Rachat d’Alstom par GE : Patrick Kron ne convainc pas les députés
Rachat d’Alstom par GE : Patrick Kron ne convainc pas les députés
LE MONDE ECONOMIE
L’ex-PDG du groupe français a défendu sa probité et la pertinence de l’opération réalisée en 2014. « Sans la vente à GE, cela aurait été un bain de sang social », a affirmé M. Kron.
Quatre ans après l’annonce de la vente des activités énergie d’Alstom à l’américain General Electric (GE) pour 12 milliards d’euros, la polémique n’est toujours pas éteinte.
L’ex-PDG du groupe français, Patrick Kron, a dû défendre la pertinence de l’opération, mercredi 4 avril, devant la commission d’enquête parlementaire chargée d’examiner les décisions de l’Etat en matière de politique industrielle (Alstom, Alcatel, STX…). Sans la convaincre.
Et d’abord de sa probité. Des élus de droite et de gauche, mais aussi Arnaud Montebourg, ministre de l’économie au moment du rachat, et même Emmanuel Macron, son successeur, ont accusé M. Kron – sur la base de soupçons plus que de preuves – d’avoir vendu Alstom à GE pour s’éviter des poursuites de la justice américaine dans une affaire de corruption. L’un de ses ex-cadres dirigeants, Frédéric Pierucci, purge encore une peine de prison aux Etats-Unis et le groupe a finalement transigé et payé fin 2014 une amende de 772 millions de dollars au Trésor américain.
« Insinuations infondées »
Une accusation que M. Kron qualifie d’« incroyable rumeur ». « Je n’ai jamais subi quelque pression que ce soit, je n’ai jamais été exposé à aucun chantage de quelque juridiction que ce soit, ni des Américains ni d’aucune autre juridiction, a-t-il déclaré sous serment. Ces insinuations sont infondées, elles sont insultantes à mon égard comme d’ailleurs à l’égard de l’ensemble des administrateurs qui ont soutenu à l’unanimité ce projet. »
S’il a cédé Alstom Power, a-t-il une fois de plus plaidé devant les députés, c’est parce qu’il n’avait plus d’autre solution industrielle. « Chaque jour qui passe conforte la pertinence de l’analyse qui avait été faite sur le risque que le statu quo faisait courir au groupe », explique-t-il au Monde. Face à la concurrence de GE, de l’allemand Siemens et de nouveaux concurrents, notamment chinois, « Alstom n’avait plus la taille critique » dans les grosses turbines, ni la force de frappe financière pour accompagner des clients réclamant des préfinancements à leurs fournisseurs.
Au cours des cinq dernières années, le marché mondial des grosses turbines de centrales électriques de plus de 100 mégawatts de puissance s’est effondré. La demande est tombée à 110 unités par an pour des capacités de production d’environ 400 turbines, selon une estimation de Siemens. Le conglomérat allemand et GE ont déjà supprimé des milliers d’emplois dans ces activités ces deux dernières années. « Sans la vente à GE, cela aurait été un bain de sang social », affirme M. Kron.
Notamment sur le site historique de Belfort, où Alstom fabriquait ces turbines. L’usine a bénéficié du rapatriement de certaines commandes venant du site américain de GE, rappelle M. Kron.
Une fusion-acquisition jugée « très décevante »
Pour l’heure, les ex-salariés d’Alstom sont relativement protégés par l’accord de fusion : le géant américain s’est engagé à créer 1 000 emplois nets en France d’ici à fin 2018, dans l’énergie ou ses autres activités. Pour le reste, c’est l’inconnu. A Grenoble, pôle de référence d’Alstom dans la conception et la fabrication de turbines pour barrages hydrauliques, GE prévoit de supprimer 313 emplois sur 800. Un plan de sauvegarde de l’emploi suspendu par l’administration.
Depuis trois ans, GE traverse une passe difficile, en raison des difficultés de ses branches énergie électrique, et pétrole et gaz. L’hypothèse d’un démantèlement du conglomérat de Boston (Massachusetts) n’est même plus écartée par son PDG, John Flannery.
Patron des fusions-acquisitions de GE en 2014, il avait été l’un des principaux négociateurs de l’opération Alstom. Il la qualifiait alors de « hautement stratégique » dans un secteur aux « excellentes perspectives de croissance à long terme ». Il la juge désormais « très décevante » et assure qu’il paierait Alstom « beaucoup moins cher » aujourd’hui. Ce qui fait peser une lourde hypothèque sur l’emploi des ex-Alstom.