Moustiquaire protégeant un bébé. Lomé. Togo. / Catherine Leblanc/Photononstop

Les réunions internationales destinées à donner un nouvel élan à la lutte contre le paludisme se multiplient en ce mois d’avril. Dakar accueille, du 15 au 29 avril, la septième conférence panafricaine sur le paludisme organisée par l’Initiative multilatérale sur le paludisme (MIM). Londres reçoit, le 18 avril, le Sommet mondial sur le paludisme, convoqué à l’initiative du partenariat international Faire reculer le paludisme (RBM), avec le soutien de la Fondation Bill et Melinda Gates. Une mobilisation bien nécessaire, tant la crainte d’une recrudescence de la maladie grandit.

Un enfant tué toutes les deux minutes

Ces dernières années, les progrès de la lutte contre une maladie qui tue un enfant toutes les deux minutes, principalement en Afrique subsaharienne, ont été à juste titre mis en avant. Depuis l’année 2000, le nombre des décès dus au paludisme a été réduit de plus de la moitié, et les institutions internationales estiment que 7 millions de vies ont été sauvées grâce aux actions menées contre ce fléau.

Entre 2010 et 2016, le nombre de pays notifiant moins de 100 000 cas de pa­ludisme a augmenté, passant de 37 à 44, et l’accès aux outils de prévention tels que les moustiquaires imprégnées d’insecticide s’est accru. Introduite en 2012, la chimioprévention saisonnière (CPS) – utilisation préventive d’antipaludéens pendant la saison des pluies – permet de réduire fortement les cas de ­paludisme simples.

Dans son rapport en 2015, ­l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pouvait donc se réjouir quand elle soulignait : « La cible 6C des Objectifs du millénaire pour le développement liée au paludisme appelait à maîtriser cette maladie d’ici à 2015. De toute évidence, elle a été atteinte. »

« En décembre 2016, moins de la moitié des pays d’endémie étaient en passe d’atteindre les objectifs de la lutte contre le paludisme. »

C’est une tout autre tonalité qu’a adoptée le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, dans son avant-propos au rapport 2017, le plus récemment paru : « En décembre [2016], nous avions noté que la lutte antipaludique suivait une trajectoire inquiétante. En effet, les données indiquaient que moins de la moitié des pays d’endémie étaient en passe d’atteindre les objectifs de baisse de la morbidité [taux de personnes atteintes]et de la mortalitéliées au paludisme. Les progrès semblaient alors s’arrêter. Le rapport 2017 sur le paludisme dans le monde montre que cette trajectoire inquiétante se poursuit. »

Et le « Dr Tedros », comme il est plus familièrement appelé, de remarquer que, malgré des points positifs, « la baisse du poids du ­paludisme au niveau mondial s’est incontestablement ralentie. Par ailleurs, dans certaines régions et certains pays, la lutte contre cette maladie est même en recul ».

Pour la première fois en dix ans, le nombre de cas de paludisme a en effet augmenté de nouveau. En 2016, ce sont 216 millions de personnes qui ont contracté la maladie dans le monde, soit 5 millions de plus que l’année précédente, et un retour au niveau de 2012.

Certains pays ont connu une hausse de plus de 20 % des cas de paludisme entre 2015 et 2016. La plupart des cas (90 %) ont été ­enregistrés en Afrique, loin devant l’Asie du Sud-Est (7 %) et la Méditerranée orientale (2 %), selon l’OMS. Le nombre des décès, lui, est resté stable : 445 000 morts en 2016, comparable aux 446 000 morts en 2015.

2,7 milliards de dollars investis, sur les 6,5 nécessaires

A ce constat sanitaire préoccupant s’ajoute une autre source d’inquiétude : « Les financements mondiaux obtenus en faveur du contrôle et de l’éradication du paludisme représentent moins de la moitié des fonds nécessaires pour atteindre les cibles mondiales », alerte RBM. Dans son avant-propos au rapport annuel 2017 sur le paludisme, le DTedros confirme « un niveau d’investissement inadéquat » : « Un niveau d’investissement annuel de l’ordre de 6,5 milliards de dollars [5,2 milliards d’euros] au moins est requis d’ici à 2020 pour atteindre les cibles de la stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme de l’OMS. »

Or, en 2016, seulement 2,7 milliards de dollars (2,2 milliards d’euros) y étaient consacrés et, depuis 2014, ces investissements ont diminué dans de nombreux pays très touchés.

Initiatives

Des signes de régression, alors que, dans le même temps, sont prises des initiatives comme ­celles d’Unitaid (organisation internationale, spécialisée dans le financement d’innovations en santé). A travers le partenariat Medicines for Malaria Venture, Unitaid a­ ­consacré 20 millions de dollars pendant la période 2013-2016 pour répondre à l’accélération de la demande et à l’adoption de la forme injectable d’artésunate – un médicament antipaludéen majeur –, plus efficace et moins cher que la quinine. Un programme qui pourrait sauver la vie de 66 000 enfants supplémentaires chaque année d’ici à 2021, selon l’institution internationale.

La lutte contre le paludisme est donc à la croisée des chemins. Les objectifs fixés sont raisonnables. Reste à savoir si la volonté politique et la mobilisation internationale seront au rendez-vous.

Ce dossier a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec Unitaid.