Hongrie : après la fermeture de plusieurs médias, la presse d’opposition en voie de disparition
Hongrie : après la fermeture de plusieurs médias, la presse d’opposition en voie de disparition
Par Blaise Gauquelin (Vienne, correspondant)
Deux jours après le triomphe d’Orban aux législatives, l’un de ses ennemis, l’oligarque Lajos Simicska, ferme entre autres le journal « Magyar Nemzet ».
Devant les bureaux de plusieurs médias de Lajos Simicska, à Budapest, en avril 2015. / ATTILA KISBENEDEK / AFP
Deux jours seulement après les élections législatives en Hongrie, remportées une troisième fois par Viktor Orban, ce qu’il restait de presse d’opposition dans le pays est en train de disparaître. L’oligarque Lajos Simicska a en effet annoncé, mardi 10 avril, qu’il jette l’éponge et compte fermer plusieurs des médias qu’il possède, selon la Klubradio, reprise par l’APA, l’agence de presse autrichienne.
Invoquant des « problèmes financiers », cet ennemi juré du premier ministre souverainiste compterait faire cesser d’émettre sa Lanchid-Radio à partir de minuit ce mardi. Le quotidien conservateur Magyar Nemzet (« la nation hongroise »), fondé il y a quatre-vingts ans, est également concerné par cette décision brutale. Sur son site Internet, il a annoncé qu’il cesserait de paraître mercredi. Durant la campagne, il avait révélé des affaires de corruption supposée concernant le Fidesz, le parti de M. Orban.
Fleuron du groupe et chaîne influente, la Hir-TV doit pour l’instant survivre mais subir une restructuration. Quant à l’hebdomadaire Heti Valasz, il doit se trouver un nouvel investisseur car il va être vendu, faute de quoi lui aussi fermera ses portes, selon l’agence allemande DPA.
Jusqu’à 2015, Lajos Simicska appartenait au premier cercle du pouvoir. Ancien camarade de classe de M. Orban, il a financé son parti avant de soudainement déclarer la « guerre totale » au chef du gouvernement, lui reprochant de vouloir mettre à genoux les journalistes s’accrochant à leur indépendance. Il avait depuis mis ses médias – qui auparavant servaient complaisamment le pouvoir – au service de ce combat. Ils comptaient parmi les plus critiques envers l’exécutif.
Mais en affrontant totalement le gouvernement, il a perdu tous les contrats publics qui lui permettaient, entre 2010 et 2014, d’éponger les dettes de ses entreprises de presse. Sa capitulation – qui coïncide avec la démission de Gabor Vona, le chef du parti d’extrême droite Jobbik après un résultat décevant aux législatives – marque la fin presque totale de la pluralité dans ce pays membre de l’Union européenne depuis 2004.
Peu d’audience des sites Internet indépendants
Les chaînes publiques sont dépendantes de l’exécutif et le monopole de l’information est donc désormais quasi complet. En 2016, le quotidien libéral Nepszabadsag (« liberté du peuple ») avait été racheté par un proche de Viktor Orban. Puis ce fut au tour des quotidiens régionaux.
Reste RTL Klub, le mastodonte allemand. Installé depuis 1997 en Hongrie, il échappe totalement à Viktor Orban, qui a essayé de l’étouffer en 2014 en taillant spécialement pour lui un projet de taxe exorbitante. Face au droit européen, le gouvernement hongrois avait dû reculer et cette chaîne de télévision commerciale est toujours leader du marché. Quelques sites Internet sont également actifs, mais leur audience est limitée. Au classement mondial de la liberté de la presse, la Hongrie ne cesse de perdre des places : elle pointait, en 2017, à la 71e place.