Le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, et son homologue luxembourgeois, Jean Asselborn, le 16 avril à Luxembourg. / EMMANUEL DUNAND / AFP

Le débat entre les ministres européens des affaires étrangères sur le sort de l’accord nucléaire iranien, lundi 16 avril, à Luxembourg, a été éclipsé par les discussions sur la Syrie, mais il va figurer tout en haut de l’agenda diplomatique d’ici au 12 mai. C’est à cette date que Donald Trump doit décider s’il rompt, ou non, l’engagement de son pays à soutenir ce texte conclu en 2015 avec Téhéran par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni), en plus de l’Allemagne, au terme de treize ans de crise.

Les trois signataires européens vont tenter de convaincre le président américain de préserver ce texte, qu’ils jugent crucial, en invoquant notamment le fait qu’ils seraient davantage exposés que les Américains à un éventuel tir de missile iranien. « Pour nous atteindre, des missiles continentaux, et pas intercontinentaux, suffiraient », souligne un haut responsable.

Selon le ministre luxembourgeois des affaires étrangères, Jean Asselborn, le président Emmanuel Macron, la chancelière allemande, Angela Merkel, et la première ministre britannique, Theresa May, devraient se rendre successivement à Washington avant la fin du mois, porteurs d’un mandat de leurs partenaires.

Pas d’unanimité au sein du camp européen

Quelle que soit leur opinion, les trois dirigeants n’apporteront toutefois pas de réponse positive à l’une des exigences de M. Trump : l’imposition de nouvelles sanctions contre l’Iran, si ce pays poursuit la mise au point de missiles balistiques susceptibles d’être équipés, un jour, d’ogives nucléaires. La réunion de lundi a indiqué que, malgré les souhaits exprimés notamment par Paris, il n’y avait pas d’unanimité, au sein du camp européen, pour renforcer le dispositif actuel de sanctions.

« Il n’y a pas de consensus. Nous ne sommes pas convaincus de la nécessité de sanctions supplémentaires », a expliqué Federica Mogherini, la chef de la diplomatie européenne. Farouche partisane de l’accord qui est, selon elle, un gage de sécurité stratégique, l’ancienne ministre italienne refuse toute remise en question des engagements pris à l’égard de l’Iran. Ce pays est, par ailleurs, rappellent ses services, soumis à quatre chapitres de sanctions européennes pour son implication dans la prolifération, son absence de respect des droits de l’homme, son rôle en Syrie et dans le soutien à des activités terroristes. Téhéran est, par ailleurs, ciblé par un embargo sur les armes et un contrôle des ventes de biens dits « à double usage » (civil et militaire). Des doutes existent cependant quant à la réelle efficacité de ces derniers dispositifs, qui seraient aisément contournés.

« Ne rien faire, c’est laisser Trump casser l’accord »

L’Italie, l’Espagne ou la Suède empêcheraient, en tout cas, l’imposition de nouvelles mesures restrictives envisagées notamment par Paris. Une telle décision suppose l’unanimité des pays membres de l’Union. Il reste donc aux diplomates et aux dirigeants directement concernés à tenter au moins de convaincre l’administration américaine qu’ils sont en mesure d’engager une discussion constructive avec le régime iranien sur son influence, jugée négative, en Syrie, au Yémen et au Liban, notamment.

« Ne rien faire, c’est laisser Trump casser l’accord. En faire trop, c’est peut-être amener les Iraniens à en sortir, et le résultat serait identique », résume M. Asselborn en posant les termes du dilemme auquel sont confrontés les Vingt-Huit. Un autre dirigeant est plus pessimiste. Sous le couvert de l’anonymat, il dit redouter que la décision du président américain soit, en réalité, déjà prise. « Les récentes nominations de Mike Pompeo à la tête du département d’Etat et de John Bolton comme conseiller à la sécurité nationale laissent peu de place au doute », explique-t-il. Le premier a jugé l’accord conclu avec l’Iran « désastreux », le second plaide depuis 2015 pour des frappes militaires contre ce pays.

Certains Européens, comme le ministre allemand Heiko Maas, croient cependant encore à l’existence d’une marge pour agir. Evoquant sa « préoccupation » à l’égard du rôle de l’Iran dans la région et son programme d’armement, le ministre juge apparemment possible un infléchissement de la position américaine. « Le temps presse, mais ce n’est pas joué », souligne également M. Asselborn.