Le show de la modernité saoudienne fait étape à Paris
Le show de la modernité saoudienne fait étape à Paris
Par Arthur Carpentier
A l’occasion de la visite à Paris du prince héritier Mohammed Ben Salman, la fondation qu’il a créée organisait une conférence pour promouvoir l’ouverture… mais pas les droits de l’homme.
Le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salman, a achevé mardi 10 avril deux jours de visite officielle à Paris. / YOAN VALAT / AFP
Mohammed Ben Salman, prince héritier d’Arabie saoudite, a achevé mardi 10 avril deux jours de visite officielle à Paris. Au menu, pas de contrats d’armement, mais un doux fumet d’ouverture et de modernité. Cette odeur, c’est celle du musc, ou misk en Arabe. Le parfum aux senteurs boisées et envoûtantes a donné son nom à la fondation pour la jeunesse : MiSK Foundation.
Les objectifs de la fondation – éducation, médias, culture, innovation – épousent ceux du plan Vision 2030, par lequel Mohammed Ben Salman (MBS) veut amorcer la transition économique et sociétale de son pays. Le prince souhaite libéraliser et moderniser la monarchie dépendante au pétrole et gouvernée par le rigorisme religieux, dont il hérite.
La tournée internationale de MBS vise notamment à rassurer les investisseurs étrangers, après qu’il a séquestré durant des mois plus de deux cents VIP pour obtenir leur loyauté et la restitution de milliards supposément mal acquis. Parmi eux, Al-Walid Ben Talal, prince multimilliardaire, et propriétaire du George-V. Le somptueux palace du 8e arrondissement a justement accueilli, lundi 9 avril, l’édition parisienne du « MiSK Talk », après plusieurs éditions dans les villes américaines où s’est arrêté le prince héritier.
Travailler l’image du royaume
Dans les ors du salon Vendôme, on ne retrouve aucun haut dignitaire de la monarchie wahhabite, mais on rencontre la jeune intelligentsia saoudienne, polyglotte, richement vêtue et résolument moderne. L’essentiel des deux cents auditeurs est issu de la délégation « business » qui accompagne le prince héritier dans son voyage.
Ce MiSK Talk parisien est présenté comme « une plate-forme interactive durant laquelle de jeunes Saoudiens et Français donnent de courts et inspirants discours à propos de leur expérience personnelle ». Autrement dit, il s’agit de reprendre, pendant deux heures sur scène, le format des célèbres conférences TED pour travailler l’image du royaume. La parité est parfaitement respectée – modernité affichée oblige.
Le MiSK Talk organisé à Paris était également retransmis en direct sur les réseaux sociaux tels que YouTube. / Youtube/MiSK foundation
« Changemakers », « start-up country », « social-tech »… le vocabulaire a de quoi rendre jaloux Emmanuel Macron et sa start-up nation. Les innovations aussi. Parmi elles, on découvre Sawerly, une plate-forme numérique saoudienne de mise en relation de photographes et de particuliers, sorte d’Uber de la photographie. Est aussi présent Le Wagon, une start-up française qui annonce la mise en place de cours de code à Riyad.
Un progressisme tout relatif
La fondation MiSK veut envoyer un message clair : l’Arabie saoudite est moderne, ouverte, innovante. Pour le diffuser, les organisateurs de la conférence ont fait appel à la journaliste d’Europe 1, Cyrielle Hariel, qui se présente comme « green et positive ». « On est ici pour mettre en lumière un mouvement progressiste et solidaire », s’enthousiasme-t-elle. Tout en admettant à demi-mot : « Bien sûr, aucun pays n’est parfait, il y a du bien et du moins bien partout, tout reste à améliorer. »
Au cours de la conférence, pas un mot, bien sûr, sur les recommandations des militants des droits de l’homme, comme ceux d’Amnesty International, qui ont appelé le prince héritier de « mettre fin à la répression systématique visant les femmes, les minorités et les défenseurs des droits humains, ordonner la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers d’opinion et cesser de recourir à la peine de mort ».
« Ces MiSK Talks renvoient l’image de la véritable richesse saoudienne, une jeunesse moderne, optimiste et innovante », défend Abdulrahman Aleshaiwi, l’un des intervenants de la conférence. Ce traducteur de textes juridiques estime que « les médias donnent parfois une image faussée de l’Arabie saoudite ». Ou, du moins, une image qui ne convient pas aux dirigeants du pays, 168e (sur 179) du classement 2017 de la liberté de la presse établi par Reporter sans frontières (RSF).