Une centaine d’ambassadeurs se sont rendus au ministère des affaires étrangères russes pour assister à une réunion organisée par Moscou pour exposer sa position dans l’affaire Skripal. / SERGEI KARPUKHIN / REUTERS

La tension ne redescend pas entre Londres et Moscou. Lors d’une réunion organisée par le ministère des affaires étrangères russe sur l’affaire Skripal, mercredi 21 mars, à laquelle l’ambassadeur britannique a refusé de se rendre, la Russie a assuré que l’empoisonnement de l’ancien agent double était soit une « attaque terroriste », soit une « mise en scène ».

Cette réunion, consacrée à l’affaire de l’empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille au Novitchok, un agent neurotoxique développé par la Russie, le 4 mars à Salisbury (Royaume-Uni), devrait être l’occasion pour la Russie de démonter les accusations portées contre elle par Londres.

« Soit les autorités britanniques ne sont pas en mesure de fournir une protection contre ce type, disons-le ainsi, d’attaque terroriste, soit elles ont directement ou indirectement — je n’accuse personne de quoi que ce soit — mis en scène une attaque contre un citoyen russe », a déclaré un haut responsable de la diplomatie russe, Vladimir Ermakov, lors de cette réunion.

Il a également voulu discréditer la thèse de l’empoisonnement au Novitchok : « N’importe quelle substance toxique militaire aurait fait de multiples victimes sur le lieu de l’empoisonnement. Mais à Salisbury, ce n’était pas du tout le cas. »

« Situation absurde »

Plus tôt dans la journée, la tension était encore montée d’un cran entre les deux pays, quand l’ambassade britannique en Russie a annoncé à l’Agence France-Presse (AFP) que son ambassadeur, Laurie Bristow, ne « participera [it] pas à cette réunion », mais pourrait être représenté par un fonctionnaire au « niveau opérationnel ».

Si la porte-parole du ministère des affaires étrangères russe, Maria Zakharova, a assuré que « l’important n’[était] pas le statut [des personnes participant à la réunion] mais qu’une discussion se tienne », ajoutant que « cent quarante personnes étaient déjà accréditées ce matin », le Kremlin a pris ce désistement comme un affront.

« C’est une nouvelle manifestation éloquente d’une situation absurde où l’on pose des questions mais on ne veut pas entendre les réponses », a réagi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Nouvelles sanctions envisagées

L’empoisonnement de Sergueï Skripal a ravivé le climat de confrontation Est-Ouest, latent depuis l’annexion de la Crimée par Moscou, en mars 2014, et a exacerbé les tensions entre Moscou et Londres, dont les relations étaient déjà glaciales.

Accusant la « Russie de Poutine » d’avoir ordonné cet empoisonnement, Londres a expulsé vingt-trois diplomates russes du territoire britannique et a annoncé le gel des relations bilatérales. La Russie, qui clame son innocence, a rétorqué en expulsant à son tour ving-trois diplomates britanniques et en mettant fin aux activités du British Council dans le pays.

Les Occidentaux, qui ont resserré les rangs derrière Londres, pourraient à leur tour prendre des mesures contre la Russie. Lundi, le ministre de la défense américain, Jim Mattis, a ainsi jugé que l’affaire Skripal montrait que la Russie a « choisi d’être un adversaire stratégique », même si Donald Trump n’a pas abordé la question avec Vladimir Poutine après sa réélection à tête de la Russie, dimanche.

Les dirigeants de l’Union européenne sont prêts, eux, à se « coordonner sur des mesures » à prendre contre la Russie si elle ne coopère pas à l’enquête, selon un projet de déclaration préparé pour leur sommet jeudi et vendredi à Bruxelles, vu mardi par l’AFP.

De nouvelles sanctions pourraient également être adoptées par Londres : la première ministre britannique, Theresa May, a réuni mardi son Conseil de sécurité et « réfléchit activement » à d’autres mesures de rétorsion contre Moscou, selon son porte-parole.

Pour le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, en visite à Tokyo, « le gouvernement britannique a sciemment choisi de saper les relations russo-britanniques ».

« Si cette tendance se poursuit sous la forme de nouvelles initiatives antirusses, personne n’a bien sûr abandonné le principe de réciprocité », a-t-il prévenu lors d’une conférence de presse, où il a rencontré son homologue Taro Kono.