Richard Gasquet lors du tournoi de Montréal, le 7 août 2017. / Jean-Yves Ahern / USA Today Sports

Avec les années et les blessures, Richard Gasquet a appris l’art de la résilience. Embêté par des douleurs au dos depuis bientôt trois ans, le Français a aussi vu son début de saison perturbé par une blessure au genou. Demi-finaliste la semaine dernière à Marrakech pour son retour, le 34e mondial espère « avoir une éclaircie dans les mois qui viennent » pour réaliser une belle saison sur terre battue.

En lice ce mardi contre Jérémy Chardy pour son premier tour à Monte-Carlo, le trentenaire retrouve le court des Princes, où il s’était révélé en 2002 à 15 ans et demi. L’occasion de revenir sur les attentes nées après des débuts aussi précoces, mais aussi évoquer la relève du tennis mondial et cette réforme de la Coupe Davis qu’il ne porte pas dans son cœur.

Il y a seize ans, vous remportiez le tout premier match de votre carrière ici à Monte-Carlo. Un souvenir qui vous paraît très lointain aujourd’hui ?

C’est marrant, mais je suis retombé récemment sur des images de cette victoire (contre l’Argentin Fernando Squillari) et j’avais du mal à me reconnaître. Seize ans de carrière, c’est énorme, j’ai passé plus la moitié de ma vie sur le circuit, quand on y réfléchit.

Après des débuts aussi précoces, le public et les observateurs vous voyaient remporter un tournoi du Grand Chelem dans les cinq ans. Comment un adolescent comme vous supportait toutes ces attentes ?

Entre 16 et 18 ans, je me suis fait découper la tête après la moindre défaite. J’en ai souffert. Il y a beaucoup de passion exacerbée autour du sport, je suis encore étonné même après seize ans de carrière. Tu es un génie quand tu gagnes, tu te fais défoncer quand ça va moins bien. Mais c’est la loi du genre. Moi aussi, je me surprends à dire des conneries monstrueuses quand je parle de foot.

A bientôt 32 ans (le 18 juin), la lassitude commence-t-elle à se faire sentir ?

Je me régale encore, je joue devant du public, ça reste une vie sympa. Je ne me pose pas la question de la fin. Tant que l’envie est là… Je suis encore motivé pour m’entraîner, voyager, revenir après une blessure. Je ne me suis pas fixé de date, j’adore le tennis, j’ai encore cette passion pour mon sport.

« Je ne suis plus tout jeune non plus… Mais voir des trentenaires au sommet, ça me donne de l’envie pour le futur. »

La longévité des Federer, Nadal ou les bons résultats actuels d’autres trentenaires vous font peut-être vous dire que vous n’êtes pas trop vieux ?

Je ne suis plus tout jeune non plus… Mais voir des trentenaires encore au sommet, ça me donne encore de l’envie pour le futur. A 31 ans, tu peux encore progresser, mieux servir, améliorer certains aspects de ton tennis. Federer, c’est l’exemple parfait. Il joue moins de tournoi, a changé son jeu pour raccourcir les échanges, adapté son entraînement à son âge. Les joueurs sont beaucoup mieux préparés que lorsque je suis arrivé sur le circuit au début des années 2000, il y a beaucoup plus de professionnalisme dans la préparation physique. C’est ce qui explique pourquoi les carrières durent plus longtemps.

On ne voit plus de très jeunes joueurs remporter des tournois du Grand Chelem, comme c’était le cas par le passé. Le tennis est-il devenu un sport de « vieux » ?

Aujourd’hui, il y a de très bons jeunes, mais pas des champions incroyables comme on a pu en voir. Des Sampras, Nadal, Wilander, Becker ont gagné un Grand Chelem à 18 ans. Zverev, Shapovalov ou Kyrgios sont très forts et vont sans doute gagner des Grands Chelems, deux ou trois peut-être, mais est-ce qu’ils marqueront le jeu comme Federer, Nadal ou Djokovic ? Je n’en suis pas sûr. Après, tout est possible : Federer est devenu très fort vers 22, 23 ans. Shapovalov a quelques similitudes avec lui et n’a que 19 ans.

« Partir disputer la Coupe Davis en Asie en fin de saison, je m’y vois pas du tout pour l’instant. »

Du côté français, on se pose aussi la question de la relève. Derrière votre génération, un Lucas Pouille paraît assez seul…

Lucas aura une fenêtre pour gagner un Grand Chelem. A un moment, il n’aura plus Federer ni Nadal en face. Lucas joue très bien, est sérieux, mais derrière, ça fait un peu peur pour l’instant. Corentin Moutet a du talent, Quentin Halys aussi, mais on ne voit pas encore des membres du top 10 en puissance comme avec ma génération. Mais on aura peut-être des bonnes surprises.

Lucas Pouille a laissé entendre qu’il ne participerait pas à la Coupe Davis si la nouvelle formule était adoptée par l’ITF. Etes-vous sur la même ligne que lui ?

Partir disputer la Coupe Davis en Asie trois semaines après Bercy en fin de saison, je m’y vois pas du tout pour l’instant. Ça m’étonnerait que j’y aille. Tu tues quelque chose en arrêtant les matchs à domicile. J’ai disputé des demi-finales à Wimbledon ou l’US Open, mais je n’ai pas ressenti la même émotion qu’en finale face à la Belgique l’an dernier ou lors de la demi-finale contre les Tchèques à Roland-Garros en 2014. C’est une atmosphère unique et on va la perdre. Depuis dix ans, on dit « il faut réformer », mais on ne réforme rien. Et là ce projet extrême arrive, justement parce qu’on a été faible et qu’on n’a rien changé.

Quel serait un changement plus acceptable selon vous ?

Je pense qu’organiser la compétition tous les deux ans aurait été une bonne solution. Pour les meilleurs joueurs, ça devenait impossible de dégager quatre semaines par an dans le calendrier si tu allais en finale.

Avez-vous eu l’occasion d’en discuter avec le président de la Fédération française de tennis, Bernard Giudicelli, qui défend le projet en tant qu’élu de l’ITF ?

Non, je reviens de blessure. J’étais surtout préoccupé par l’idée de bien me soigner. Mais si j’en ai l’occasion prochainement, je lui en parlerai.