TV – « Mass », de Bernstein, une œuvre pop, classique et hippie
TV – « Mass », de Bernstein, une œuvre pop, classique et hippie
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. Cette création du grand chef et compositeur américain est un portrait-type de l’époque qui la vit naître (sur Arte Concert à la demande).
Bernstein - Mass - Jubilant Sykes / Wayne Marshall (répétition 2/2)
Durée : 01:08
Mass (1969-1971), de Leonard Bernstein (1918-1990), n’est pas une messe – dans le sens liturgique, catholique et romain du terme – mais une célébration tous azimuts, hippie en diable et très typique de son époque en pleine ébullition sociétale et créatrice. Mass est inclassable : ni vraiment classique ni vraiment pop, mais un peu tout cela et plus encore.
Au cours de l’année du début de sa composition, 1969, les réfrigérateurs explosent à la fin de Zabriskie Point, le film psychédélique de Michelangelo Antonioni, les drag-queens finissent par se rebeller contre les descentes de police au bar Stonewall, de New York. C’est aussi le moment du festival de Woodstock. Le tout sur fond de guerre au Vietnam, de drogue et de Flower Power.
Bernstein, très grand chef d’orchestre, était un compositeur doué mais inégal, dont l’image était à son goût trop liée à West Side Story (1957, porté au grand écran en 1961). A la fin de sa carrière, il interdisait même qu’on parle de lui comme du « compositeur de West Side Story ». Pourtant, ce musical est ce qu’il a écrit de mieux et la meilleure comédie musicale de tous les temps.
Indéniable et solide préparation
Mais Bernstein cherchait toujours midi à quatorze heures, et, en compliquant les choses à dessein, il échouait souvent dans sa quête du chef-d’œuvre transgenre. Mass veut tout concilier, au risque du bariolage et du kitsch œcuméniques. Pourtant le miracle s’accomplit. Et cette longue « composition dramatique » constitue peut-être le meilleur portrait du janusien et protéiforme compositeur.
Bernstein - Mass - Jubilant Sykes / Wayne Marshall (répétition 1/2)
Durée : 02:15
Ce concert est le résultat d’une indéniable et solide préparation : les chanteurs – à l’exception du grand chœur – chantent de mémoire et fournissent un jeu scénique convaincant. Le « célébrant », incarné par Jubilant Sykes, est émouvant, ainsi que le chœur Aedes, de Mathieu Romano, impeccable dans ses ensembles ou dans ses interventions solistes (parfois redoutables de difficulté).
Wayne Marshall, formidable musicien (pianiste et organiste), n’est peut-être pas le chef d’orchestre le plus précis que l’on connaisse, mais cette captation donne une belle image de l’œuvre paradoxale et attachante qu’est Mass.
Mass, de Leonard Bernstein, captation de concert réalisée par François-René Martin. Arte Concert à la demande jusqu’au 21 mars 2020.