La sélection cinéma du « Monde »
La sélection cinéma du « Monde »
Chaque mercredi dans « La Matinale », les critiques du « Monde » présentent une liste de films à découvrir sur grand écran.
LES CHOIX DE LA MATINALE
Le film d’Asghar Farhadi qui a ouvert le Festival de Cannes, un documentaire sur des parents qui ont bien du mal à endosser leur rôle, le retour en salle d’un dessin animé virtuose du Japonais Satoshi Kon et une plongée dans l’œuvre méconnue du grand cinéaste iranien Amir Naderi : voilà de quoi vibrer et s’émouvoir dans les salles obscures cette semaine de mai.
« EVERYBODY KNOWS » : le regard sombre de Farhadi sur un village de Castille
EVERYBODY KNOWS de Asghar Farhadi : BANDE-ANNONCE OFFICIELLE / TRAILER
Durée : 02:00
Quelques heures après le jury cannois, qui a découvert le film mardi soir lors de la cérémonie d’ouverture du festival, les spectateurs peuvent voir en salle le nouveau film d’Asghar Farhadi, Everybody Knows, en compétition à Cannes. Le cinéaste iranien pose son regard sombre sur un village viticole de Castille où il a choisi de tourner avec deux stars espagnoles, Penélope Cruz et Javier Bardem.
Farhadi est obsédé par les mécaniques humaines, ce qui les meut, ce qui les grippe, leurs mouvements contradictoires. Délibérément, menant jusqu’au bout la démarche entamée dans le premier film qu’il a tourné hors d’Iran (Le Passé, 2012), l’auteur d’Une séparation met en œuvre d’autres contraintes, d’autres normes sociales sans doute pour mieux prouver l’universalité de la condition humaine. Il en résulte un film souvent virtuose, parfois pesant (les deux frontières du talent de l’auteur), plus fragile aussi que les édifices imposants que formaient ses derniers scénarios, et, par là même, plus émouvant. Thomas Sotinel
« Everybody Knows », film iranien, espagnol, français et italien d’Asghar Farhadi. Avec Penélope Cruz, Javier Bardem, Ricardo Darin (2 h 12).
« CHAMP DE BATAILLES » : de la difficulté de devenir parent
Champ de Batailles un film de Edie Laconi
Durée : 01:15
Le documentaire d’Edie Laconi, sélectionné au Cinéma du réel, en 2017, se situe dans un centre parental qui aide des jeunes pères et mères en difficulté à protéger leurs enfants. Le réalisateur, lui-même devenu père, a découvert à deux pas de chez lui, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), un centre maternel devant lequel des jeunes mères ne cessaient de passer avec leurs poussettes.
La visite de ce lieu a déclenché l’idée du film – tourné ailleurs, à Hérouville-Saint-Clair (Calvados), près de Caen. On suit le quotidien de deux jeunes femmes qui subissent plus qu’elles n’acceptent l’institution avec ses contraintes, tandis qu’un couple est confronté au placement de leur fils dans une famille d’accueil. Tout en sobriété, le réalisateur trouve la bonne distance pour filmer ces moments délicats. Les portraits des parents sont particulièrement réussis. Clarisse Fabre
« Champ de batailles », documentaire français d’Edie Laconi (1 h 38).
« PERFECT BLUE » : schizophrénie animée
Perfect Blue - Bannonce reprise 2018 HD VOST
Durée : 01:01
Vingt ans après sa sortie, le film d’animation virtuose du Japonais Satoshi Kon, mort en 2010, revient en salle. Mima est une vedette de la chanson qui décide d’abandonner la variété pour devenir comédienne, au grand désespoir de ses fans. Alors qu’elle commence à tourner ce que l’on devine être un sitcom policier pour la télévision, des faits étranges et inquiétants se déroulent autour d’elle. Mima, qui voit régulièrement apparaître son double, bascule-t-elle dans la schizophrénie ?
Résumer Perfect Blue ne permet pas de donner une idée véritable de ce qu’est la virtuosité incroyable d’un récit où se mêlent réalité et fantasmes, présent et passé, vie et fiction. Perfect Blue invente un univers à la fois réaliste et abstrait, fonctionnant comme un monde de réseaux, de connexions secrètes. Le spectateur est comme transporté au gré des innervations et des circonvolutions d’un énorme cerveau. Jean-François Rauger
« Perfect Blue », film d’animation japonais de Satoshi Kon (1 h 21).
LA COURSE DE FOND D’AMIR NADERI, au Centre Pompidou
« Amir Naderi et le cinéma moderne iranien », au Centre Pompidou à Paris, jusqu’au 17 juin. / CENTRE POMPIDOU
La rétrospective que le Centre Pompidou consacre jusqu’au 17 juin à Amir Naderi tombe à pic pour élargir notre connaissance du cinéma iranien et, plus précisément, du virage moderne qu’il connut à la fin des années 1960.
Né en 1945 à Abadan, Naderi se révèle un cinéaste d’une envergure tout aussi considérable qu’Abbas Kiarostami, dont la filmographie est restée en France relativement méconnue, en dehors d’un chef-d’œuvre, Le Coureur (1985), bouleversant portrait d’une enfance à bout de souffle. Parmi les vingt-deux films présentés lors de cette rétrospective, L’Eau, le vent, la terre (1988), son dernier film iranien et sans doute le plus sidérant (jeudi 10 mai à 20 heures). Un jeune homme revient chercher ses parents disparus dans une région rongée par la désertification. La mise en scène, apocalyptique, s’assimile à une gigantesque tornade de poussière, noyant les dernières silhouettes d’humanité dans un monde en voie d’effacement.
A voir aussi, réalisé en 1997 à l’époque où le cinéaste travaillait aux Etats-Unis, A, B, C, Manhattan (samedi 12 mai à 20 heures) : Naderi lance sa caméra dans les quartiers délabrés de Washington Heights et du Lower East Side, qu’il documente sur le vif en même temps qu’il y suit les déambulations de personnages en quête d’eux-mêmes.
« Amir Naderi et le cinéma moderne iranien », Centre Pompidou, Paris 4e. En présence du cinéaste. Jusqu’au 17 juin.
Les sorties cinéma de la semaine (mercredi 9 mai)
- Senses 3 & 4, film japonais de Ryusuke Hamaguchi (chef-d’œuvre)
- Champ de batailles, documentaire français d’Edie Laconi (à voir)
- Everybody Knows, film iranien, espagnol, français et italien d’Asghar Farhadi (à voir)
- Gringo, film américain et australien de Nash Edgerton (pourquoi pas)
- Los Adioses, film mexicain de Natalia Beristain Egurrola (pourquoi pas)
- Miracle, film lituanien d’Egle Vertelyte (pourquoi pas)
- Rester vivant : méthode, film néerlandais d’Erik Lieshout (pourquoi pas)
Nous n’avons pas vu :
- Abdel et la comtesse, film français d’Isabelle Doval
- La Bataille du Coâ, documentaire français de Jean-Luc Bouvret
- Death Wish, film américain d’Eli Roth
- Léo et les extra-terrestres, film d’animation allemand, danois et luxembourgeois de Christoph Lauenstein, Wolfgang Lauenstein et Sean McCormack
- Monsieur Je-sais-tout, film français de François Prévôt-Leygonie et Stéphan Archinard
- 7 Minuti, film italien, français et suisse de Michele Placido