Gare de Lyon, à Paris, le 13 avril. / Christophe Ena / AP

De nouvelles garanties en vue de l’ouverture à la concurrence, moins d’ordonnances gouvernementales mais des points épineux restant à trancher : la semaine de débats à l’Assemblée nationale a permis de compléter la future réforme du rail. Le projet de loi « pour un nouveau pacte ferroviaire » est soumis mardi 17 avril en première lecture au vote solennel des députés.

La SNCF est actuellement composée de trois établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic) : SNCF (direction), SNCF Mobilités (trains) et SNCF Réseau (rails). Le texte prévoit de la transformer au 1er janvier 2020 en « société nationale à capitaux publics » plus intégrée, au capital « intégralement détenu par l’État ». Ces principes sont désormais posés en « dur » dans le projet de loi.

Objectifs de dette

Des ordonnances dans un délai de 12 mois – et non plus 6 comme initialement – devront « fixer les conditions de création du groupe public constitué par la société nationale SNCF et ses filiales » et ses « conditions de fonctionnement », notamment sa gouvernance.

Concernant la dette de SNCF Réseau, qui atteignait 46,6 milliards d’euros fin 2017 et devrait dépasser les 62 mds en 2026, le projet de loi est muet. Mais Emmanuel Macron a confirmé dimanche qu’« à partir du 1er janvier 2020, l’Etat reprendra progressivement de la dette », largement héritée de la construction des lignes à grande vitesse.

La reprise sera « substantielle, parce qu’une entreprise ne peut pas la porter elle-même » et le montant sera fonction des débats « avec les organisations syndicales des prochaines semaines », a ajouté le chef de l’Etat, selon qui « plus on aura une réforme ambitieuse collectivement, plus l’Etat la reprendra ».

Un calendrier échelonné

Alors que des ordonnances étaient prévues initialement, le calendrier échelonné a été inscrit dans le texte. Seules les régions seront concernées dans un premier temps, à l’exception de l’Ile-de-France dont le calendrier est décalé. Elles pourront organiser des appels d’offre à partir de décembre 2019 mais aussi continuer d’attribuer directement des contrats à la SNCF jusqu’à fin 2023, pour une durée maximale de dix ans. Le calendrier est le même pour l’Etat avec les « trains d’équilibre du territoire » (Intercités).

L’ouverture sera étendue aux TGV à partir de décembre 2020, sur le modèle de l’« open access » (accès libre). Ainsi, la SNCF devra partager les créneaux de circulation des TGV avec ses concurrents s’ils se lancent sur ce marché.

Quel que soit l’opérateur, le principe des tarifs dits « sociaux » pour les voyageurs (familles nombreuses, handicapés, etc.) sera pérennisé. Etat ou régions compenseront le coût de la mesure pour les entreprises ferroviaires et un décret fixera ces différents tarifs.

Le sort des cheminots

Traduisant le résultat des concertations en cours, ont été inscrites dans le texte une série de garanties pour les cheminots transférés de la SNCF à une autre entreprise ferroviaire, notamment en cas de perte de contrat par l’opérateur historique. C’est ce qui est appelé le « sac-à-dos social ».

Ces transferts se feront « prioritairement au volontariat ». Sont aussi prévus, sans limite de durée, le maintien du niveau de rémunération au moment du transfert, du régime spécial de retraite ainsi que la garantie de l’emploi pour ceux ayant été embauchés au statut. Et les « avantages » accordés par l’entreprise historique, comme les facilités de circulation ou l’accès aux médecins spécialisés, seront conservés.

Ces garanties seront complétées d’ici l’examen du projet de loi au Sénat fin mai, en fonction des concertations en cours, a assuré la ministre des Transports Elisabeth Borne. Doit notamment être tranché le sort des cheminots en cas de refus de transfert ou de faillite de leur nouvelle entreprise.

Quant au statut même des cheminots, le gouvernement veut l’éteindre progressivement. A partir d’une date à préciser, les nouvelles recrues seront embauchées dans un cadre contractuel restant également à négocier. Les cheminots actuellement au statut le resteront, même si la direction veut davantage de souplesse.

« Très haut niveau de grève »

Les syndicats de cheminots dénoncent un passage « en force » et réaffirment leur détermination, le quatrième épisode de grève devant débuter mardi soir. « Le gouvernement franchit en force la première étape de son processus parlementaire », a déploré la CGT-Cheminots, 1ère force syndicale à la SNCF, dans un communiqué.

La CGT appelle en conséquence à un « très haut niveau » de grève mercredi et jeudi, pour « imposer l’arrêt du processus parlementaire » et « arracher de véritables négociations ». « La victoire est à notre portée », écrit le syndicat, en rappelant également la journée de mobilisation interprofessionnelle de jeudi à l’initiative de la CGT et de Solidaires.

Pour la CFDT Cheminots, « la méthode du président » Emmanuel Macron est « plus encline au passage en force et à la surenchère qu’à la négociation », a-t-elle également critiqué dans un communiqué. L’organisation a formulé vingt propositions d’amendements, rappelle-t-elle, et « seules trois ont été actées favorablement », « après un mois de concertations sans réponses très argumentées ». Vendredi, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, avait malgré tout salué de « premières avancées ».

Pour SUD Rail, les amendements au texte de loi vont globalement « au contraire, dans le sens d’une dégradation et aggravation encore plus manifeste ». « Notamment sur le côté modernisation sociale du secteur », ou « nouveau pacte social dans l’entreprise, on recule plus qu’on avance », s’est insurgé Erik Meyer.

SUD-Rail prévoit de manifester mardi midi devant le ministère des transports, où des réunions bilatérales sur « la modernisation sociale et la contractualisation dans le secteur ferroviaire » sont prévues.