L’avenir des terres de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes à nouveau en discussion
L’avenir des terres de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes à nouveau en discussion
Par Rémi Barroux
Le gouvernement examine les dossiers agricoles des zadistes lundi avant de procéder à de nouvelles expulsions.
Vue aérienne de la route départementale 281 traversant la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. / LOIC VENANCE / AFP
L’avenir de la ZAD, la zone à défendre, de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), se construit lentement, mais sur une voie encore semée d’embûches, et même parfois de barricades. Lundi 14 mai, une quinzaine de dossiers de projet agricole des zadistes devait être étudiée par le comité de pilotage (Copil) sur l’avenir des terres agricoles de la ZAD, en présence du ministre de l’agriculture, Stéphane Travert.
Au lendemain de cette réunion, alors que de futures conventions d’occupation précaire pourraient être signées dans les prochains jours, à l’instar de ce qui s’est fait, le 24 avril, avec quatre agriculteurs, opposants historiques au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, de nouvelles expulsions de sites illégaux devraient être diligentées. La date retenue serait, selon certaines sources, vendredi 18 mai, en tout cas au lendemain du match de football qui opposera, mercredi, l’Olympique de Marseille à l’Atlético Madrid, en finale de l’Europa League, confrontation qui mobilisera de nombreuses forces de l’ordre.
Ces nouvelles expulsions concerneraient quatorze ou quinze squats sur la soixantaine restants et ne devraient pas toucher les lieux pour lesquels des dossiers d’activité agricole ou artisanale ont été déposés à la préfecture. Cela n’empêchera pas de nouveaux affrontements entre zadistes et gendarmes mobiles, qui pourraient être d’autant plus durs que les occupants, au nombre de plusieurs centaines avec les soutiens venus les renforcer, estiment avoir joué globalement le jeu en déclarant des projets nominaux… et collectifs.
Les quelque cinq cents gendarmes mobiles toujours présents sur la ZAD recevront des renforts pour mener à bien ces opérations toujours délicates. Le 9 avril, ils étaient 2 500 pour détruire une trentaine de sites, déclenchant une véritable bataille rangée dans le bocage.
« Ce qui doit être évacué sera évacué »
Quatre jours après le début de cette première évacuation, le 12 avril, la préfète de région des Pays de la Loire, Nicole Klein, avait annoncé la fin des opérations. Le même jour, interviewé sur TF1, Emmanuel Macron déclarait que « tout ce qui était à évacuer a été évacué ». Des mots accueillis favorablement sur le terrain, car signifiant une phase d’apaisement et de négociation. Mais, le 15 avril, sur BFM-TV, RMC et Mediapart, le chef de l’Etat, en annonçant un nouveau délai pour les zadistes désireux de remettre des dossiers de régularisation, annonçait qu’« à l’issue de ce délai tout ce qui doit être évacué sera évacué ». Le premier ministre, Edouard Philippe, a fixé la date au 14 mai.
Autant dire que l’avenir de la ZAD reste confus. Après avoir été étudiés, le 9 mai, par un comité professionnel de la chambre d’agriculture, la quinzaine de projets présentés au Copil sont sans nul doute les plus aptes à être accueillis favorablement par les membres de ce comité qui réunit, sous l’autorité de Nicole Klein, des élus locaux, des membres des organisations agricoles, de la chambre d’agriculture, du conseil départemental, d’associations, ainsi que de la direction départementale des territoires et de la mer, celle-là même qui, depuis de nombreux jours, œuvre à rendre plus acceptables les dossiers des zadistes.
Parmi ceux-ci, qui mentionnent le nom du porteur de projet, sa date de naissance, son adresse, les parcelles concernées par l’activité, sa profession, ses diplômes agricoles, son expérience professionnelle, son affiliation à la Mutualité sociale agricole (MSA), ainsi que ses parrainages et partenaires, on trouve aussi bien l’« élevage de vaches laitières en agriculture biologique et l’élevage de veaux et bœufs pour la vente directe ou le circuit long », celui de « 80 brebis allaitantes » avec production de viande d’agneau et de laine, du maraîchage, de l’apiculture, de la production céréalière (orge, blé, sarrasin, avoine, épeautre…), des vergers ou encore un « élevage d’escargots de petits gris et gros gris ».
Dossiers à retravailler
De l’avis même de la préfète, ces dossiers « ne posent pas de problème ». D’autres, en revanche, devront encore être retravaillés. Enfin, les dossiers artisanaux, qui ne sont pas agricoles, vont devoir attendre. Ainsi la bibliothèque, la crèche, l’auberge ou encore les projets de menuiserie, de forge n’ont pas vocation à être étudiés par le Copil. « Il s’agit pour nous de pérenniser et d’implanter de nouvelles activités sur cette zone, et par là même de déclarer des activités en préfecture, centres professionnels d’entreprises et services de protection sociale », écrivaient, fin mars, l’Association pour un avenir commun dans le bocage à la MSA de Loire-Atlantique.
Se posera alors la question du bâti. Et le maire de Notre-Dame-des-Landes, Jean-Paul Naud, se montre plutôt réservé sur la pérennisation de nombreuses constructions. « Je ne voulais pas d’aéroport, ce n’est pas pour accepter n’importe quoi sur cette zone qui est à 98 % humide et non constructible », dit-il.
Dans le Copil, nombreux sont ceux qui voient d’un mauvais œil la régularisation des opposants illégaux de la ZAD. A commencer par le président de la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique, Jacques Lemaître, qui, sur Franceinfo, le 18 avril, avait déclaré que, pour être agriculteur, « il y a un certain nombre de contrôles vétérinaires à respecter sur les animaux pour éviter les maladies, les contaminations… Sur ce point, il faut bien que l’Etat surveille ». Alors que les zadistes sont hostiles, par exemple, au puçage des animaux.
Régler les « conflits d’usage »
Parmi les organisations agricoles présentes au Copil, la FNSEA 44, la Coordination rurale, comme la chambre d’agriculture, sont peu enclines à faciliter l’installation des néoruraux, quand la Confédération paysanne se montre ouverte. Les associations qui ont lutté durant de nombreuses années, comme l’Adeca ou Copain 44, poussent, elles, à respecter la dimension collective de ces projets.
Il restera aussi à régler les « conflits d’usage », soit les projets qui sont annoncés sur des terres que réclament aujourd’hui des fermiers ayant fait le choix de céder leurs terres à l’Etat pour la réalisation de l’aéroport. « Cela ne représente que 50 à 90 hectares maximum sur les 270 dont l’avenir est encore à trancher, cela devrait pouvoir se régler », optimise Nicole Klein, qui redoute toujours la reprise des violences sur la ZAD.