Thomas Romain réinvente les dessins de fils. / KuroPop

Dans la plupart des familles, les dessins des enfants finissent souvent aimantés — parfois oubliés — sur le réfrigérateur. Chez les Romain, ils sont à l’origine d’un projet suivi par plusieurs dizaines de milliers d’internautes et qui vient d’être compilé dans un livre, Traits de famille, paru au début du mois de mars aux éditions Kurokawa.

Depuis un peu plus d’un an, Thomas Romain, Français expatrié depuis quinze ans au Japon, réinterprète les monstres, robots et personnages imaginés sur papier par ses deux garçons, Ryunosuke, 11 ans, et Itsuki, 9 ans, et les partage chaque semaine sur les réseaux sociaux.

Le soir de Noël 2016, Thomas Romain est particulièrement bluffé par un dessin de cyclope laissé par son aîné. « J’ai été très supris par la forme, l’idée de départ, explique-t-il au Monde. J’ai eu envie de le refaire spontanément et de lui faire la surprise le lendemain. C’est ainsi qu’a commencé le projet. » Désigneur pour le prestigieux studio d’animation japonaise Satelight, le père de famille est habitué dans son travail à concevoir des décors, des vaisseaux ou des méchas — célèbres armures robotisées géantes de la science-fiction japonaise.

Travail de fidélité

Mais pour retravailler les croquis de ses enfants, Thomas Romain s’éloigne des techniques numériques qu’il utilise dans son métier pour revenir à des méthodes « plus traditionnelles  », à l’aquarelle. « J’ai parfois l’impression qu’ils mettent la barre de plus en plus haut », souligne-t-il lors de la promotion du livre en France, à la fin de mars. Monstres, robots, combattants…, Ryunosuke et Itsuki Romain puisent toujours plus loin dans leur imaginaire, et s’inspirent de la culture pop japonaise, donnant parfois un peu de fil à retordre à leur père :

« Je n’hésite pas à les questionner sur le sens de ce qu’ils ont dessiné. Par exemple, est-ce qu’ils ont fait des mains détachées du corps parce qu’elles flottent ou parce qu’ils n’arrivaient pas à dessiner ? Le manteau du personnage est-il en fourrure ou alors est-il en dents de scie parce qu’il est déchiré ? »

Thomas Romain vit à Tokyo avec sa femme et ses fils, Itsuki et Ryunosuke. / Crédit : Aude Boyer

Thomas Romain essaie de respecter le dessin original et de retranscrire les idées le plus fidèlement possible, se cantonnant à leur donner de la dimension, de la profondeur. « Je me mets au service de mes enfants. Au fond, l’important c’est le dessin, l’idée de base. Le reste, la technique, cela s’acquiert. » Un travail de fidélité auquel il consacre l’équivalent d’une grosse journée de travail par semaine, découpée en petites séances de conception mais aussi de tournage pour la chaîne YouTube du projet.

Personnages récurrents

Certains dessins lui demandent parfois plusieurs semaines de réflexion : ainsi la grosse boule surmontée de feuilles et d’un visage dessinée par Itsuki, le benjamin, deviendra un « Rochevoleur », créature invertébrée qui se réfugie dans des rochers gravés pour effrayer les ennemis. Si chacun de la soixantaine de dessins est conçu individuellement, des personnages et des univers finissent par revenir. Ainsi les « Koumo », tribu de petites créatures bleutées à trois jambes, sont-ils des invités réguliers dans le bestiaire de la famille Romain. Des fondations que Thomas Romain « aimerai [t] bien développer dans des dessins animés. Une étape future peut-être ».

DRAWING with my kids - SAMURAI GIRL [FULL VERSION] No.32
Durée : 03:22

Lorsqu’il a partagé les premiers dessins sur son compte Twitter, puis sur Instagram et sur YouTube, les retours ont été chaleureux en Europe, en Amérique du Nord mais aussi au Japon. Et la communauté de ce professionnel de l’animation s’est élargie bien au-delà des passionnés de dessins animés pour atteindre plus de 200 000 abonnés sur YouTube et plus de 150 000 sur Twitter. « Il est sûr que mon expérience personnelle m’aide pour retravailler des dessins, mais ce projet me sert également dans mon travail : les solutions que je trouve pour respecter le dessin original de mes enfants m’aident aussi à aborder les demandes dans mon métier. Et puis, les enfants m’ont dessiné beaucoup de guerriers en armure, ce qui a été très utile pour enrichir mes idées », assure Thomas Romain, qui voit dans ce passe-temps un moyen de se rapprocher de ses fils mais aussi une bonne carte à jouer comme créateur.

La sortie du livre en France ne signe pas la fin du projet de famille. Thomas Romain va continuer à partager avec ses enfants, à publier ses dessins en ligne et essayer, pourquoi pas, de faire naître une vocation chez ses garçons.

« Traits de famille », de Itsuki, Ryunosuke et Thomas Romain, éditions Kurokawa, 120 pages, 17,90 euros.