Réforme de la Coupe Davis : « On peut parler d’autre chose que des dollars ? », s’insurge Noah
Réforme de la Coupe Davis : « On peut parler d’autre chose que des dollars ? », s’insurge Noah
Par Elisabeth Pineau (Gênes, envoyée spéciale)
Après la qualification de son équipe pour la demi-finale, le capitaine de l’équipe de France a formulé dimanche, dans un long plaidoyer, une violente critique envers le projet de réforme de la compétition par équipes.
Yannick Noah, au Valletta Cambiaso de Gênes, le 7 avril. / TONY GENTILE / REUTERS
Yannick Noah affichait naturellement une grande satisfaction après la victoire dimanche de Lucas Pouille contre Fabio Fognini, synonyme de qualification de son équipe pour la demi-finale de la Coupe Davis, que la France doit accueillir mi-septembre.
Peu après la fin des matchs au Valletta Cambiaso de Gênes, le capitaine de l’équipe de France s’en est pris à ceux qui défendent le projet de réforme de la vénérable compétition par équipes, qui prévoit notamment la fin des rencontres à domicile et à l’extérieur et une compétition ramassée sur une semaine en terrain neutre.
Est-ce qu’un week-end comme celui-là, avec des matchs passionnés entre la France et l’Italie ou l’Espagne et l’Allemagne, peut faire pencher la balance ?
Je l’espère. Nous, on est des passionnés de Coupe Davis, avec laquelle on a grandi. Certains dirigeants ne sont là que depuis peu et ne connaissent pas leur histoire. Certains joueurs ont la mémoire courte ou des motivations qui ne protègent pas le jeu. Y’a qu’en Coupe Davis qu’on peut vivre ça. Si demain leur décision scandaleuse passe, y’aura plus tout ça, ce sera la fin de la Coupe Davis.
J’essaie de peser du peu que je peux. Il semble que la plupart des capitaines qui jouaient ce week-end sont de mon avis, ça s’appelle la tradition. Aujourd’hui c’est la Coupe Davis qui est menacée, après ce sera les tournois du Grand Chelem et puis, après, on va aller faire tous les tournois en Asie ? Je suis encore dans le match, c’est pas fini, j’essaierai de peser pour essayer de sauver ce qui pour moi devrait être intouchable.
Justement, de quelle manière entendez-vous peser concrètement ?
Je vais essayer de solliciter les autres capitaines, d’envoyer des textos à des personnes que je connais encore dans le jeu. J’ai jamais pensé qu’on se retrouverait dans une telle situation, mais là je pense que c’est injuste.
Imaginez un joueur de Manchester United qui gagne 500 000 euros par semaine et qui décide de ne pas jouer la Coupe du monde. Alors la FIFA va dire : « bon, eh bien maintenant on va changer la formule ? » C’est exactement la même situation. On parle de sept ou huit joueurs, qui ont donné beaucoup au tennis, avec tout le respect que j’ai pour eux. Mais je pense aussi que le tennis leur a aussi beaucoup donné. Je crois que c’est à leur tour de donner quelque chose au tennis.
Alors oui, c’est difficile de critiquer Lionel Messi et Ronaldo [allusion aux Federer, Nadal et Djokovic qui plaident pour une réforme], c’est plus facile de critiquer des petits joueurs comme nous. Mais on est face à une situation qui est assez extraordinaire, je trouve : il y a des joueurs, de par leurs qualités de joueur, que je ne discute pas, qui ont quand même profité beaucoup du jeu et qui aujourd’hui décident qu’ils veulent encore plus. Moi je trouve que c’est trop.
Quid des fédérations qui perdent de l’argent avec cette compétition ?
Quand Nadal joue à Valence, le stade est plein [le numéro un mondial jouait ce week-end contre l’Allemagne à Valence]. Si Federer joue demain en Suisse dans un stade de 80 000 personnes, le stade va être plein. Il me semble qu’il y a de l’argent qui tombe pour la Fédération internationale. Or, l’idée d’une fédération c’est de partager ensuite, non ? Les fédérations qui ont perdu de l’argent ou qui en perdent, si c’est pour jouer ensuite une semaine où il y aura beaucoup de millions à gagner, cet argent sera partagé n’est-ce pas ?
Rien ne pourra payer l’autographe que Fognini a donné au petit garçon qui débute le tennis ici à Gênes. Combien ça coûte les moments que tu passes avec les ramasseurs de balles ? On peut parler d’autre chose que des dollars ?
Quand je gagne la Coupe Davis, la première chose que je fais, c’est d’appeler ma fédération et de demander combien j’ai gagné. Mais il y a aussi des choses qu’on peut faire sans que ce soit comptabilisé, non ? Surtout, quand il y a beaucoup d’argent. Je n’arrive pas à comprendre l’intérêt d’aller jouer une compétition sur une semaine à l’autre bout du monde, je ne comprends pas… car il y en a des tournois comme ça, il y en a plein, partout dans le monde. Mais la Coupe Davis, c’est autre chose. C’est le sport, y’a presque un aspect social.