La saison de ski alpin s’est terminée le week-end dernier à Are, en Suède. Après sa victoire en géant, Marcel Hirsher a ramené en Autriche son septième gros globe du classement général, l’Amércaine Mikaela Shiffrin, a encore dominé le slalom – « juste » son deuxième chez les femmes. Hors de question pourtant de raccrocher les skis jusqu’à l’hiver austral : le réchauffement climatique et la réduction des glaciers qui en découle ont bouleversé la préparation des skieurs.

Après quelques jours de coupure, il faudra reprendre l’entraînement pour profiter des dernières neiges sur les glaciers des Alpes, tant qu’ils existent encore. Quand Julien Lizeroux a commencé sa carrière, au début des années 2000, la question ne se posait pas. Il a fini par s’y faire : « Ce n’est pas facile de rechausser en fin de saison. Nous avons moins envie, mais ce sont de parfaites conditions d’entraînement. Les Norvégiens skient tout le mois de mai. »

Julien Lizeroux, 38 ans, a vu ses conditions d’entraînement évoluer en raison du changement climatique. / GIOVANNI AULETTA / AP

C’est à la demande de la Fédération française de ski (FFS) que les glaciers « ouvrent » désormais dès le mois d’avril, explique son président, Michel Vion : « Toute l’approche de notre fonctionnement est en train de changer. » Mais il faudra sans doute, dans les prochaines décennies, trouver d’autres solutions.

« Des rochers apparaissent chaque année »

La perte du volume du glacier se perçoit à l’échelle d’une carrière sportive. Les études de l’Institut des géosciences de l’environnement montrent, pour les trente dernières années, « une perte moyenne d’un peu plus d’un mètre par an d’épaisseur de glace sur les glaciers de l’arc alpin », détaille Christian Vincent. Le glaciologue de l’institut grenoblois estime qu’« en suivant le scénario, modéré, d’une augmentation de la température globale de 3 °C, tous les glaciers à moins de 3 500 mètres auront disparu d’ici à 2100 ». Soit l’ensemble des glaciers actuellement exploités pour le ski.

Celui de Tignes est aujourd’hui le plus souvent ouvert et praticable. En octobre, ses quatre remontées mécaniques, à plus de 3 000 mètres, ont dû gérer un surplus de fréquentation : il était le seul praticable. Pour étaler le flux de 2 500 à 3 000 skieurs par jour, la mairie de Tignes avait dû limiter la présence à quatre heures par personne.

« Jeunes, nous pouvions skier l’été sur six glaciers, se souvient Julien Lizeroux. A Tignes, l’évolution est frappante. Un téléski a été démonté à cause du recul du glacier. Des rochers apparaissent chaque année au détriment des pistes, qui se réduisent. »

MONTAGNE : PAS DE GLACIER POUR LES SKIEURS (les Deux Alpes) - 21 octobre 207
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De quoi se poser des questions du côté de la FFS qui, depuis 2002, envoie son élite s’entraîner tous les étés en Amérique du Sud. « Nous ne pouvons plus nous en passer, observe Jean-Philippe Vuillet, ancien entraîneur de l’équipe de France, aujourd’hui chargé de l’organisation des compétitions de vitesse pour la Fédération internationale de ski. Surtout pour les disciplines qui demandent de la place, comme la descente. C’est compliqué de privatiser des bouts de glaciers, de plus en plus petits, pour une seule équipe. »

Le « cirque blanc » s’organise en fonction de ces nouvelles contraintes. « Les moyens sont mutualisés, les équipes partagent les mêmes pistes, explique Jean-Philippe Vuillet. Avec la neige, nous n’échappons pas à la règle de toutes les énergies rares qui viennent à manquer : apprendre à mieux les utiliser. »

Les déplacements dans l’hémisphère Sud, à Ushuaïa (Argentine) en priorité, engendrent des coûts importants. Supportables pour les équipes de France, moins pour de jeunes glisseurs : le réchauffement climatique fait du ski de haut niveau une discipline de plus en plus élitiste.

Dans les skis des géantistes à Ushuaïa
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Frigo géant

Même le Club des sports de Tignes, riche de son glacier, n’est pas épargné. « A 12 ans, les jeunes du club partent en stage au dôme d’Amnéville [Moselle], qui abrite une piste indoor, explique Christian Gauthier, président du club. Nous n’avons pas le choix. Il faut que les jeunes skient au minimum cinquante jours entre l’été et l’automne pour se rassurer et viser la performance. Au mois d’août, le dôme est la seule assurance de faire des séances de qualité. »

L'équipe de France de ski s'entraîne en Moselle
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S’exiler à plus de 500 kilomètres, dans un frigo géant, alors que l’on vit à 2 100 m d’altitude ?! Les skieurs français ont appris à s’accomoder de ces absurdités. Au lycée du pôle France d’Albertville, les rythmes scolaires aménagés vont ainsi être repensés. « Les élèves, libérés tout l’hiver, reprennent actuellement les cours en avril, détaille Jean-Pierre Molliet, qui dirige l’établissement. Nous pensons décaler cette date pour nous adapter aux conditions de neige. Nous développons aussi les cours à distance, déjà proposés à l’élite. »

Aller chercher la neige toujours plus loin, repenser les calendriers de préparation, changer les rythmes scolaires : pour les skieurs de haut niveau, le changement n’est pas que climatique.