On a testé… « Ni no Kuni II », le jeu vidéo entre Bilbo le Hobbit et Miyazaki
On a testé… « Ni no Kuni II », le jeu vidéo entre Bilbo le Hobbit et Miyazaki
Par Daniel Andreyev
Le nouveau jeu de rôle de Bandai Namco mêle action, gestion et gentils esprits de la forêt, dans un croisement improbable entre « The Witcher 3 » et « Mon voisin Totoro ».
« Ni no Kuni II : Revenant Kingdom » reprend le faste et le charme du style Ghibli. / Bandai Namco
C’est un royaume féerique et coloré, peuplé d’hommes-chats et de vieillards à tête de souris. C’est un monde chaleureux, complètement dépourvu de toxicité. Certes, il y a des combats, des gentils et des méchants et les enjeux sont parfois plus importants qu’ils n’y paraissent. Mais si peu.
Au milieu de ce royaume de Carabas, vous êtes Evan, petit prince aux oreilles de chat qui se voit dépossédé de son rang par un coup d’Etat de souris. Il prend la fuite, aidé par Roland, un fonctionnaire international arrivé là par le truchement des mondes parallèles. Ensemble, ils vont essayer de rebâtir un royaume de paix et d’amour.
Comme dans les films du studio Ghibli, l’histoire est racontée à hauteur d’enfant, mais avec quelques grilles de lectures pour les adultes. L’intrigue explore différents horizons comme la conspiration politique ou une réflexion sur l’écologie et la course à l’armement. Le thème de l’aventure, c’est l’espoir, et ce jeu le rappelle de mille feux.
Ni no Kuni II: Revenant Kingdom - PS4/PC - Once upon a time (Trailer)
Durée : 02:07
« A la manière » du studio Ghibli
Disponible depuis vendredi 23 mars sur PlayStation 4 et PC, Ni no Kuni II s’adresse directement à notre inconscient de cinéphile, alimenté par l’animation japonaise et principalement par des œuvres comme Le Voyage de Chihiro, Le Château ambulant ou Princesse Mononoké. Complètement à l’opposé de la course au photoréalisme, son apparence fait croire qu’il s’agit du travail du studio Ghibli.
C’était le cas avant : le premier épisode, sorti en 2010 sur PlayStation 3 et Nintendo DS, était une collaboration directe avec le studio de Hayao Miyazaki. Cette fois, ses artistes vétérans, en free-lance, font tout pour entretenir l’illusion, « à la manière de ». Les connaisseurs se souviennent qu’en 1998 le jeu de rôle japonais Jade Cocoon, sur PlayStation 1, jouait déjà sur ce style.
De nombreux artistes issus du monde de l’animation ont contribué à ce jeu. / Bandai Namco
Le style Ghibli, justement, c’est l’animation japonaise dans sa plus éclatante expressivité. Pas seulement des couleurs en aplats, mais aussi le choix des textures, toujours douces et ses lignes, souvent très simples et épurées. La force des films de Miyazaki, c’est leur puissance évocatrice et le sentiment de nostalgie qu’ils procurent. Au cinéma comme en jeu vidéo, c’est devenu presque un genre en soi et Ni no Kuni II parvient avec raffinement à l’évoquer.
Pour que la rêverie soit totale, le studio de développement Level-5 a fait appel une nouvelle fois à Joe Hisaishi, le compositeur attitré de Miyazaki et de la grande période de Takeshi Kitano. Et, même s’il est meilleur pour mettre en musique les longs-métrages, certaines de ses mélodies sont vraiment très réussies.
Pensé pour les plus jeunes
Manette en main, le jeu maintient une accessibilité maximale, grâce à un système de combat qui est sans doute ce qui se fait de plus simple dans le genre. Il ressemble presque à un The Witcher pour enfants – étrangement, Ni no Kuni II s’inspire d’ailleurs beaucoup de la trilogie de jeux de rôles polonais, jusque dans la représentation de son monde ouvert.
