Des assemblées générales, occupations et blocages sont organisés dans un certain nombre d’universités, pour protester contre la loi orientation et réussite des étudiants (ORE) qui réforme l’accès aux études supérieures. Dans quelles mesures ces actions sont-elles légales, et à quoi s’exposent les étudiants qui les mènent ? Quelles décisions le président d’une université peut-il prendre ? Eléments de réponse.

  • Les étudiants peuvent-ils faire grève ?

Les étudiants n’étant pas des travailleurs au sens strict, ils ne peuvent pas exercer un droit de grève. Mais chacun peut décider de « cesser le travail » en ne venant pas en cours. Ce choix peut néanmoins porter préjudice aux étudiants boursiers dont la présence en cours est contrôlée.

« Les étudiants boursiers sur critères sociaux doivent consulter le règlement intérieur de leurs universités pour vérifier les conditions d’admission de leur bourse et se manifester auprès de l’administration pour justifier leur absence de cours, conseille Me Valérie Piau, avocate spécialisée en droit de l’éducation. Ils risquent sinon de se voir imposer une amende de remboursement des fonds, voire une mise en péril de leur bourse. »

Il arrive que les présidents d’université décrétent des suspensions d’obligation d’assiduité lors des occupations, pour éviter de pénaliser les étudiants boursiers, précise Me Piau.

  • Le blocage d’un site universitaire est-il autorisé ?

D’un point de vue juridique, le blocage d’une université est illégal puisqu’il représente une « entrave à la liberté d’aller et venir dans un lieu public. » L’article L811-1 du Code de l’éducation précise que les étudiants « disposent de la liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels. Ils exercent cette liberté à titre individuel et collectif, dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d’enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l’ordre public. »

Ainsi, les étudiants n’ont pas le droit d’empêcher d’autres étudiants de venir assister aux cours, et d’empêcher les professeurs de les donner.

Quant à la mise à disposition de locaux, pour la tenue d’assemblées générales par exemple, elle est définie « après consultation du conseil académique (…), par le président ou le directeur de l’établissement, et contrôlée par lui », précise le guide juridique « Compétences et responsabilités des présidents d’université et de Comue [communauté d’universités et d’établissements] » de la Conférence des présidents des universités (CPU).

  • Quels sont les responsabilités et les pouvoirs du président de l’université en cas de perturbations ?

« C’est de la question du maintien de l’ordre public que tout dépend, explique Me Valérie Piau. Toutes les éventuelles décisions de restriction de libertés, de fermeture des bâtiments, ou encore d’intervention de la force publique dépendent des atteintes à l’ordre public », concernant par exemple le bon déroulement des cours, la liberté d’expression ou encore l’activité de recherche, comme le définit la CPU.

La police ne peut pas intervenir comme elle le souhaite dans l’enceinte d’une université. C’est en effet le président de celle-ci qui « est responsable du maintien de l’ordre et peut faire appel à la force publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ». (article 712-2 du Code de l’éducation). Il est en mesure de prendre des mesures préventives, par exemple décréter la fermeture de l’université afin d’éviter tout débordement. Si l’occupation est déjà effective, et qu’il estime qu’il y a une atteinte à la sécurité, il peut demander au préfet de faire intervenir des forces de l’ordre. Si ce dernier refuse, le président a la possibilité de saisir le juge administratif des référés, en demandant la prise de mesures en urgence, comme par exemple la fermeture de l’université.

Le président peut aussi demander au juge administratif de faire injonction à des occupants irréguliers des locaux universitaires de les quitter. Par exemple, si « les accès aux bâtiments universitaires sont condamnés par l’installation de barricades et autres obstacles et que des groupes de personnes assurent tout à la fois le maintien de ces dispositifs mais aussi l’occupation des lieux, afin de s’opposer à la tenue des cours », précise le guide de la CPU.

« Si ces deux interlocuteurs refusent les demandes du président, il ne peut alors pas procéder à l’expulsion lui-même, affirme Me Piau, encore moins à l’aide de milices privées. »

  • A quoi s’expose-t-on en cas de blocage, et en cas de dégradations ?

L’université d’une part, la justice d’autre part, sont en mesure de prononcer des sanctions. « Si des dégradations de bâtiments ou de matériel venaient à être commises par exemple, une commission disciplinaire au sein de l’université serait alors saisie pour déterminer les sanctions qu’encourent les auteurs », explique l’avocate. Des poursuites pénales ne peuvent être envisagées qu’en cas de dépôt de plainte, par exemple de la part du président de l’université.

Par ailleurs, le président peut « interdire l’accès des locaux aux personnels ou usagers », pour une durée qui ne peut excéder trente jours, et « la suspension des enseignements est également possible pour un maximum de trente jours », rappelle le guide de la CPU.

  • A-t-on le droit de distribuer des tracts et de poser des affiches à l’université ?

Ces deux actions sont considérées comme relevant de la liberté d’information et d’expression des étudiants et sont protégées par le Code de l’éducation. Cependant, l’affichage sauvage peut être sanctionné par les universités. Les tracts ne peuvent être « autorisés (en dehors de la période des élections universitaires) qu’à l’entrée du bâtiment et ce, de manière habituelle », précise le guide de la CPU.

  • Quels recours aux décisions de l’université ?

Si les étudiants s’estiment lésés par des décisions du président, jugeant par exemple que la fermeture des locaux ou des sanctions disciplinaires sont disproportionnées par rapport aux risques d’altération du maintien de l’ordre, ils peuvent saisir le juge des référés.