En France, un âge d’or pour le capital-investissement
En France, un âge d’or pour le capital-investissement
Par Isabelle Chaperon
Les fonds français de « private-equity » ont collecté 16,5 milliards d’euros en 2017, un record, selon l’étude annuelle publiée mardi par France Invest.
Les fonds français de capital-investissement n’avaient jamais collecté, ni investi, autant d’argent, selon France Invest. / DAMIEN MEYER / AFP
Le capital-investissement français ne s’est jamais aussi bien porté. En 2017, les Alpha Private Equity, Chequers Capital ont collecté 16,5 milliards d’euros (contre 14,7 milliards en 2016), selon l’étude annuelle publiée, mardi 3 avril, par France Invest (Association française des investisseurs pour la croissance) et le cabinet Grant Thornton.
En parallèle, ces fonds ont investi 14,3 milliards d’euros (contre 12,4 milliards d’euros en 2016), dans 2 142 entreprises, dont 85 % françaises. De quoi établir trois records : le premier pour l’argent collecté, le deuxième pour les montants investis et le troisième pour le nombre d’entreprises ayant fait appel à ces capitaux.
C’est à l’évidence une bonne nouvelle pour ces financiers, dont le métier consiste à prendre des parts au capital des entreprises pour espérer les revendre quelques années plus tard avec un profit. C’est surtout une excellente nouvelle pour l’économie française, plaide Olivier Millet, président de France Invest. « Le rôle économique et social du non-coté est majeur. Plus nous confions des capitaux aux start-up, PME et ETI, plus ces entreprises vont grandir, investir, créer des emplois et payer des impôts en France », insiste le président du directoire d’Eurazeo PME.
Depuis sa nomination à la tête du lobby financier France Invest en juin 2016, M. Millet s’emploie à démontrer que le capital-investissement – courroie de transmission entre l’épargne et les entreprises non cotées – bénéficie à toute l’économie, et pas seulement à l’escarcelle de ces actionnaires professionnels.
Un emballement phénoménal
Du côté de l’épargne, le plébiscite est massif. Partout dans le monde, fonds de pension, assureurs ou banques privées déversent des tombereaux d’argent dans les soutes du capital-investissement. En 2017, 921 fonds de « private-equity » – selon la terminologie anglo-saxonne – ont collecté 453 milliards de dollars (368 milliards d’euros), « le montant le plus élévé jamais levé en un an », selon la firme Preqin. A lui seul, l’américain Apollo a annoncé en juillet 2017 avoir rassemblé 24,7 milliards de dollars pour son neuvième fonds Apollo Investment Fund, effaçant les collectes record de Blackstone et Goldman Sachs avant la crise financière.
« Cet emballement phénoménal s’explique par les rendements offerts par le capital-investissement, qui restent bien supérieurs à ceux des autres placements, même si les taux remontent un peu », explique Eric Meyer, directeur général de RBC Capital Markets pour la France. Quand, par le passé, les fonds mettaient jusqu’à deux ans à convaincre les investisseurs de leur confier des capitaux, certains n’ont eu besoin que de trois mois, à l’image de Chequers qui a dépassé son objectif initial en collectant 1,1 milliard d’euros en mai 2017 malgré une campagne éclair.
La tendance ne se dément pas en 2018. Le 12 mars, Equistone a annoncé avoir décroché en quatre mois un engagement de 2,8 milliards d’euros de la part de 56 grands investisseurs institutionnels. Quant à PAI, il a fait savoir le 29 mars qu’il avait volontairement limité à 5 milliards d’euros son dernier fonds, alors que les « family office », fonds souverains et autres assureurs lui offraient 15 milliards.
« De vraies approches industrielles »
Si le capital-investissement a gagné ses lettres de noblesse du côté des bailleurs de capitaux, son image commence à changer également du côté des entreprises. Oubliée l’époque où les fonds défrayaient la chronique en empilant des monceaux de dettes sur les sociétés pour ensuite faire la chasse aux coûts et réduire les effectifs.
Désormais, les Eurazeo ou Equistone se font forts d’aider les PME et ETI à s’internationaliser, à accélérer leur transformation numérique ou à racheter leur concurrent allemand… « Les fonds développent de vraies approches industrielles et sont prêts à mobiliser des enveloppes importantes pour investir dans la croissance des entreprises en portefeuille. Ils deviennent des investisseurs plus engagés sur les perspectives de long terme », souligne M. Meyer.
Et comme ces financiers misent sur les entreprises et les dirigeants à fort potentiel, les performances sont au rendez-vous. Selon l’étude publiée en décembre 2017 par France Invest et EY, les 2 989 entreprises accompagnées par le capital-investissement entre 2009 et 2016 ont enregistré une croissance de leur chiffre d’affaires 2,7 fois supérieure au produit intérieur brut nominal français. Sur la même période, elles ont créé 302 073 emplois en France entre 2009 et 2016, soit près de 30 % de hausse de la création nette d’emplois, à comparer avec + 1,9 % pour l’ensemble du secteur marchand.
Dynamique
« Longtemps le capital-investissement a été une classe d’actifs tolérée. Il est vu désormais comme utile, à la fois pour l’économie et pour l’épargne compte tenu de son excellent rendement », martèle M. Millet. Le gouvernement semble convaincu. Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances, a annoncé le 29 mars plusieurs mesures, dans le cadre du projet de loi Pacte (pour la croissance et la transformation des entreprises), destinées à favoriser l’accès au non-coté à la fois pour les épargnants et les assureurs.
Pour M. Millet, la dynamique est partie pour durer : « quand j’ai annoncé il y a deux ans que le capital-investissement français était en route pour collecter 20 milliards d’euros et dépasser le marché britannique, on m’a trouvé optimiste, au mieux. Mais je le redis : nous dépasserons 20 milliards d’euros avant 2020 ».