« Ciao Ciao » : en Chine, la rencontre entre une cocotte et un vaurien
« Ciao Ciao » : en Chine, la rencontre entre une cocotte et un vaurien
Par Mathieu Macheret
Le réalisateur Song Chuan dresse plus largement le portrait d’une société villageoise chamboulée par l’économie de marché.
Dans un petit village montagneux de la province du Yunnan, en Chine, une jeune pimbêche nommée Ciao Ciao rend visite à ses parents, des petits commerçants, mais n’attend que de retourner à Canton pour y ouvrir un commerce avec une amie. Quel genre de commerce ? Tout le monde se le demande… Sur place, elle traîne ses attitudes citadines boudeuses et hautaines, et fait la rencontre de Li Wei, le fils gredin d’un distillateur illicite, versé dans les jeux d’argent et la fréquentation des prostituées. Ciao Ciao lambine, condescend à prêter main-forte aux siens, fricote avec un jeune coiffeur, en même temps qu’avec Li Wei, guettant entre les deux celui qui lui offrira la meilleure opportunité de repartir en ville.
Ce deuxième long-métrage du chinois Song Chuan, né en 1980, pourrait se présenter comme la rencontre d’une cocotte et d’un vaurien, s’il ne dressait plus largement le portrait d’une société villageoise chamboulée par l’économie de marché. Entre une jeunesse aspirée par les grandes villes et des aînés aux mœurs corrompues, tout ce petit monde semble avoir fait place nette de ses traditions pour se vouer avec cynisme à l’appât du gain. Au milieu de tout cela, Ciao Ciao se trimballe comme un paradoxe vivant, munie de son sac à main Vuitton et de ses accessoires de mode au milieu d’une campagne imperturbable.
Tarte à la crème du cinéma d’auteur
D’un tel sujet rebattu, devenu en quelque sorte la tarte à la crème du cinéma d’auteur chinois, Song Chuan livre un traitement assez curieux, qui consiste à pousser à l’extrême la saturation des couleurs, dans des plans tableaux aux cadres très larges, réduisant souvent la figure humaine à l’état de silhouette. Il s’agit, bien sûr, d’amplifier au maximum le contraste entre la splendeur touristique des paysages, et la bassesse humaine de ce qui s’y joue : tromperies, trafics, magouilles, corruption, prostitution, utilitarisme, violence, etc.
Procédé assez scolaire qui permet au réalisateur de noircir le tableau, en montrant une société uniformément coupable, où tout le monde a quelque chose à se reprocher. Si le film ne verse heureusement pas dans la détestation de ses personnages, il n’en prend pas moins le tour d’un conte cruel à la portée critique convenue et limitée.
Bande-annonce de CIAO CIAO de SONG Chuan
Durée : 01:41
Film chinois et français de Song Chuan. Avec Liang Xueqin, Zhang Yu, Hong Chang, Zhou Lin, Wang Laowu, Zhou Quan (1 h 23). Sur le Web : dissidenzfilms.com/ciao-ciao