Stéphane Roth, nouveau directeur général de Musica
Stéphane Roth, nouveau directeur général de Musica
Par Pierre Gervasoni
L’actuel directeur éditorial de la Philharmonie de Paris succède à Jean-Dominique Marco.
Très attendue dans le milieu de la musique contemporaine, la désignation du successeur de Jean-Dominique Marco à la tête du festival Musica de Strasbourg a été rendue publique, mercredi 18 avril, par un communiqué du ministère de la culture. C’est Stéphane Roth, 36 ans, le plus jeune des cinq candidats auditionnés, qui a été retenu. Son projet s’inscrit dans la continuité d’une politique de soutien aux compositeurs par des commandes avec l’ambition, toutefois, de « décloisonner les expressions en franchissant les frontières esthétiques ». Les frontières géographiques devraient être également franchies par l’ouverture de la région Grand-Est aux pays voisins, le Luxembourg (des collaborations avec la Philharmonie sont envisagées), l’Allemagne (terre historique des festivals de création) et la Suisse (riche en interprètes, en compositeurs et en fondations).
Pour avoir fait ses études universitaires (musicologie, histoire de l’art, sciences du langage) à Strasbourg, Stéphane Roth connaît le public potentiel de la ville. Là encore, son action aura pour objectif l’élargissement de la plate-forme actuelle, notamment « en mettant en place des appels à projets citoyens ». Maurice Fleuret aurait pu y penser lorsqu’il fonda le festival, en 1982, un an après avoir été nommé directeur de la musique par Jack Lang. En s’attachant au fait que le nouveau directeur général du festival (qui prendra ses fonctions le 1er janvier 2019) vient de passer près de cinq ans aux côtés de Laurent Bayle (premier patron de Musica et président de l’association qui gère le festival) comme directeur éditorial de la Cité de la musique (puis de la Philharmonie de Paris), on peut considérer que la boucle est bouclée.
Pourtant, Musica a beaucoup changé depuis son origine. Laurent Bayle s’était imposé « de sortir de la structure d’un festival de quelques jours replié sur les professionnels, de l’éclater sur un minimum de trois semaines et d’investir la ville à la fois dans des sites institutionnels, tels que l’Opéra ou le Palais des congrès, et dans des lieux insolites, comme une centrale électrique sur le point de fermer ». En 1983, la première édition du Festival international des musiques d’aujourd’hui de Strasbourg avait surpris le public en lui apportant des œuvres sur un plateau ferroviaire – celles d’Edgard Varèse interprétées par un duo de percussionnistes sillonnant l’Alsace en train – ou en le conviant à des créations dans une boîte de nuit.
Cette double orientation (rappel des grands repères du XXe siècle et découverte du présent) allait perdurer dans la programmation de Laurent Spielmann, appelé à succéder en 1987 à celui dont il avait été l’adjoint, et dans celle de Jean-Dominique Marco qui, de 1990 à 2018, aura tenté toutes les approches possibles du répertoire, de la thématique nationale (l’Italie, la Finlande, le monde hispanique) ou générationnelle (celle, par exemple, des compositeurs nés dans les années 1950) au principe panoramique de la tête d’affiche (Kaija Saariaho, Magnus Lindberg, Pascal Dusapin, Wolfgang Rihm, Philippe Manoury) ou à la simple confrontation (face à face).
Expériences inédites
Conscient, au début des années 2000, de la nécessité d’un renouvellement, Marco a tenté d’officier en binôme, d’abord avec Frank Madlener (en provenance, en 2002, du festival Ars Musica de Bruxelles, avant de prendre, en 2005, la direction de l’Ircam, à Paris) puis avec Antoine Gindt (ancien assistant de Laurent Spielmann). A l’actif de celui qui assurera encore l’édition 2018 de Musica, il faut porter les collaborations réussies avec le Conservatoire de Strasbourg, les écarts aventureux vers les musiques actuelles et les expériences inédites dans le domaine du spectacle. Celles conduites avec l’Opéra du Rhin ont toutefois contribué à une perte de visibilité, sinon d’identité, du festival.
Le nouveau directeur devra plancher sur le bien-fondé d’intégrer une production lyrique au week-end d’ouverture, mi-septembre. Autre piste de réflexion : la présence de plus en plus importante des ensembles invités, qui assurent la promotion de leur écurie de compositeurs au détriment d’une ligne de programmation plus fine. Avec le risque de réduire le festival à ce qu’il n’avait pas voulu être à l’origine : un rendez-vous de professionnels.
Sur le Web : www.festivalmusica.org et www.culture.gouv.fr