Parti travailliste britannique : Jeremy Corbyn à la peine face aux accusations d’antisémitisme
Parti travailliste britannique : Jeremy Corbyn à la peine face aux accusations d’antisémitisme
Le Monde.fr avec AFP
Depuis son arrivée à la tête du Labour, en septembre 2015, plusieurs membres du Parti travailliste ont été suspendus, expulsés ou forcés de démissionner après des déclarations antisémites. Corbyn et ses soutiens restent accusés de complaisance.
Jeremy Corbyn à Londres, le 2 avril 2018. / HANNAH MCKAY / REUTERS
Quelque chose ne va pas dans le Labour de Jeremy Corbyn. Le Parti travailliste, principal parti d’opposition au Royaume-Uni, est critiqué pour ne pas combattre assez vigoureusement l’antisémitisme en son sein, une accusation qui poursuit Jeremy Corbyn depuis qu’il est devenu chef du parti, en septembre 2015, et qu’il peine à réfuter.
Mardi 3 avril, les médias britanniques s’interrogeaient [le Guardian, le Times, The Independent, la BBC, ou Skynews] sur les raisons qui ont poussé M. Corbyn à participer, la veille, à Islington, dans sa circonscription, à un dîner organisé par les Jewdas, un groupe d’extrême gauche, très critique de la politique israélienne envers les Palestiniens, et considéré à ce titre comme peu représentatif. Les Jewdas ont récemment qualifié le mouvement Enough is Enough de « travail des manipulations cyniques par des gens dont la loyauté expresse va au Parti conservateur et la droite du Parti travailliste ».
Pages Facebook et messages antisémites
Dimanche, la presse britannique rapportait que le chef des travaillistes avait supprimé sa page personnelle sur Facebook, conservant toutefois sa page professionnelle sur laquelle il a diffusé vendredi un message pascal. « Il est facile de dénoncer l’antisémitisme quand on l’observe dans d’autres pays, dans d’autres mouvements politiques. Il est parfois plus difficile de le voir quand il est plus proche de soi », a-t-il reconnu dans la vidéo. « Nous devons tous faire mieux. Je m’engage à faire en sorte que le Parti travailliste soit un endroit accueillant et sûr pour les juifs », a-t-il ajouté.
Dimanche, The Times affirmait avoir découvert plus de 2 000 messages antisémites, racistes, misogynes et violents sur vingt des plus importants groupes de soutien à Jeremy Corbyn sur Facebook. Un porte-parole du Labour a indiqué que « ces groupes ne sont pas liés au Labour ou officiellement liés au parti ».
Eradiquer l’antisémitisme
Certains, au sein du Parti ont pris le problème à bras-le-corps : l’humoriste travesti Eddie Izzard, nommé samedi au sein de l’instance dirigeante du parti, le Comité exécutif national (NEC) s’est engagé, lundi, dans une croisade pour éradiquer l’antisémitisme : « Nous devons complètement éliminer la tache de l’antisémitisme provenant d’une minorité de membres. Il n’a aucune place au sein de notre parti », a écrit, lundi 1er avril, Eddie Izzard dans le tabloïd de gauche Daily Mirror. « Nous devons faire amende honorable et réparer les dommages causés à la communauté juive », a-t-il ajouté.
Le comédien a été nommé à ce poste en remplacement de Christine Shawcroft, critiquée pour avoir demandé la réintégration d’un membre accusé de négationnisme. « Je travaillerai avec mes collègues du NEC pour assurer que nous avons un plan fort, avec des actions concrètes pour éradiquer cela », a-t-il insisté.
Démissions et défections
Depuis l’arrivée de Jeremy Corbyn à la tête du Labour, plusieurs membres du parti ont été suspendus, expulsés ou forcés de démissionner pour avoir fait des déclarations antisémites, mais le chef des travaillistes et ses soutiens sont accusés de ne pas en faire assez et de laisser l’antisémitisme se diffuser au sein de la formation. M. Corbyn a précisé, dans une interview au site d’information Jewish News, que 300 faits antisémites avaient été rapportés en interne depuis 2015, dont environ la moitié avaient débouché sur une démission ou une expulsion du parti.
Lundi, The Times relevait que le Labour avait perdu plus de 17 000 de ses quelque 570 000 membres depuis le début de l’année, en raison des allégations d’antisémitisme et du refus de Jeremy Corbyn de rendre la Russie responsable de l’empoisonnement d’un ex-agent double russe et de sa fille début mars en Angleterre.
Jonathan Arkush, président d’une organisation représentative de la communauté juive, le Board of Deputies of British Jews, haranguant les manifestants, devant le Parlement britannique. / YUI MOK / PA Wire / DPA
Le 26 mars, quelque 500 personnes avaient dénoncé l’inaction de Jeremy Corbyn en manifestant devant le Parlement britannique à l’appel d’organisations représentatives de la communauté juive. « Jeremy Corbyn n’a pas su prendre de mesures significatives et a laissé un espace aux racistes ! », a affirmé devant environ 500 manifestants Jonathan Arkush, président d’une organisation représentative de la communauté juive, le Board of Deputies of British Jews. « Trop c’est trop ! », a-t-il entonné, avertissant que les juifs « désertaient » le Parti travailliste.
L’organisation avait au préalable, avec une autre organisation juive, le Jewish Leadership Council, publié une lettre ouverte au ton exceptionnellement critique, dans laquelle ils accusaient Jeremy Corbyn de se trouver régulièrement « du côté des antisémites ».
La polémique a été ravivée durant le week-end avec l’annonce dimanche par un important donateur privé du Labour qu’il avait claqué la porte du parti. « J’ai observé avec consternation et inquiétude la manière dont la direction s’est conduite, selon moi, au cours des deux dernières années », confiait dimanche à The Observer l’homme d’affaires David Garrard, qui a versé 1,5 million de livres (1,7 million d’euros) au Labour depuis 2003. « Je considère qu’elle a soutenu et appuyé les actes antisémites les plus flagrants. »