Jérémy Michalak. / NRJ12

Il a repéré Nabilla et bien d’autres vedettes du petit écran. Depuis 2011, Jérémy Michalak produit « Les Anges de la téléréalité » pour NRJ12 et permet à cette petite chaîne de la TNT d’être leader sur les 15-24 ans tous les jours en fin d’après-midi (plus de 7 % en moyenne de part de marché sur cette cible). La dixième saison qui a commencé le 12 mars, cartonne et son concept, celui de réunir d’anciennes « gloires » de la téléréalité, continue de séduire un jeune public.

Comment expliquez-vous le succès de votre émission ?

Nous avons conçu « Les Anges » comme une « série réalité ». Nous avons été les premiers en France à emprunter les codes visuels et narratifs à la fiction pour les apposer sur un programme de flux. Je pense que dans cette vieille télé où tout n’est que recyclage de concepts, ce genre de programme est la dernière touche de modernité. Et elle plaît aux jeunes. Tout le monde a copié notre idée et notre méthode, c’est sans doute la rançon de la gloire. Aujourd’hui, les chaînes qui veulent attirer des jeunes et des ménagères se sont mises sur ce créneau et les gros producteurs s’installent sur ce territoire : Fremantle, Banijay, Lagardère, et même Arthur. Il n’y a jamais eu autant d’émission de ce genre à la télévision. Tous les grands spécialistes de la téléréalité, TF1 en tête, ont refusé « Les Anges » quand je leur avais proposé le concept. Il y a près de dix ans, personne n’y croyait ! NRJ12 a eu du flair.

Les Anges 10 - Le résumé : Gary Dourdan, les Experts #épisode 37
Durée : 05:18

Qu’est-ce qui a changé en dix saisons ?

La professionnalisation des candidats de la téléréalité aussi bien dans le business que dans la production.

C’est-à-dire ?

L’époque où les producteurs pensaient pouvoir « manipuler » les participants façon marionnettistes est révolue depuis longtemps. Les participants sont devenus des comédiens qui écrivent leurs propres histoires et scénarios. Ils savent très bien comment produire une séquence et exister dans ces émissions. Pour cela, la recette est toujours la même, il faut qu’ils proposent à l’image ce que nous allons retenir au montage : des relations amoureuses, de l’amitié, des règlements de compte… Bref, ce qui fait le sel de n’importe quel récit que l’on retrouve aussi bien dans Roméo et Juliette que dans « Secret story ». Mon rôle est donc d’écouter les propositions des candidats et de s’assurer de la cohérence de ce qu’ils font tout au long de l’aventure. En clair, je leur file une partition vierge, eux me proposent des notes, et moi, j’essaie de trouver la meilleure mélodie

Mais où se situe alors la part de réalité dans cette émission ?

Pour être honnête, dans ce genre de programme, on ne cherche plus la réalité mais de la crédibilité. Vous avez juste envie que les candidats jouent suffisamment bien pour y croire. Dans le fond, peu importe que ça soit vrai ou faux, la téléréalité se consomme comme une fiction. Et comme dans n’importe quelle série, quand un personnage n’apporte plus rien à l’histoire, il disparaît. Mais les téléspectateurs, non plus, ne sont pas dupes et la télé « réalité » n’a jamais aussi mal porté son nom. D’ailleurs, il y a toujours eu tellement de mise que ce terme finalement n’a aucun sens.

Les Anges 9 🏄- Le résumé #épisode 42
Durée : 06:07

Quel est l’intérêt pour les candidats de participer à votre émission ?

Quand vous voulez devenir comédien, et que les cours de théâtre vous coûtent des milliers d’euros, la téléréalité peut vous ouvrir en grand les portes de l’industrie du divertissement, c’est formidable ! NRJ vient de confier à Aymeric Bonnery, un ancien candidat de « Secret story », la tranche 20 heures-23 heures, ce n’est pas rien. Qui n’a pas d’anciennes vedettes de téléréalité parmi ses chroniqueurs ? On les retrouve dans les émissions d’Arthur ou de Cyril Hanouna. Ces candidats savent que la téléréalité est un accélérateur fulgurant de notoriété. C’est un business lucratif accessible à tous et qui n’est pas réservé à une élite. Candidat de téléréalité, c’est devenu un vrai job qui ne demande pas un grand niveau d’étude, même s’il y a beaucoup de prétendants et peu d’élus. La notoriété de la télé les a rendus « bankable » et cette puissance se monétise sur leurs réseaux sociaux via Instagram ou Twitter. Si le Graal jusque-là était d’avoir quinze minutes de célébrité, en 2050, ça sera peut-être d’avoir son quart d’heure d’anonymat.

« La téléréalité, c’est la revanche du prolétariat. »

Réussir dans la téléréalité, c’est une revanche sociale pour vous ?

Sans doute. La plupart des participants viennent de milieux sociaux modestes. Fils de caissières, filles de femmes de ménage, ils gagnent aujourd’hui trois fois plus qu’un ministre. Ce ne sont plus des cas isolés. Si je peux emprunter le lexique marxiste, la téléréalité, c’est la revanche du prolétariat. D’autant qu’ils se sont emparés de leur outil de travail, qui n’est plus la machine, mais la production et la mise en scène de leur personnalité, de leur vie, de leur image, et de la notoriété qu’ils génèrent ! Certains travaillent à la chaîne en multipliant leurs participations à ces programmes, jonglant entre les diffuseurs, les producteurs et les contrats. Ce sont les stakhanovistes de la téléréalité, certains occupent l’antenne trois cents jours par an. Il n’y a pas un comédien qui travaille autant.

Combien sont-ils payés ?

Au minimum 250 euros par jour de tournage. Les plus connus peuvent toucher beaucoup plus. Ils travaillent cent jours dans l’année pour être au bord de la piscine. Ils gagnent bien leur vie.

L’équipe des « Anges » saison 10. / NRJ12

Votre programme « Les Anges » peut-il continuer encore dix saisons ?

Je pense que l’émission pourrait être même diffusée de septembre à juin sans interruption. Nous sommes presque en fin de contrat et en pleine renégociation avec NRJ12. Vous savez, ce programme fait parti de ces rares marques comme « Touche pas à mon poste », « Quotidien » ou « Burger Quiz » qui pourrait tout aussi bien marcher sur une autre chaîne.

En dix saisons, en quoi l’image de la téléréalité a changé ?

Pour la jeune génération, il n’y a pas de honte à dire qu’on regarde ce genre de programme. Certes la téléréalité n’est pas d’une très grande vertu intellectuelle, mais on peut y voir un grand nombre de points positifs : c’est un business qui génère des centaines de millions d’euros, et autant d’emplois. Et ces programmes reflètent aussi la mixité du pays. Rares sont les émissions qui offrent un tel mélange ethnique et culturel à une heure de grande écoute.