Violences sexuelles : la commission des lois modifie la rédaction de la loi Schiappa
Violences sexuelles : la commission des lois modifie la rédaction de la loi Schiappa
Par Gaëlle Dupont
Les députés ont reformulé une partie du texte et ont rejeté la création d’une présomption de non-consentement. Le projet de loi doit être débattu dans l’hémicycle à partir du 14 mai.
La commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté une nouvelle rédaction de l’article le plus débattu du projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles, mercredi 9 mai. Il s’agit de l’article 2, relatif à la répression des abus sexuels commis sur des mineurs de moins de 15 ans. Dans ce cas, la contrainte morale ou la surprise « sont caractérisées par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ».
La formulation, proposée par la rapporteuse (LRM) de la commission des lois, Alexandra Louis, entend répondre aux critiques qui jugeaient le texte du gouvernement source de confusion. Celui-ci disait que « la contrainte morale ou la surprise peuvent résulter de l’abus de l’ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité ou du discernement nécessaire ». Des termes qui laissaient trop de place à l’interprétation, selon certains observateurs.
« Manque d’ambition »
« C’est une rédaction plus efficace, et plus protectrice des mineurs », a déclaré Mme Louis. Selon la présidente (LRM) de la délégation aux droits des femmes, Marie-Pierre Rixain, elle permettra aux juges « d’être le mieux armés possible » pour réprimer les crimes sexuels commis envers des mineurs.
On est loin cependant des demandes de nombreuses associations qui souhaitaient voir introduite une présomption de non-consentement d’un mineur de moins de 15 ans en cas de relation sexuelle avec un majeur, eu égard à plusieurs affaires qui ont vu des adultes échapper à des poursuites pour viol, l’enfant ayant été considéré comme consentant à l’acte sexuel. Ces demandes ont été relayées par plusieurs députés.
« Beaucoup d’acteurs nous demandent d’aller plus loin, a plaidé un député Modem. Ce serait une reculade de ne pas mettre un seuil assorti d’une présomption irréfragable [que l’on ne peut contredire] de non-consentement. » Serait dès lors considéré comme un viol tout acte sexuel entre un majeur et un mineur sous le seuil de 13 ou 15 ans.
« Ecoutez vos propos tenus le 25 novembre [journée de lutte contre les violences faites aux femmes] et relisez ce que vous nous proposez !, a encore lancé la députée (UDI) Sophie Auconie. Cela manque d’ambition. »
Cependant, ces propositions ont été rejetées car elles étaient contraires au droit de toute personne mise en cause de se défendre et risquaient de ce fait l’inconstitutionnalité, selon le gouvernement et la rapporteuse. Les amendements de députés Les Républicains qui proposaient une présomption simple (qui laisse à la personne mise en cause la possibilité de prouver le contraire) n’ont pas non plus été retenus, car « établir une présomption en matière criminelle soulève de nombreuses difficultés », a dit Mme Louis.
« Obtenir des condamnations effectives »
Les députées LFI Clémentine Autain et Danièle Obono ont de leur côté mis en garde contre un risque de correctionnalisation des viols d’une personne mineure encore plus grand qu’aujourd’hui du fait de l’augmentation de la peine d’emprisonnement pour atteinte sexuelle à dix ans en cas de pénétration, également soulevé par plusieurs associations. Ces dernières redoutent que les juges estiment plus facile d’obtenir une condamnation en poursuivant des faits pour atteinte sexuelle que pour viol, la contrainte ou la surprise ne devant pas être démontrée, et la peine pour atteinte sexuelle alourdie. Une interprétation du projet de loi réfutée par le gouvernement et par la majorité.
« Le but de la loi est de ne laisser aucune situation sans réponse, selon la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa. Aujourd’hui lorsqu’un viol sur mineur ne peut être prouvé, il y a des acquittements. L’objectif est d’obtenir des condamnations effectives grâce à l’augmentation de la peine pour atteinte sexuelle. »
Auparavant, les députés avaient adopté sans modification l’article premier du texte, qui augmente de vingt à trente ans après la majorité le délai de prescription pour les crimes commis envers des mineurs, mesure recommandée par une mission de consensus menée par Flavie Flament et par le magistrat Jacques Calmettes. Les amendements en faveur d’une imprescriptibilité ont été rejetés en raison des difficultés à apporter des preuves de crime après des dizaines d’années. Mais aussi parce qu’une telle mesure introduirait des incohérences dans les règles de prescription.
Les débats en commission ont mis au jour des clivages traversant les groupes politiques, et changeant en fonction des sujets débattus. Mais la députée Clémentine Autain, pour qui « la montagne a accouché d’une toute petite souris », a sévèrement critiqué le texte. Elle a notamment réclamé des « moyens » et « un traitement des violeurs ». Marlène Schiappa a défendu un texte qui « pose un interdit civilisationnel clair sur les rapports sexuels entre majeurs et mineurs de moins de 15 ans » tout en « respectant l’architecture de notre droit et notre Constitution ».