Ni no Kuni II n’est jamais ardu, et à part de rares moments purement aléatoires et certains boss, on reste dans une difficulté calibrée pour les joueurs débutants. Le jeu invente tout un tas d’options et de paramètres pour leur simplifier encore plus la tâche, comme les esprits sylvains locaux, les Mousses, qui distribuent des sorts de soin, des attaques bonus, tandis que l’armement de qualité est abondamment distribué.
Le style de jeu, tout en étant très classique, fait tout pour être accessible aux débutants. / Bandai Namco
La protection du royaume est aussi primordiale et fait intervenir une mécanique de stratégie en temps réelle. Pas de problème pour les plus jeunes, la victoire repose sur la traditionnelle trinité des forces, pierre-feuille-ciseaux. Parfois un peu brouillon, ce mode de combat casse le rythme et la monotonie, et s’inscrit dans une longue tradition des champs de bataille dans les jeux de rôle japonais, à commencer par Suikoden. La partie stratégie demeure assez simple pour ne pas dire limitée : il suffit souvent de foncer dans le tas pour voir les troupes ennemies tomber comme des cafards.
Du « SimCity » dans un jeu de rôle
L’idée géniale de Ni no Kuni II est surtout de proposer de créer un royaume. Concrètement, cela implique de le gérer, un peu comme une base. Au Japon, le modèle a été popularisé par Suikoden. Plus récemment, les récents Metal Gear Survive et Fire Emblem ont offert des possibilités de décorer son habitat et de fonder des casernes.
Principale originalité de cette aventure, la possibilité de bâtir, littéralement, son royaume. / Bandai Namco
Un quartier général à gérer, c’est souvent la garantie d’un jeu accrocheur. Ici, il faut construire des baraques, gérer les commerces, créer une société meilleure où ses citoyens gagnent de l’expérience pour la mettre, à leur tour, aux services du bien commun… Le monde de Ni no Kuni II fonctionne comme une monarchie éclairée, une utopie qui opère quand tout le monde remplit sa part de travail. Même sa gestion de quêtes s’inspire d’une interface à la Facebook, dénuée de toute toxicité.
Un jeu japonais pour Occidentaux
L’éditeur Bandai Namco s’est spécialisé avec la série des « Tales of » dans les jeux de rôles puisant dans l’animation japonaise. Ici, ils franchissent une étape supplémentaire : l’aventure bienveillante et généreuse. Ni no Kuni 2, c’est Bilbo le Hobbit dans le monde de Miyazaki avec un jeu de gestion au milieu. Et le paradoxe le plus fascinant, c’est que le premier épisode a été un jeu qui s’est vendu avant tout en Occident.
Le premier « Ni no Kuni » avait principalement marché hors du Japon. Cette suite en tient compte. / Bandai Namco
A la fin de sa vie, Kurosawa était devenu presque un ovni dans son pays, un génie boudé et ignoré. Pour faire ses films, le maître faisait appel à ceux qui l’aimaient, aux réalisateurs étrangers, à ses généreux admirateurs. De cette manière, il a réalisé des films pas forcément personnels, mais grandioses et ambitieux. Les parallèles avec Ni no Kuni II paraissent évidents : plus riche, plus grandiloquent, moins intimiste.
Conçu avant tout pour le public des gaijin – les non-japonais –, il n’oublie cependant pas ses racines et ses recettes purement nippones. Cela ne veut pas dire que c’est un chef-d’œuvre du genre, non. Cela signifie simplement que, désormais, l’Occident ne passe plus à côté des choses simples.
En bref
On a aimé :
- L’ambiance ;
- Le système de royaume à construire ;
- Les musiques dans leur ensemble ;
- Un jeu de rôle très simple mais pas simpliste ;
- Un bien meilleur jeu que le précédent ;
- L’histoire, aussi « Ghibli » que les graphismes.
On n’a pas aimé :
- La difficulté parfois aléatoire ;
- Les quêtes de remplissage ;
- Les donjons annexes.
C’est plutôt pour vous si…
- il vous faut un jeu de rôle accessible à tout public ;
- Les films de Miyazaki vous manquent ;
- Vous débutez dans le jeu de rôles japonais.
Ce n’est plutôt pas pour vous si…
- Si les jeux à l’apparence enfantine vous refroidissent.
La note de Pixels
8 Mikado sur 10 Choco BN à la fraise.