L’Institut du monde arabe s’ouvre à l’humour
L’Institut du monde arabe s’ouvre à l’humour
Par Sandrine Blanchard
Yassine Belattar a inauguré, vendredi, la première édition de ce mini-festival au cours duquel se produiront notamment, jusqu’à dimanche, Smaïn et Haroun.
« C’est très sulfureux de venir me voir », lance Yassine Belattar aux 370 spectateurs réunis, vendredi 6 avril, dans l’auditorium de l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris. Accusé, en décembre 2017 par l’hebdomadaire Marianne, d’« entretenir le déni de l’islamisme », décrit, à la fin du mois de mars par Valeurs actuelles, comme le « Dieudonné de Macron », l’humoriste rétorque : « vous allez voir que, dans deux mois, j’aurais tué Kennedy. »
Devant un public cosmopolite, où l’on croise l’ancien footballeur international Lilian Thuram, créateur de la fondation Education contre le racisme et Latifa Ibn Ziaten, la mère d’Imad, l’un des militaires assassiné à Toulouse en 2012 par le terroriste Mohammed Merah, Yassine Belattar inaugure le premier « week-end humour » de l’IMA. « Il n’était que temps d’ouvrir nos portes au rire. “Enfin !”, pourrait-on dire », justifie Jack Lang. « Pour avoir sillonné les routes du monde arabe, j’ai souvent savouré, des chauffeurs aux bistrotiers en passant par les intellectuels, leur sens aigu de l’humour qui permet à beaucoup de ces peuples de résister », poursuit, lyrique, le président de l’Institut.
Le Français d’origine marocaine Yassine Belattar, avec, en première partie, l’humoriste française d’origine tunisienne Samia Orosemane, ont donc ouvert le bal de ce nouveau rendez-vous « pour rire de tout et de tous » appelé à être renouvelé chaque année. « Nous ouvrons les portes de l’Institut à toutes les expressions artistiques pour élargir et diversifier le public », explique Jack Lang, citant la carte blanche à Oxmo Puccino, la nuit de la poésie ou l’Arabic Sound System récemment organisés. « Le rire est un élément, évident et normal, parmi d’autres », insiste-t-il. Pour cette première édition, l’IMA n’a programmé que des artistes qui se produisent en France – Mademoiselle Dalila et Smaïn samedi 7 avril, Wary Nichen et Haroun dimanche 8 avril – et envisage, l’année prochaine, d’inviter des humoristes du monde arabe.
« Cela fait quinze ans que ma carrière est un bordel »
« On ne savait pas qu’on avait un institut ! », s’amuse Yassine Belattar avant de s’embarquer pour deux heures de show alternant commentaires de l’actualité, sketchs et interaction avec la salle. Actuellement dans « l’œil du cyclone », l’humoriste – qui a soutenu Emmanuel Macron pendant les présidentielles et qui vient d’être nommé au Conseil présidentiel des villes –, revient régulièrement sur les attaques les plus folles dont il est la cible sur les réseaux sociaux. « J’ai été très affecté d’avoir été qualifié d’antisémite et d’islamiste », insiste-t-il, sans rire cette fois. « Cela fait quinze ans que ma carrière est un bordel », constate celui qui est aussi animateur sur radio Nova. Mais ces dernières semaines, les coups portés à ce comique français de confession musulmane qui revendique une France de la diversité et s’engage politiquement n’ont jamais été aussi durs. Son tempérament parfois orageux peut agacer, son goût pour les projecteurs peut paraître excessif, mais rien de ce qu’il dit sur scène ne relève du « néoracisme », dont l’accuse certains.
Tout au long de son spectacle, en grande partie identique à celui qu’il présentait avant la polémique, il fustige les « terroristes tarés », se moque de la « racaille », charrie les coutumes des Maghrébins et des Noirs, refuse l’étiquette de « représentant de la banlieue » (où il ne vit plus depuis longtemps), rappelle que la « musulmanie » n’est pas un pays, fait applaudir les parents issus de l’immigration et les professeurs qui travaillent en banlieue.
Avant de quitter le plateau et de se prêter à une séance de selfies avec les spectateurs qui l’attendent dans le hall, Yassine Belattar annonce qu’il va bientôt arrêter ce one-man-show et qu’il consacrera son prochain spectacle à l’éducation de ses trois enfants. Début mai, ajoute-t-il, il accompagnera Latifa Ibn Ziaten à Carcassonne, dans le quartier du djihadiste de l’Aude, Radouane Lakdim, pour promouvoir la laïcité et la paix.
« Week-end humour » à l’Institut du monde arabe, jusqu’au 8 avril