Les vieux City Bikes noirs de la société Clear Channel restent en service dans la capitale suédoise. / ALEXANDER FARNSWORTH / PICTURE ALLIANCE / AFP

Les 5 000 Vélib’ électriques, flambant neufs et hyperconnectés de JCDecaux auraient dû être déployés le 1er avril dans la capitale suédoise. Un joli lot de consolation pour l’entreprise française, qui a perdu le marché parisien. Mais à la place de ces nouveaux deux-roues, les Stockholmois devront se contenter des vieux City Bikes noirs de Clear Channel. Mises au rebut à l’automne, les bécanes vont reprendre du service, le temps que le tribunal administratif de Stockholm statue sur le recours déposé par deux sociétés contre l’attribution du marché au Français.

Depuis 2006, il était contrôlé par le champion américain du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire, Clear Channel. Il inclut la gestion d’un système de vélos en libre-service, ainsi que l’exploitation de 350 panneaux publicitaires. Au total, un contrat qui devrait rapporter 250 millions de couronnes (environ 25 millions d’euros) sur dix ans, estime le patron de JCDecaux en Suède, Magnus Heljeberg.

Cinq compagnies avaient déposé un dossier dans le cadre de l’appel d’offres organisé par la mairie de Stockholm. Parmi elles, deux favorites : JCDecaux, déjà présent à Göteborg, la deuxième ville de Suède, et dans la cité universitaire de Lund, dans le sud du pays ; et Clear Channel qui, pour l’occasion, s’est associée à l’espagnol Movienta, un des quatre actionnaires du consortium Smovengo, qui a remporté la bataille parisienne contre JCDecaux.

« Le cahier des charges était exigeant et l’appel d’offres très compliqué Nous avons donc choisi de ne pas y aller seul »
Ola Klingenborg, président de Clear Channel

« Nous aimons les vélos, mais nous sommes avant tout spécialistes de l’affichage publicitaire, explique Ola Klingenborg, président de Clear Channel en Suède. Or le cahier des charges était particulièrement exigeant et l’appel d’offres très compliqué Nous avons donc choisi de ne pas y aller seul. » Jusque-là, sa société mettait à disposition des usagers un millier de bicyclettes, disponibles uniquement dans le centre, entre 6 et 22 heures, du 1er avril au 31 octobre. En 2017, 40 000 usagers avaient souscrit un abonnement.

« La Tesla du vélo »

Cette fois, la mairie veut un système qui s’étend au-delà du centre, accessible jour et nuit, toute l’année. L’usager doit pouvoir s’abonner avec son téléphone portable en deux minutes au maximum et récupérer son vélo en moins de dix secondes. Selon Johan Sundman, directeur de projet à la direction du trafic à Stockholm, JCDecaux et Movienta ont « décroché la note maximale ». Mais la firme espagnole a été éliminée d’office, en raison d’un vice de forme : « Deux personnes ont rédigé le dossier, mais une seule a apporté la preuve qu’elle était habilitée à le faire », précise M. Sundman.

« C’est notre plus gros contrat dans les pays nordiques. Ce nouveau contrat nous permet de doubler le nombre de nos panneaux publicitaires dans la capitale »
Magnus Heljeberg, JC Decaux

Pour le Français, la victoire est importante : « C’est notre plus gros contrat dans les pays nordiques, commente Magnus Heljeberg. En 2014, nous avons remporté celui de l’affichage dans les toilettes publiques à Stockholm. Ce nouveau contrat nous permet de doubler le nombre de nos panneaux publicitaires dans la capitale. » Le 26 septembre, Jean-François Decaux, directeur général de l’entreprise avec son frère Jean-Charles, pose pour les photographes avec le Vert Daniel Helldén, adjoint aux transports, sur le parvis de la mairie de Stockholm, devant le prototype, qui doit rapidement entrer en production. « La Tesla du vélo », savoure Magnus Heljeberg : un deux-roues électrique et intelligent, connecté à une application mobile, sans borne d’attache physique, à localiser grâce à son téléphone portable, capable d’alerter les techniciens quand sa batterie est à moins de 50 % de sa capacité.

Mais le triomphe est de courte durée. Movienta n’apprécie pas de s’être fait évincer de la course et dépose un recours devant le tribunal administratif de Stockholm. L’espagnol est rejoint par une société polonaise, qui argue que les conditions de l’appel d’offres étaient telles qu’elles l’ont empêchée de participer.

A la mairie, Johan Sundman tempère : « La quasi-totalité des appels d’offres sont contestés devant un tribunal. Le problème, c’est qu’il faut attendre entre huit et neuf mois pour une décision, qui peut encore faire l’objet d’un appel. » Il est toutefois convaincu que la mairie l’emportera et que les Stockholmois auront leurs Vélib’ d’ici à la fin de l’année. Des promesses à faire sourire un cycliste parisien.