Annick Girardin rencontre des manifestants à Mayotte, le 12 mars. / ORNELLA LAMBERTI / AFP

La France pourrait-elle créer un statut exceptionnel pour la maternité de Mayotte ? Evoquée le 8 mars par le premier ministre, Edouard Philippe, la création d’un statut extraterritorial pour la seule maternité de l’île, département français, a été réaffirmée lundi 13 mars par la ministre des outre-mer, Annick Girardin, en visite à Mayotte.

Concrètement, Mme Girardin a évoqué la mise en place d’un « groupe dédié » visant à donner un « statut extraterritorial » à la maternité de Mayotte, la première de France en termes de naissances, afin qu’une admission en son sein ne permette pas automatiquement d’obtenir la nationalité française.

Dans un entretien publié mardi dans le journal La Croix, le député La République en marche, Aurélien Taché, a tenté de déminer ce sujet sensible et régulièrement attaqué par une partie de la droite : le droit du sol. Il affirme dans le quotidien que la remise en cause du droit du sol n’est « pas du tout ce que souhaite faire le gouvernement ». Selon M. Taché, donner un statut d’extraterritorialité à la maternité de Mamoudzou permettrait « d’en faire en quelque sorte une “maternité internationale” ».

Ce nouveau statut pourrait poser plusieurs questions :

  • Qu’est-ce que le droit du sol ?

En France, la loi reconnaît à la fois le droit du sang et celui du sol. Dans le premier cas, un enfant né d’au moins un parent français obtient automatiquement la nationalité française, où qu’il naisse. Dans le second, un enfant né sur le sol français de parents étrangers peut acquérir automatiquement la nationalité française à sa majorité, à condition qu’il ait vécu au moins cinq années dans le pays depuis l’âge de 11 ans.

  • Qu’est-ce que l’extraterritorialité ?

L’extraterritorialité est un principe de droit international qui prévoit qu’une autorité étrangère ou une organisation internationale puisse s’exercer sur une partie d’un territoire national, comme par exemple le siège des Nations unies à New York. En revanche, les ambassades ne bénéficient pas de l’extraterritorialité, mais simplement de l’immunité diplomatique.

Selon Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble, « la question de l’extraterritorialisation d’une portion du territoire français est largement fictionnelle ». Il précise qu’une zone extraterritoriale n’est pas exempte des lois françaises :

« Si ces zones relèvent d’un droit spécifique [des conventions passées au niveau international notamment], elles n’en restent pas moins sur territoire français, et si, par exemple, un crime ou un délit y est commis, le droit pénal s’applique. »
  • L’obstacle de la Constitution

Pour M. Slama, « sortir de manière totalement artificielle la maternité du territoire français est irréalisable » autant qu’inconstitutionnel :

« Si une loi française le prévoyait, elle serait vraisemblablement inconstitutionnelle, puisqu’elle serait contraire au principe d’indivisibilité de la République, mais aussi au principe d’égalité devant la loi, puisqu’on appliquerait des règles différentes à des enfants nés en France en fonction de la nationalité de leurs parents. »
  • Un accord entre les Comores et la France serait nécessaire, mais peu probable

Seule une convention internationale permettrait de placer la maternité de Mamoudzou sous un statut international, précise le juriste. Mais cette initiative lui paraît peu probable, au vu des relations diplomatiques des pays concernés :

« Compte tenu de l’état des relations de la France avec les Comores depuis l’indépendance de l’Union des Comores et du maintien de Mayotte au sein de la République française, il est peu probable que le gouvernement comorien accepte de négocier une telle convention internationale. On ne voit pas très bien quelle serait la contrepartie et où serait leur intérêt, alors que les autorités comoriennes n’empêchent pas l’émigration vers Mayotte. Bien au contraire, elles estiment que Mayotte est une île comorienne. »
  • Peu d’enfants seraient concernés 

Selon Lise Faron, responsable des questions d’entrée et de séjour au sein de l’association La Cimade, qui aide les étrangers dans leurs démarches sur le sol français, le projet du gouvernement ne concernerait qu’une petite partie des enfants nés à Mayotte : ceux dont les deux parents sont étrangers. Une minorité par rapport à l’ensemble :

« En 2014, plus de 70 % des enfants à Mayotte naissaient français, c’est-à-dire qu’au moins un des parents est français. »

Ces dernières années, les chiffres ont évolué, mais les enfants nés d’un parent français à Mayotte restent majoritaires. Selon des statistiques récentes de l’Institut national de la statistiques et des études économiques ils étaient 58 % en 2016.