans doute pour longtemps encore au-dessus de la plage, comme un rappel des risques du transport maritime.