Les réponses aux principales questions sur la réforme et des liens vers des articles du Monde.fr pour aller plus loin :

Pourquoi réformer la SNCF ?

Plusieurs raisons sont évoquées par le gouvernement :

  • la compagnie ferroviaire est plombée par une dette abyssale de 54,4 milliards d’euros, dont 45 millions pour SNCF Réseau ;

  • durant des années, les investissements en faveur du TGV ou la création de lignes ont été engagés au détriment du réseau existant qui s’est dégradé (Transilien, trains régionaux), entraînant une dégradation du service ;

  • la libéralisation des transports de passagers nationaux se profile, dès 2019, pour les lignes régionales et 2020 pour les TGV, et la SNCF doit être compétitive pour faire face à la concurrence.

Le projet de loi, présenté le 14 mars, prévoit de transformer le statut juridique de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), actuellement un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), en société anonyme (SA), qui resterait privée mais avec de plus fortes contraintes concernant l’endettement. Autre changement majeur : la fin du statut de cheminot pour les nouveaux entrants. En revanche, le texte n’évoque ni les solutions pour réduire la dette ni une éventuelle réforme des retraites ni la fermeture de lignes non rentables. Pour adopter plus vite cette réforme impopulaire, le gouvernement a choisi de recourir aux ordonnances, en esquivant le débat parlementaire, comme pour la loi travail.

Pour aller plus loin :

Quelle forme va prendre la mobilisation sociale ?

Bien qu’ayant un statut particulier, les cheminots participeront, jeudi 22 mars, à une manifestation nationale de fonctionnaires prévue à Paris. Les syndicats attendent 25 000 cheminots dans la rue, mais seul SUD-Rail a déposé un préavis de grève pour la SNCF. Les transports parisiens seront perturbés par un mouvement à la RATP.

Par ailleurs, les quatre grands syndicats (CGT, UNSA, SUD-Rail et la CFDT) ont annoncé une grève perlée à partir des 3 et 4 avril, avec un format inhabituel : une alternance de trois jours travaillés et deux jours de grève, durant trois mois, afin d’inscrire le mouvement dans la durée et d’être mobilisés lors des temps forts de la réforme gouvernementale.

Le mouvement est souvent comparé aux grandes grèves de l’automne 1995 contre la réforme de la Sécurité sociale et des régimes spéciaux de retraite, alors que résonne aussi l’écho de Mai 68, dont on célèbre le cinquantenaire. Pourtant, les conditions sociales sont très différentes.

Pour aller plus loin :

Qu’est-ce que le statut de cheminot ?

Le personnel de la SNCF bénéficie d’un statut particulier. Sauf faute professionnelle, ils ont la garantie de l’emploi à vie, une Sécurité sociale et une retraite plus avantageuses, ainsi que la gratuité sur le train (et des tarifs avantageux pour certaines personnes de leur famille). Mais être embauché comme cheminot n’est pas aisé : il faut avoir moins de 30 ans, passer des tests d’aptitude et passer une période d’essai qui peut durer jusqu’à deux ans et demi.

Les conditions de travail sont souvent difficiles : métiers physiques, horaires de nuit et week-end, mobilité sur toute la France… pour des salaires très légèrement supérieurs (3 090 euros brut) à la moyenne française (2 912 euros).

Au total, la SNCF emploie 146 000 cheminots — un chiffre en baisse constante (ils étaient 175 000 en 2000 et 300 000 en 1970).

Pour aller plus loin :

Comment s’est passée la libéralisation pour EDF ou les PTT ?

Avant le rail, les secteurs de l’énergie et des télécommunications ont déjà été ouverts à la concurrence. Dès les années 1990, l’entreprise des Postes et Télécommunications a été scindée en deux parties, pour devenir France Télécom, puis Orange et La Poste, deux sociétés anonymes alors publiques.

Dans la première entité, le recrutement au statut de fonctionnaires a cessé en 1997 et en 2001 dans la seconde. Pour les effectifs en place, l’organisation, les conditions de travail et les primes ont été harmonisées et repensées. Mais la restructuration parfois brutale a entraîné une vague de suicide à France Télécom dans les années 2000.

EDF a changé de statut en devenant une société anonyme en 2005, mais le statut des salariés a été maintenu, avec une Sécurité sociale avantageuse et un comité d’entreprise généreux.

Pour aller plus loin :

Comment se déroule l’ouverture à la concurrence ?

