Saisies de tabac : les « mauvais » chiffres et la déception d’un ministre
Saisies de tabac : les « mauvais » chiffres et la déception d’un ministre
Par Julia Pascual
La douane a présenté ses résultats annuels, mardi 13 mars. Les saisies des avoirs criminels ont toutes deux augmenté tandis que celles de tabac de contrebande ont légèrement diminué. Une baisse que n’a pas manqué de souligner Gérarld Darmanin.
C’est l’ombre au tableau. Mardi 13 mars, la douane a présenté ses résultats annuels, exercice traditionnel d’annonce de records en cascade. L’année 2017 n’y a pas échappé : 862 millions d’avoirs criminels confisqués, en augmentation de 477 %, saisies de cocaïne en hausse de 142 %, à 9,2 tonnes. Seul problème, que n’a pas manqué de souligner le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, les saisies de tabacs de contrebande. Celles opérées sur le territoire national baissent de 8 % en un an, passant de 256,9 tonnes à 238,2 tonnes. Celles faites à l’étranger sur la base de renseignements des douanes françaises chutent quasiment de moitié, avec 112,3 tonnes (contre 207 en 2016).
« J’assume de dire que ces résultats ne sont pas satisfaisants », a réagi M. Darmanin sur Twitter. « Les chiffres ne sont pas bons, ils doivent s’améliorer, ce sera la priorité du quinquennat », a-t-il insisté devant la presse. Le reflux était déjà engagé en 2016, avec 441 tonnes saisies au total, contre 630 en 2015. Une année record, mais aussi le début d’une descente aux enfers pour une partie de la douane.
« Montages éhontés »
Cette année-là, une saisie de café contrefait avait été le point de départ d’une enquête judiciaire jetant une lumière crue sur les méthodes de certains douaniers de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) soupçonnés d’avoir créé des trafics pour booster leurs bilans. Ils entretenaient en outre des relations troubles avec des indicateurs, dont un travaillait surtout sur des affaires de… cigarettes de contrebande.
« Quelques dossiers étaient des montages éhontés », rappelait dans un communiqué en février le syndicat Solidaires douanes, qui voit dans ces dérives la conséquence d’une « dictature du chiffre » poussant à honorer des objectifs de saisies, coûte que coûte. Début 2017, plusieurs cadres dirigeants de la Dnred ont été mis en examen et une refonte du service a été engagée, sous l’égide d’un nouveau directeur général.
Les méthodes de lutte contre les trafics sont remises en question. A peu près à la même période, un autre service phare, l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants, rattaché à la police, a aussi été ébranlé par des affaires judiciaires mettant en cause des relations entre des fonctionnaires et des indicateurs pouvant relever de la complicité de trafic ou de la provocation à la commission d’infraction.
« A partir du moment où on change les méthodes et où on nous dit de ne plus travailler avec certains aviseurs, notamment lorsqu’ils ont un rôle trop actif dans le trafic, fatalement on a moins de renseignements et donc moins de résultats, fait remarquer un douanier. Tout le monde prend ses patins, les sources, les agents, la hiérarchie, les services partenaires, les magistrats… »
Le prix du paquet de cigarettes a augmenté d’un euro au 1er mars, et les trafics n’ont pas perdu en attractivité. « Une page est en train de se tourner, croit Philippe Bock, secrétaire général de Solidaires douanes. Entre les affaires et l’arrivée du nouveau directeur, nous prenons notre distance vis-à-vis de la politique du chiffre. On revient à quelque chose de plus moral mais les amateurs de chiffres pur jus seront un peu déçus. » Le ministre n’est pas le dernier d’entre eux.