Bataille judiciaire autour du nom de domaine « France.com »
Bataille judiciaire autour du nom de domaine « France.com »
Par Perrine Signoret
En 1994, un entrepreneur a acheté ce nom de domaine. Plus de dix ans plus tard, le gouvernement français a engagé une action en justice pour se l’approprier. Avec succès.
Ce site, Jean-Noël Frydman y tenait. Depuis qu’il avait acquis auprès de Web.com le nom de domaine France.com en 1994, l’entrepreneur français expatrié aux Etats-Unis y avait créé un portail d’aide et conseil à destination des touristes visitant l’Hexagone. Les affaires marchaient bien, jusqu’à ce que le ministère des affaires étrangères français attaque l’homme en justice, et récupère son site en mars dernier.
Le 19 avril, Jean-Noël Frydman a décidé de répliquer, déposant à son tour une plainte, selon le site spécialisé Ars Technica. Il y accuse le gouvernement de « cybersquatter » France.com – un terme qui désigne l’enregistrement par un tiers d’un nom de domaine contenant le nom d’une marque, dans le but par exemple de profiter de sa notoriété. Son argument : le gouvernement aurait, selon lui, voulu exploiter la renommée de son entreprise pour mieux promouvoir ses propres services.
« Ca peut arriver à n’importe qui »
C’est en 2015 que la bataille judiciaire commence. A l’époque, le site France.com fête ses dix ans. Par rapport à ses débuts, il a gagné en notoriété, notamment grâce à des partenariats noués avec des agences gouvernementales françaises. Sur son site, Jean-Noël Frydman évoque des accords avec le Consulat général de Los Angeles et l’ambassade à Washington par exemple. En 2010, son entreprise remporte aussi le prix du tour-opérateur offrant la plus grande diversité de choix lors d’un événement organisé par Atout France, une agence étatique chargée du développement touristique du pays depuis 2009.
Puis, c’est le coup dur pour Jean-Noël Frydman. Le ministère des affaires étrangères intente début 2015 une action en justice contre lui. L’institution argue que « France » est un nom de marque déposé, et que France.com lui appartient de fait. Elle reproche également au portail touristique de concurrencer de manière déloyale Atout France.
En septembre 2017, la cour d’appel de Paris déboute le ministère sur le second point, faute de preuves suffisantes, mais lui donne raison en ce qui concerne le premier. S’appuyant sur cette victoire, le ministère demande à Web.com de lui transmettre le nom de domaine France.com. Cela sera fait le 12 mars 2018.
Pas de compensation financière
Jean-Noël Frydman n’a obtenu en échange aucune compensation financière. Il raconte par ailleurs sur son site n’avoir à aucun moment reçu de notification lui indiquant qu’il ne serait plus propriétaire du nom de domaine France.com. « Je n’ai jamais été traité ainsi par une entreprise, a-t-il regretté à propos de Web.com. Si ça peut m’arriver à moi, ça peut arriver à n’importe qui. »
Le 19 avril, l’entrepreneur a décidé de saisir à son tour la justice, en déposant une plainte auprès d’un tribunal américain pour « cybersquattage ». Elle vise « la République française, Atout France, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, [et le ministre] Jean-Yves Le Drian ». Jean-Noël Frydman y demande à redevenir propriétaire de France.com, dont le site redirige désormais directement les internautes vers France.fr, un site d’Atout France. Il estime que la perte de son nom de domaine lui a valu des « millions » d’euros de pertes.