Un jeune Syrien, originaire de Douma (Ghouta orientale) dans le camp de réfugiés de Al-Bil, dans le nord de la Syrie, le 10 avril. / NAZEER AL-KHATIB / AFP

« Eviter une situation hors contrôle. » Le cri d’alarme est venu, mercredi 11 avril, du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, qui a exhorté les cinq membres du Conseil de sécurité à trouver un terrain d’entente sur le conflit en Syrie, alors que les attaques chimiques présumées ont ravivé les tensions diplomatiques et que la menace d’une action occidentale en Syrie s’est encore renforcée.

« J’ai appelé les ambassadeurs des cinq membres permanents [Etats-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni] pour réaffirmer ma grande inquiétude face à l’impasse actuelle », explique dans un communiqué le patron de l’ONU.

« N’oublions pas, qu’au final, nos efforts visent à mettre un terme à la terrible souffrance du peuple syrien. »

Le triple vote de mardi – fait rare aux Nations unies la même journée et sur le même sujet – portant sur deux textes russes et un texte américain n’a abouti à aucune adoption. La Bolivie, qui s’était rangée du côté de la Russie contre la résolution des Etats-Unis, a demandé la tenue jeudi d’une réunion du Conseil sur « l’escalade récente de la rhétorique concernant la Syrie ».

  • Les Etats-Unis mettent en garde contre des tirs imminents

Mercredi, Washington et Moscou étaient engagés dans un face-à-face de plus en plus tendu sur ce dossier syrien, le président des Etats-Unis Donald Trump avertissant du tir imminent de missiles contre le régime de Bachar Al-Assad.

« La Russie jure d’abattre n’importe quel missile tiré sur la Syrie. Que la Russie se tienne prête, car ils arrivent, beaux, nouveaux et “intelligents” ! Vous ne devriez pas vous associer à un animal qui tue avec du gaz, qui tue son peuple et aime cela », a tweeté Donald Trump.

En appui au président, le Pentagone s’est dit « prêt » à présenter des options militaires, tandis que Damas aurait évacué des aéroports et des bases militaires.

Mais après les tweets présidentiels va-t-en-guerre de la matinée, la Maison Blanche s’est montrée plus prudente dans l’après-midi. « Le président tient la Syrie et la Russie pour responsables de cette attaque aux armes chimiques », mais « toutes les options sont sur la table, la décision finale n’a pas été prise », a déclaré sa porte-parole, Sarah Sanders.

Les chefs du Pentagone, Jim Mattis, et de la CIA, Mike Pompeo, se sont rendus à la Maison Blanche dans la journée.

  • Le Kremlin refuse de participer à la « Twitter diplomatie »

Jugeant la situation « très tendue », le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a dit espérer « que toutes les parties vont éviter tout acte qui ne serait en réalité en aucun cas justifié ». Et ce dernier de relever que son pays « ne participe pas à la Twitter diplomatie ».

L’ambassadeur au Liban Aleksander Zasypkin s’est, lui, fait plus menaçant sur la chaîne Al-Manar, gérée par le Hezbollah : « En cas de frappe américaine (…), les missiles seront détruits, de même que les équipements d’où ils ont été lancés. »

De son côté, le président Vladimir Poutine, a dit espérer que le « bon sens » l’emporterait dans cette crise.

  • Possible ralliement de Londres à l’intervention militaire

De son côté, la chef du gouvernement britannique Theresa May va réunir, jeudi, un conseil ministériel extraordinaire consacré à la Syrie. Selon plusieurs médias du Royaume-Uni, celui-ci débouchera vraisemblablement sur un ralliement de Londres à la volonté de représailles militaires occidentales.

D’après la BBC, Mme May ne sollicitera pas l’aval du Parlement si elle décide d’une telle intervention. Le chef de l’opposition travailliste, Jeremy Corbyn avait, lui, estimé plus tôt que Westminster devrait avoir son mot à dire en cas d’action militaire en Syrie.

En déplacement mercredi à Birmingham, la première ministre a par ailleurs déclaré à la presse que tout indiquait que les autorités syriennes étaient responsables de l’attaque chimique de Douma.

La France, elle, annoncera « dans les prochains jours » une « décision » en accord avec les alliés américain et britannique, a déclaré le président Emmanuel Macron, affirmant que les bombardements viseraient « les capacités chimiques » du régime de Damas.

  • La Turquie appelle à cesser la « bagarre de rue »

Dans ce contexte, la Turquie, autre acteur-clé dans le conflit syrien, a exhorté Moscou et Washington à cesser leur « bagarre de rue ». « L’un dit J’ai de meilleurs missiles, l’autre dit Non, c’est moi qui ai de meilleurs missiles. Allez, chiche, envoie-les ! (…) Ils se bagarrent comme des caïds », a déploré le premier ministre Binali Yildirim lors d’un discours à Istanbul.

Le président Recep Tayyip Erdogan et son homologue américain Donald Trump ont évoqué cette crise lors d’une conversation téléphonique mercredi soir. Aucun détail sur la teneur de leur discussion n’a été communiqué.

Ankara et Washington sont alliés au sein de l’OTAN, mais leurs relations ont été récemment affectées par plusieurs sujets de discorde. Dans le même temps, la Turquie s’est rapprochée ces derniers mois de la Russie sur le dossier syrien. Les deux pays conservent toutefois de nettes divergences : Ankara soutient les rebelles en lutte contre le président syrien, tandis que Moscou reste un soutien indéfectible de Bachar Al-Assad.

  • Des « symptômes liés à une exposition à des agents chimiques »

Cinq cents patients présentant des signes évoquant une exposition à des agents toxiques se sont rendus dans des centres de soin à Douma en Ghouta orientale, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Plus de 70 personnes qui s’abritaient dans des caves auraient péri, « 43 de ces décès étant dus à des symptômes liés à une exposition à des agents chimiques à haute toxicité », a déclaré mercredi l’OMS, citant des informations émanant de ses partenaires.