Plusieurs directives européennes imposent aux pays membres de libéraliser les services de transport ferroviaire. Cette ouverture à la concurrence est réalisée en plusieurs étapes :

  • dès 1997, la compagnie nationale a été scindée en deux : Réseau ferré de France (RFF) puis SNCF Réseau (qui gère les rails) et SNCF Mobilités (qui exploite les trains) ;

  • en 2003, le transport de marchandises (fret) a été ouvert à la concurrence, d’abord à l’international, puis sur les lignes nationales en 2006. Un coup dur pour la SNCF qui a perdu 40 % de parts de marché ;

  • à partir de 2009, le transport international de voyageurs a, lui aussi, été libéralisé. Mais l’offre reste limitée : une seule compagnie, Thello, propose deux trains vers l’Italie depuis 2011 ;

  • à partir de 2019, la SNCF pourra être concurrencée sur les trains régionaux (TER, Intercités, Corail…). Mais cela se fera progressivement, jusqu’en 2033, au rythme du renouvellement d’appels d’offres des régions et de l’Etat ;

  • en décembre 2020, la dernière étape concernera les TGV.

Pour aller plus loin :

Qu’est-ce que la réforme va changer pour les usagers ?

C’est une des questions en suspens. Selon le gouvernement, la réforme qui se concentre aujourd’hui sur le changement de statut de l’entreprise et du personnel n’a pas d’impact à court terme sur le service et devrait, à terme, remettre la SNCF sur de bons rails, donc améliorer la qualité de service : ponctualité, rapidité, modernisation des lignes.

Mais le rapport Spinetta, remis en février, propose d’aller plus loin : se concentrer sur les trajets périurbains du quotidien et les lignes TGV, en supprimant des petites lignes non rentables : « Le maintien des lignes héritées d’une époque où le transport ferroviaire était l’unique moyen de déplacement doit être revu. » De quoi inquiéter les associations d’usagers.

Concernant à la libéralisation du transport ferroviaire, qui justifie la réforme, difficile de savoir si elle sera bénéfique ou non pour les Français. En théorie, la concurrence est censée améliorer la qualité et réduire les prix des billets, mais les exemples étrangers montrent parfois l’effet inverse.

Pour aller plus loin :

Comment les autres pays d’Europe ont-ils réformé le rail ?

L’ouverture à la concurrence, décidée par l’Union européenne, a été abordée différemment selon les pays :

  • en Allemagne, la principale réforme a été réalisée en 1994 en concertation avec les syndicats, avec une reprise de la dette par l’Etat. La qualité s’est améliorée, mais les tarifs sont élevés et le gouvernement doit encore renflouer régulièrement la dette ;

  • en Italie, une organisation adoptée en 2000 a favorisé l’essor de plusieurs compagnies. Les trains à grande vitesse ont été libéralisés, ce qui a baissé les prix. Mais les lignes régionales pâtissent d’un sous-investissement, qui provoque régulièrement des accidents ;

  • au Royaume-Uni, la privatisation lancée depuis vingt-cinq ans est sévèrement critiquée : les trains sont lents, chers et les lignes de banlieues sont bondées. Selon un sondage, 75 % des Britanniques souhaitent une renationalisation ;

  • en Suède, la libéralisation a été progressive, entre 1988 et 2010. Il existe une cinquantaine d’opérateurs, qui ne peuvent pas modifier les contrats des cheminots. Le prix a baissé, l’offre a augmenté, mais les infrastructures se sont dégradées.

Pour aller plus loin : le panorama (en édition abonnés) : Comment l’ouverture du rail à la concurrence s’est faite en Europe.

Quel est le problème avec la dette de la SNCF ?

Dès sa création, en 1937, la Société nationale des chemins de fer français était fortement endettée, à cause des investissements massifs pour construire et exploiter le réseau. En 1991, une directive européenne a demandé aux Etats de réduire l’endettement des compagnies ferroviaires avant l’ouverture à la concurrence. La France a alors choisi de transférer une grande partie de la dette à Réseau ferré de France (RFF) devenu SNCF Réseau. Cette entité a doublé son endettement en vingt ans à cause de forts investissements dans le TGV et la création de lignes non rentables. La maintenance et la rénovation du réseau ont été mises de côté.

Une solution serait que l’Etat reprenne à son compte la dette de la SNCF Réseau, qui atteint 45,5 milliards d’euros, mais cela pèserait fortement sur le déficit public, au-delà des critères fixés par l’Europe. Aujourd’hui, le gouvernement reste flou et conditionne la reprise de la dette à l’adoption de la réforme.

Pour aller plus loin : les explications en cinq points sur la dette de la SNCF.

Que va-t-il se passer sur le régime spécial des retraites ?

Le gouvernement a bien précisé que le projet de réforme ne concernait pas la retraite des cheminots, puisque le dossier sera traité avec la réforme générale des retraites, prévue à partir de 2019. Pourtant, c’est une bombe à retardement : le régime spécial dont ils bénéficient est très déficitaire — plus de 3,3 milliards d’euros payés par l’Etat. La fin de l’embauche « au statut » ne fera qu’empirer le déséquilibre, puisque les futures recrues ne cotiseront pas pour le régime actuellement en vigueur.

Pour aller plus loin :

Notre sélection d’articles pour comprendre la réforme de la SNCF

Retrouvez les publications du Monde.fr concernant le « projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire » présenté par le gouvernement, et ses conséquences :