Des oliviers touchés par la bactérie Xylella Fastidiosa en Corse
Des oliviers touchés par la bactérie Xylella Fastidiosa en Corse
Par Rémi Barroux
Le Syndicat interprofessionnel des oléiculteurs l’a détectée, pour la première fois, sur des oliviers et sur des chênes verts, arbres emblématiques de l’île.
Un olivier desséché atteint par la bactérie Xylelle Fastidiosa dans la région des Pouilles (Italie) en 2016. / TIZINAI FABI / AFP
C’est la nouvelle que redoutaient tous les oléiculteurs de Corse. La bactérie Xylella Fastidosia a été identifiée sur deux oliviers, ainsi que sur des chênes verts, des myrtes et des oléastres (oliviers sauvages), révèle le Syndicat interprofessionnel des oléiculteurs de Corse (Sidoc), dans un communiqué publié mardi 3 avril. « Les oliviers quasiment morts des ronds-points de Caldaniccia et Baleone à Ajaccio, des oléastres défoliés de plusieurs microrégions et des chênes verts à Ventiseri sont infectés », alerte le Sidoc.
Depuis juillet 2015, on savait cette bactérie présente sur l’île de Beauté, détectée sur des polygales à feuilles de myrte. Elle est responsable de la mort d’1,5 million d’oliviers dans les Pouilles italiennes (soit près de 15 % du total), et le nombre d’oliviers malades aurait triplé entre 2017 et 2018 dans la zone de confinement mise en place après la découverte de la bactérie en 2013.
« Aucun remède connu à ce jour »
Xylella, que l’on trouve sous la forme de différentes souches (Pauca comme en Italie, Multiplex, Fastidiosa), est aussi présente dans les îles des Baléares (découverte à Majorque en octobre 2016) et sur le continent, dans la province de Valence, où elle s’est attaquée aux amandiers. Elle a aussi été identifiée en Allemagne en avril 2016. Propagée par des insectes suceurs de sève du type cicadelle, elle est responsable de la maladie de Pierce, mortelle pour la vigne, et s’attaque à des centaines de plantes : amandier, mimosa, lavande, cerisier, laurier-rose, prunier, olivier, agrumes…
Xylella Fastidiosa a été identifiée sur quarante espèces végétales en France, deux régions étant touchées, Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et Corse, 25 000 échantillons ayant été analysés (depuis 2015), selon le ministère de l’agriculture, dans un bilan dressé en janvier 2018. Au 28 février, trente-six espèces de végétaux avaient été trouvées infectées sur l’île de Beauté (sur 354 foyers). Dans cette liste, on trouve de nombreuses plantes du maquis et des plantes ornementales, mais aucun olivier.
« Alors qu’officiellement la situation est “stable”, alors que les analyses de l’Etat reviennent systématiquement négatives… nos contre-analyses, réalisées par l’Institut national de la recherche agronomique [INRA] d’Angers, confirment qu’oliviers et chênes verts sont touchés par la bactérie, sans remède connu à ce jour », écrit le Sidoc.
« Chape de plomb »
Pour les producteurs d’olives, cette découverte est une catastrophe. Selon le syndicat, il existe 10 000 hectares d’oliviers en Corse, 107 000 hectares de chênes verts et l’oléastre, plante endémique du maquis, couvre plus de 300 000 hectares.
« Cela fait trois ans que l’on voit mourir les arbres en Corse, chênes-lièges, chênes verts, oliviers desséchés… et que l’on nous dit que Xylella Fastidiosa n’y est pour rien. Il y a une chape de plomb et nous avons besoin de savoir », proteste Fabienne Maestracci, productrice à Bonifacio et vice-présidente du Sidoc. Selon elle, les dérogations accordées pour l’entrée de végétaux sur l’île sont notamment en cause, « près de 2 000 oliviers depuis le début de 2018 ».
A la préfecture de Corse, le cri d’alarme des oléiculteurs est pris au sérieux, mais on préfère rassurer. « On n’a jamais mis en évidence la contamination d’oliviers en Corse et la bactérie trouvée sur l’île n’était pas de la même souche que celle qui a détruit les oliviers en Italie [Multiplex en Corse et Pauca en Italie] », rappelle le préfet, Bernard Schmeltz.
Mission d’experts
Des analyses complémentaires sur les végétaux contaminés découverts par le Sidoc ont été commandées par le ministère de l’agriculture au laboratoire de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) à Angers. Là même où le syndicat a fait réaliser les siennes par l’INRA, qui utilise des méthodes plus draconiennes, selon Fabienne Maestracci.
« C’est une alerte importante pour le ministère, aussi nous attendons les résultats des analyses de l’Anses, qui travaille avec les méthodes officielles, conformes aux normes internationales », précise Alain Tridon, porte-parole de la direction générale de l’alimentation (DGAL) au ministère de l’agriculture. Les résultats devraient être connus d’ici à une dizaine de jours et ils permettront de connaître la souche de la bactérie.
Une mission d’experts du ministère et de l’INRA doit se rendre en Corse la semaine prochaine pour étudier les causes du dépérissement des oliviers, et dresser un bilan complet des politiques mises en œuvre. « A quoi servent ces missions ? Dans quinze jours, la période d’activité va démarrer pour les insectes vecteurs, ils vont être partout, qu’est-ce qu’on fait ? », questionne Fabienne Maestracci.