Carrefour s’allie avec Système U sur les achats
Carrefour s’allie avec Système U sur les achats
LE MONDE ECONOMIE
Un nouveau regroupement dans la distribution après l’alliance Casino-Auchan.
Nouveau coup de théâtre dans le monde décidément agité de la grande distribution. Carrefour et Système U ont annoncé mercredi 25 avril être entrés en négociations exclusives en vue de former la première centrale d’achat en France. Les deux enseignes veulent nouer une « coopération de cinq années qui portera sur la négociation à l’achat des plus grandes marques nationales et internationales ». Elles prévoient de soumettre leur dossier à l’Autorité de la concurrence d’ici à la fin juin.
Carrefour étant déjà allié à Cora, le renfort de Système U permettrait de fédérer une part de marché de 35 % sur l’alimentaire susceptible d’obtenir les meilleures conditions face aux géants mondiaux de la grande consommation comme Coca-Cola, Unilever et autres Danone. Objectif, bien sûr, redresser des marges rognées par la guerre des prix continuelle.
Or, former la première puissance de feu en France, avec une dimension internationale en plus, c’était l’ambition de Casino et Auchan, qui avaient dévoilé le 3 avril l’ouverture de négociations dans ce sens. Les deux futurs partenaires comptaient sur les 10,6 % de part de marché de Système U – allié d’Auchan – pour y parvenir. Visiblement, toutefois, le groupement indépendant n’a pas apprécié la manière dont il était traité par ses deux concurrents. Et Carrefour en a profité.
Symptôme d’un secteur en crise
La recomposition est de taille. A part Cora – nettement plus petit avec 3 % de part de marché –, Carrefour avait préféré jusque-là faire cavalier seul. De leur côté, Auchan et Système U avaient envisagé de fusionner en 2016 avant que l’Autorité de la concurrence ne bloque ce projet. Si l’on ajoute le récent divorce entre Intermarché et Casino, préalable à la future coopération entre le groupe de Jean-Charles Naouri et Auchan, les marivaudages des enseignes finissent par donner le tournis.
Ces tâtonnements sont le symptôme d’un secteur en crise. Confrontés aux changements d’habitude des Français qui boudent les hypermarchés au profit du drive, des magasins de proximité et des commandes en ligne, et à l’irruption des grands acteurs du numérique, Amazon en tête, les distributeurs multiplient alliances, rachats, restructurations. Monoprix (groupe Casino) a ainsi annoncé coup sur coup un accord avec le spécialiste britannique du e-commerce Ocado pour optimiser la gestion de ses ventes en ligne, puis son arrivée prochaine sur la place de marché d’Amazon.
Ce n’est pas un hasard si Carrefour et Système U connaissent chacun de leur côté un passage de témoin. Arrivé à la tête du premier en juillet 2017, Alexandre Bompard a lancé en janvier un vaste plan de transformation sur cinq ans. De son côté, Serge Papin – PDG de Système U depuis 2005 – transmettra les rênes à l’expiration de son mandat en mai.
Sujet sensible
Les tensions au sein de l’ex-partenariat entre Intermarché et Casino l’ont encore démontré : la coopération entre des enseignes décentralisées d’un côté – où les points de vente disposent de marges de manœuvre importantes – et des groupes intégrés de l’autre peut se révéler conflictuelle. Carrefour et Système U assurent avoir conscience de ces difficultés mais estiment partager par ailleurs une vision commune, en particulier concernant leurs relations avec les filières agricoles.
C’est le sujet sensible alors que l’examen en commissions parlementaires du projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable » vient de débuter. Loin d’utiliser leur taille pour faire pression sur les petits producteurs, Carrefour et Système U assurent vouloir « proposer aux filières agricoles un partenariat de référence. Celui-ci sera construit autour des prix et des volumes pour procurer aux exploitants, dans la durée, une juste rémunération ».
En avril, si Auchan et Casino avaient promis de laisser les produits frais traditionnels en dehors de leur accord, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) avait tiré la sonnette d’alarme : « L’expérience nous montre que ces mouvements ne sont jamais neutres pour les agriculteurs. »