L’avis du « Monde » - Pourquoi pas

Avec son agence Big, Bjarke Ingels s’est imposé en quelques années et quelques projets spectaculaires, inventifs et ludiques, comme l’enfant prodige de l’architecture mondiale. En charge de la construction d’une des tours du nouveau World Trade Center, du siège de Google (conjointement avec Thomas Heatherwick), du projet urbanistique pour le moins controversé d’EuropaCity, à Gonesse, il multiplie, à 43 ans, les projets ultra médiatisés.

Sans véritablement donner à voir les bâtiments, sans poser d’autres questions que celle de la réussite et du génie, ce documentaire coule dans une narration un rien artificielle la légende d’un gamin surdoué devenu « starchitecte ». Sympathique dans sa première partie qui revient sur les rêves d’enfant du personnage, ses années de formation, et ses premiers projets au Danemark (l’usine de valorisation des déchets qui fait à la fois piste de ski pour les habitants de Coppenhague, le musée maritime d’Elseneur...), le film adopte peu à peu la posture complaisante d’un tract à la gloire d’un héros de l’ère néolibérale au physique taillé pour les couvertures de magazines, obsédé par la gagne, assoiffé de grandeur.

En se centrant sur l’angoisse de la mort que libère chez Bjarke Ingels un problème de santé bénin, qui lui permet de se comparer au passage à Louis Kahn ou Le Corbusier, puis sur le début de son histoire d’amour avec sa première fiancée, il ne rend pas service à son personnage. Pour une approche plus instructive et plus inspirée, on se référera plus volontiers à The Infinite Happiness (2015), formidable documentaire de Louise Lemoine et Ila Bêcka sur le complexe de logements sociaux « 8 House », construit par Bjarke Ingels dans la banlieue de Copenhague.

Documentaire de Kaspar Astrup Schröder (1h33). Sur le web : www.mk2.com/films/big-time-tete-bjarke-ingels