L’ombre de Tariq Ramadan au salon musulman du Bourget
L’ombre de Tariq Ramadan au salon musulman du Bourget
Par Cécile Chambraud
La fréquentation est en baisse au parc des expositions du Bourget, en l’absence de l’islamologue, qui est en détention provisoire depuis sa mise en examen pour viols.
Un stand aux 35e rencontres annuelles des musulmans de France, le 31 mars 2018. / JACQUES DEMARTHON / AFP
Les allées sont un peu moins peuplées, les espaces un peu moins vastes, les orateurs un peu moins variés : les 35e rencontres annuelles des musulmans de France, organisées comme chaque année le week-end de Pâques au Bourget (Seine-Saint-Denis) par l’ex-Union des organisations islamiques de France (UOIF), ne resteront pas dans les mémoires comme les plus mobilisatrices, ce samedi 31 mars. « La fréquentation baisse déjà depuis quelques années, mais en plus, cette fois, les gens savaient que Tariq Ramadan ne serait pas présent. Or, c’était le seul à pouvoir remplir la grande salle de conférence », observe Mourad Latrech, cofondateur de SaphirNews et SalamNews, des médias d’informations musulmans.
Dans le hall d’entrée, le comité de soutien du conférencier, en détention provisoire depuis sa mise en examen pour viols, le 2 février, a installé un stand. Il est à l’origine de la campagne « Free Tariq Ramadan » organisée sur les réseaux sociaux. Les « bénévoles » qui le tiennent ne sont « pas habilités à répondre aux questions » des journalistes. En revanche, ils accueillent les visiteurs qui s’y arrêtent et les invitent à signer une lettre type, adressée soit au président Emmanuel Macron, soit à Nicole Belloubet, la ministre de la justice. La missive dénonce des « impairs » qui conduisent les partisans de l’islamologue à se « demander si la machine judiciaire n’est pas entachée par un racisme latent et pernicieux » et exige la libération « au plus vite » de Tariq Ramadan. L’enveloppe est fournie, les dons sont bienvenus.
« Sa pensée reste intacte »
On ne se bouscule pas au stand, mais des visiteurs s’y arrêtent régulièrement. Amel, 25 ans, venue du Nord en famille pour ces rencontres, en fait partie, ce samedi matin. « On est consternés par la situation de Tariq Ramadan, qui n’est pas jugé comme le serait un autre, explique la jeune femme. Il est incarcéré, il n’a pas le droit de visite, pas de soins médicaux appropriés. Récemment, d’autres personnalités mises en cause n’ont pas été traitées de cette façon, comme [Gérald] Darmanin, [Nicolas] Hulot ou [Nicolas] Sarkozy. Même Nordhal Lelandais a été hospitalisé. » Les soutiens de l’islamologue mettent en avant sa santé. Ils affirment qu’il souffre d’une sclérose en plaque et d’une autre neuropathie et que l’incarcération n’est pas compatible avec sont état. Le juge d’instruction a demandé une expertise médicale, qui doit être faite d’ici le 15 avril. Une première avait conclu que son maintien en détention était compatible avec son état.
Mohamed Bentefrit, 38 ans, du Nord lui aussi, a côtoyé Tariq Ramadan au sein de l’association Présence musulmane. Il tient à dire que c’est « une personne intègre, à l’égard des hommes comme des femmes ». Il s’indigne qu’à l’occasion des accusations de viols formulées par trois femmes, « on s’est attaqué à l’homme religieux, à sa pensée, sans aucun rapport avec les faits qui lui sont reprochés » et que l’on reproche à certains de l’avoir fréquenté : « A-t-on reproché à qui que ce soit d’avoir fréquenté Dominique Strauss-Kahn ? » En ce qui le concerne, le président de Musulmans de France (le nouveau nom de l’UOIF), Amar Lasfar, ne regrette pas d’en avoir fait pendant des années l’attraction principale de ces rencontres. « Même s’il était condamné, sa pensée reste intacte », a-t-il affirmé samedi.