« Amoureux de ma femme » : Daniel Auteuil titillé par le démon de midi
« Amoureux de ma femme » : Daniel Auteuil titillé par le démon de midi
Par Jacques Mandelbaum
L’acteur passe à la réalisation pour adapter une pièce de Florian Zeller, mais peine à captiver.
Acteur incontournable du cinéma populaire durant quelques bonnes décennies, présence aujourd’hui encore convoitable et convoitée du cinéma français (voir le récent succès du Brio, d’Yvan Attal, dans lequel il campe avec verve un professeur de droit réactionnaire), Daniel Auteuil n’en a pas moins entamé depuis quelques années un sensible retrait, sinon quantitatif du moins qualitatif, sur le devant de la scène cinématographique. Tout acteur restant une bête de scène, il n’en foisonne pas moins au théâtre, et s’est même piqué, depuis 2011, de passer à la réalisation.
Logiquement, l’acteur revient pour ce faire à la source même de sa consécration, reprenant le filon ouvert par Claude Berri en 1986 avec l’éclatant succès des reprises pagnolesques Jean de Florette et Manon des Sources, dans lesquelles l’interprétation de l’infâme innocent Ugolin lui ouvre le cœur des Français. Il signe ainsi trois « remakes » d’affilée du génial Marcel, La Fille du puisatier (2011), qui s’en sort avec les honneurs, puis en 2013, s’attaquant aux saints des saints, Marius et Fanny, qui sont deux échecs. On en était là, sans se douter que Daniel Auteuil mijotait, malgré l’amertume de l’expérience, son retour comme réalisateur.
Voici comment on se retrouve aujourd’hui devant l’improbable Amoureux de ma femme, l’acteur-réalisateur renouvelant le pari dangereux qu’un succès établi est la meilleure planche de salut pour un succès espéré. Le film est, en effet, l’adaptation d’une comédie théâtrale – L’Envers du décor, de Florian Zeller – mise en scène et interprétée par Daniel Auteuil en 2016. Le dispositif, façon Dîner de cons, est simple : deux couples face à face le temps d’un repas dans un appartement bourgeois parisien. Il y a là Daniel (Daniel Auteuil), sémillant sexagénaire, sa femme, Isabelle (Sandrine Kiberlain), qui ne le fait plus rêver, son truculent ami Patrick (Gérard Depardieu) et sa nouvelle et accorte petite amie espagnole, Emma (Adriana Ugarte), qui lui rend la moitié de son âge. Les attendus de cette réunion sont hasardeux. Patrick, qui était en couple avec la meilleure amie de la femme de Daniel, s’est logiquement éloigné du couple. Se croisant inopinément dans la rue, les deux hommes conviennent qu’il est temps de se revoir, d’autant que Patrick tient à présenter sa nouvelle amie au couple.
Archaïsme phallocratique
Peinant à convaincre sa femme de l’opportunité d’un tel dîner, Daniel la joue ultra-fine face à l’hostilité de son épouse et finit par obtenir gain de cause. Encore ne pensait-il pas particulièrement à mal. Mais l’apparition en chair et en os de la jeune bombe ibérique à la chute de reins altière et aux yeux de velours va proprement lui mettre cul par-dessus tête durant le dîner. Sur un argument aussi ténu et remâché que celui-ci, pour ne rien dire de l’archaïsme phallocratique du propos qui ne tombe pas franchement à pic, il faut reconnaître au réalisateur le mérite d’avoir tenté une échappatoire dramaturgique. Ainsi, à la simplicité carrée du dispositif original, il brode une construction narrative plus incertaine et complexe, qui donne comme réelles toutes les embardées fantasmatiques qu’inspire à Daniel la vision de sa belle voisine de table (façon, cette fois-ci, Le Magnifique, de Philippe de Broca).
But du jeu : finir par faire douter le spectateur, à chaque strate d’imaginaire qui s’intercale sans transition dans ce dîner, du registre où il se trouve exactement. Les insertions sont si nombreuses qu’on est de fait trompé à maintes reprises. Plus fondamentalement, toutefois, ces échappées oniriques sur le thème du démon de midi n’étant pas elles-mêmes d’une folle originalité, on se prend à s’y ennuyer aussi ferme qu’aux lignes de dialogues lourdement équivoques et aux tirades appuyées du dîner. On ne rangera donc pas ce film parmi les exemples de réussite que compte l’art délicat de la comédie sentimentale.
Amoureux De Ma Femme - Bande-Annonce
Durée : 01:45
Film français de Daniel Auteuil. Avec Daniel Auteuil, Gérard Depardieu, Sandrine Kiberlain, Adriana Ugarte (1 h 24). Sur le Web : www.facebook.com/SonyPicturesFrance