Serge Moati : « Le scénario de cette campagne a été si inattendu qu’il a réveillé ma curiosité »
Serge Moati : « Le scénario de cette campagne a été si inattendu qu’il a réveillé ma curiosité »
Propos recueillis par Alain Constant
Rompu pourtant à l’exercice, le réalisateur qui a suivi la présidentielle de 2017, concède avoir été surpris par ses multiples rebondissements. « Ma dernière campagne » est diffusé dimanche soir sur France 5.
Serge Moati / France 5
Depuis plus de trente ans, Serge Moati filme au plus près le monde politique, notamment les campagnes électorales, formidables miroirs de la comédie humaine. Il n’imaginait pas que l’édition 2017, avec ses rebondissements incessants, allait le surprendre à ce point. Ma dernière campagne, documentaire programmé sur France 5 dimanche 29 avril à 22h35, est le fruit de ce travail, au cœur d’une campagne électorale pas comme les autres.
Comment un réalisateur aussi expérimenté que vous peut-il être à ce point surpris ce qui s’est produit ?
Serge Moati : Parce que rien ne s’est passé comme prévu ! Je suis entré dans cette campagne en me disant que rien n’allait me surprendre. Au fil du tournage, le scénario s’est révélé si inattendu que cela a réveillé ma curiosité, voire mon excitation !
Dès le début du documentaire, vous êtes face à Macron dans sa loge, avant un meeting à Lille. La tension semble palpable. Qu’avez-vous ressenti ?
Moi qui connais bien le personnel politique et qui a, depuis le temps, mes entrées un peu partout, je me retrouve bloqué par des proches du candidat qui me refusent l’accès à sa loge. Et soudain, coup de chance – il en faut – Brigitte Macron arrive et me lance : “On aime bien Moati chez les Macron !”. Me voilà dans la loge et il est surpris de me voir. Ce qui me frappe, c’est son regard, dur et fixé sur vous, ne papillonnant pas comme d’autres. Lorsque je filme avec ma petite caméra, je n’essaie jamais de créer une complicité oiseuse. Je tente toujours de filmer avec empathie mais sans connivence. Et là, Macron, que je ne connais pas, arrive à réduire la distance, presque à vous mettre dans la poche. Il est fort…
Que vous a inspiré François Fillon ?
Je ne sais quoi dire, je crois que j’ai raté le mec ! Il ne donne pas beaucoup face caméra. Nous avons pourtant une filiation commune à travers Philippe Séguin, qui nous était très proche. Mais il n’a décidément rien à voir avec Séguin…
Au cours de ce documentaire, on devine une certaine complicité intellectuelle entre vous, Mélenchon et Bayrou…
C’est vrai ! Je n’ai jamais voté pour eux mais je prends plaisir à parler avec eux. Ils ont beaucoup lu, sont très cultivés. J’ai ressenti également du plaisir et de l’émotion à parler avec Bernard Cazeneuve. Il incarne une dignité et, peut-être, la fin d’un vieux monde dont je fais aussi partie. Je dois ajouter que je ne pensais pas découvrir un Hamon aussi attachant et intelligent. Je l’ai filmé en banlieue, chez un de ses amis. Lorsqu’il me révèle l’explosion de joie chez les militants socialistes lors de l’annonce du retrait de Hollande à l’élection, c’est un grand moment de stupéfaction…
Si on vous dit qu’il semble également exister une complicité intellectuelle entre vous et Jean-Marie Le Pen, vous allez vous fâcher ?
J’ai beaucoup appris en filmant le FN depuis si longtemps. Au début pour moi, juif et homme de gauche, c’était un peu Voyage en terre inconnue ! On peut penser ce que l’on veut, mais Le Pen père fait partie de l’histoire de France. Le 22 avril 2002, j’étais le seul à filmer chez lui, à Saint-Cloud, alors que tout le monde était chez Jospin ou ailleurs. J’avais senti, avec raison me semble t-il, que c’est là qu’il fallait être. Quinze ans après, pour ce documentaire, j’ai d’abord demandé à Marine Le Pen de la suivre. N’ayant pas eu de réponse, je me suis finalement dit : allons revoir le père. Je crois avoir bien fait car les images du 23 avril 2017 à Saint-Cloud, avec un Le Pen assistant à la qualification de sa fille pour le second tour, valent le coup.